La clé de la démocratie : des élections libres, transparentes et incontestables

Comment savoir – et respecter – ce que le « peuple » veut vraiment ? La vérité est que tout le monde, dirigeants comme opposants, parle à la place du principal intéressé.

Des assesseurs d’un bureau de vote de Monrovia, au soir du scrutin présidentiel, le 26 décembre 2017. © REUTERS/Thierry Gouegnon

Des assesseurs d’un bureau de vote de Monrovia, au soir du scrutin présidentiel, le 26 décembre 2017. © REUTERS/Thierry Gouegnon

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Publié le 5 mars 2018 Lecture : 3 minutes.

Édito. D’élections, il est beaucoup question dans ce numéro. D’abord, et surtout, dans notre « Enquête » mensuelle, qui, après l’éducation en Afrique, fin janvier, évoque cette fois la fiabilité de nos scrutins et les instruments mis en œuvre, au nord comme au sud du Sahara, pour en améliorer la qualité.

Ensuite, au travers de plusieurs cas particuliers, qu’il s’agisse de consultations passées (lire dans le n°2982 de Jeune Afrique paru ce 4 mars notre entretien avec George Weah, le nouveau président libérien) ou à venir : la présidentielle tant attendue en RD Congo ou les sénatoriales ivoiriennes, le 24 mars.

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L’envers du décor

Sans oublier l’envers parfois peu reluisant du décor : le financement des campagnes électorales, illustré par l’affaire Lionel Zinsou – lequel, lors de la présidentielle béninoise de 2016, emprunta la bagatelle de 22 millions d’euros à l’homme d’affaires burkinabè Mahamadou Bonkoungou.

Une somme énorme et jamais remboursée qui pose un problème de fond : comment, dans des pays soucieux de leur indépendance, des hommes politiques peuvent-ils contracter à l’étranger des dettes d’un montant aussi vertigineux ? Qui peut imaginer que, s’il l’avait emporté, Zinsou n’aurait pas renvoyé l’ascenseur à son créancier ? Ou qu’il n’en aurait pas été, d’une manière ou d’une autre, l’otage ?

La démocratie progresse en Afrique

Reste que, a contrario de bien des idées reçues, la démocratie progresse en Afrique. Les élections en sont naturellement une composante importante, le socle sur lequel le reste repose. Elles doivent permettre de porter au pouvoir des candidats légitimes, soutenus par d’importantes forces sociales et capables de mettre en œuvre des politiques profitables au plus grand nombre. Objectif : travailler sur la base d’un véritable consensus au bien-être de ses concitoyens.

Se posent alors d’autres questions. Jusqu’à quel âge peut-on raisonnablement présider aux destinées de son pays ? Combien de mandats doit-on accomplir ? Et de quelle durée ? Bref, à quelles règles nos dirigeants devraient-ils se plier ?

On invoque le « peuple » chaque fois que la conquête ou la préservation du pouvoir sont en jeu

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Vaste et complexe débat mêlant politique et démocratie, légalité, légitimité, moralité et raison. Certains plaident pour le respect des règles universelles – ou plutôt occidentales – de la démocratie. D’autres pour de présumés particularismes africains.

« C’est au peuple de choisir », répondent généralement les autocrates désireux de modifier une constitution pour se maintenir au pouvoir. On connaît l’antienne ! Depuis les indépendances, combien d’hommes politiques ont usé et abusé de cette ficelle ?

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Peuple souverain

La vérité est que tout le monde, dirigeants comme opposants, parle à la place du principal intéressé. On invoque le « peuple » chaque fois que la conquête ou la préservation du pouvoir sont en jeu. L’ennui est qu’en Afrique, plus qu’ailleurs, il est bien difficile, en l’absence de sondages d’opinion fiables, de savoir ce que pensent vraiment les citoyens.

Il n’y a qu’un seul moyen : l’organisation d’élections libres, transparentes et incontestables

Les capitales sont souvent frondeuses. Elles expriment à l’égard des pouvoirs en place un mécontentement que le reste du pays est parfois loin de partager. À l’inverse, les zélotes peuvent manifester bruyamment leur soutien à tel ou tel président en difficulté, cela ne signifie pas que ceux qui se taisent acquiescent.

La clé de la démocratie en Afrique ne réside donc pas forcément dans la soumission aux règles constitutionnelles ou morales censées régir les mandats présidentiels, mais dans la capacité de savoir – et de respecter – ce que le « peuple » veut vraiment.

Il n’y a qu’un seul moyen d’y parvenir : l’organisation d’élections libres, transparentes et incontestables. Alors, mais alors seulement, nos présidents seront fondés à dire que le peuple est souverain et que c’est à lui de choisir. Quitte à faire le mauvais choix, puis à se raviser en montrant la sortie à celui qui l’aura déçu.

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