Djibouti – Photographie : le sel de la vie
Après l’Éthiopie et l’Érythrée, les photographes Franck Gouéry et Jean-Baptiste Jeangène Vilmer poursuivent leur exploration de la Corne de l’Afrique avec une escale à Djibouti.
Les Djiboutiens racontent qu’après avoir créé le monde il restait à Dieu une poignée de cailloux qu’il a jetés dans un coin. Ainsi serait né Djibouti, terre volcanique au climat extrême, « pays de roc, de sable et de sel », selon l’expression du volcanologue Haroun Tazieff, qui sert également de titre à l’ouvrage que viennent de publier deux photographes, Franck Gouéry et Jean-Baptiste Jeangène Vilmer.
De cette terre minérale où ne poussent que des acacias rabougris, balayée par le souffle chaud du khamsin, de « ce lieu le plus déshérité au monde », brossé à longueur de livres par Henry de Monfreid, les auteurs ont su tirer tout le sel de la vie.
Trilogie : Djibouti, Éthiopie, Érythrée
Ils ont été au-delà des plaines argileuses, craquelées par le soleil, du Grand Bara ou des horizons de poussière de la plaine de Gaggadé pour se laisser enivrer par le parfum fleuri de « l’improbable oasis » des monts Goda, rafraîchir par la brise marine sous les arcades de la vieille ville de Djibouti, éblouir par le ballet polychrome des flamants roses sur les eaux émeraude du lac Abbé, séduire par le sourire mystérieux des jeunes filles afars.
Les deux compères n’en sont pas à leur coup d’essai. Ce livre vient clore la trilogie qu’ils ont consacrée à la Corne de l’Afrique, avec Les Afars d’Éthiopie, dans l’enfer du Danakil (2011) et Érythrée, entre splendeur et isolement (2015).
Voyage après voyage, ils sont toujours aussi fascinés par les extravagances géologiques provoquées dans la région par la scission douloureuse de l’Arabie et de l’Afrique. « Ce cataclysme pétrifié » décrit par Romain Gary et qui, à raison de trois centimètres par an, déchire le pays, puis le continent, le long du grand rift.
Djibouti a toujours été une escale pour les aventuriers de tout poil, de tout crin, souvent marins, parfois écrivains
Quand les images ne suffisent plus pour décrire la beauté des grands fonds marins de la mer Rouge ou de la banquise de sel du lac Assal, nos explorateurs empruntent les mots de ceux, aussi nombreux qu’illustres, qui les ont précédés.
Car, loin d’être un terminus, Djibouti a toujours été une escale pour les aventuriers de tout poil, de tout crin, souvent marins, parfois écrivains. Le romantisme brut de l’ancienne Côte française des Somalis en a fait succomber plus d’un. De Kessel à Nizan, de Loti à Rimbaud, sans oublier les Italiens Pratt et Buzzati, tous ont trouvé sur ces terres ce qu’ils étaient venus y chercher, un grand souffle épique.
L’ouvrage, qui se veut également documentaire, est composé de notes de voyage des deux auteurs, de citations tirées des œuvres de leurs glorieux aînés, d’extraits de rapports administratifs coloniaux, de proverbes afars et somalis. Dont celui-ci, en forme d’avertissement : « Avant de traverser ce pays, même le chacal fait son testament. »
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