Municipales en Tunisie : les grands duels attendus

Nidaa Tounes et Ennahdha posent leurs pièces sur l’échiquier municipal, où ils devraient être concurrents et non plus alliés.

Souad Abderrahim et Kamel Idir, en lice pour la mairie de Tunis © N. Fauqué/Hichem/Montage Jeune Afrique

Souad Abderrahim et Kamel Idir, en lice pour la mairie de Tunis © N. Fauqué/Hichem/Montage Jeune Afrique

Publié le 29 mars 2018 Lecture : 3 minutes.

Une Tunisienne dépose son bulletin dans un bureau de vote, à La Marsa, banlieue de Tunis (Tunisie), le 21 décembre 2014. © Hassene Dridi/AP/SIPA
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Municipales en Tunisie : le grand test

Les Tunisiens vont encore faire un pas en avant avec les municipales, les premières depuis la Constitution de 2014, consacrant la libre gestion des communes. De quoi remettre sur les rails la vie locale mais aussi l’économie, qui en a bien besoin.

Sommaire

Les deux poids lourds politiques, Nidaa Tounes, au pouvoir, et Ennahdha, majoritaire à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), sont les seuls partis à présenter des listes dans toutes les communes du pays, soit 350 listes chacun (64 % des 1 060 listes partisanes), dont 174 conduites par des femmes pour Ennahdha et 161 pour Nidaa Tounes.

L’accord implicite qui brouille les cartes

Même si ce dernier a semblé un temps moins préparé qu’Ennahdha, qui peaufine la composition de ses listes depuis plus d’un an, le scrutin sera l’occasion pour les deux partis de se confronter sur l’ensemble du territoire, à armes égales. Les similitudes dans le nombre de listes et de femmes à leur tête, en partie inhérentes aux critères imposés par le code électoral, laissent supposer qu’ils seront au coude-à-coude pendant la campagne.

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L’accord implicite de non-belligérance qui a prévalu entre les deux partis dans la conduite des affaires de l’État depuis 2014 continue à brouiller les cartes. Car même si le parti au pouvoir a déclaré début janvier que, pour les municipales, il « sortait du consensus pour aller vers une situation concurrentielle avec le mouvement Ennahdha », selon les termes de Borhène Bsaies, chargé des affaires politiques de Nidaa Tounes, le doute persiste.

« Nidaa Tounes, droite libérale, et Ennahdha, droite fondamentaliste, sont la face et le revers d’une même médaille. Ils n’abandonneront pas leur gestion par consensus, même au niveau local, car c’est ce qui assure leur maintien au pouvoir », commente Intissar Ben Hamida, une indépendante.

La partie est jouée ?

Comme beaucoup d’autres, elle estime que la partie est jouée et que les territoires sont déjà répartis de manière tacite entre les deux formations, sûres de leur victoire. Ne reste plus qu’à connaître leurs pourcentages respectifs. On s’orienterait vers le même scénario que pour les législatives de 2014 : le Sud, le milieu rural, les villes conservatrices et les quartiers populaires iraient à Ennahdha ; les côtes, la banlieue nord de Tunis et les centres urbains reviendraient à Nidaa Tounes.

Mais c’est sans tenir compte des nombreuses listes indépendantes, formées par d’autres partis ou coalitions. Ainsi, l’Union civile, qui réunit onze partis, des associations et des indépendants dans un soutien mutuel, présente des listes dans toutes les circonscriptions (sous diverses appellations) et fait figure d’outsider.

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Au-delà des partis, le scrutin sera l’occasion de duels entre figures locales. L’un des plus importants se jouera dans la circonscription de Tunis, où Kamel Idir, ancien président du Club africain et ­ex-directeur général au sein du ministère de la Santé, est tête de liste de Nidaa Tounes, face à la championne d’Ennahdha Souad Abderrahim, qui a été constituante et qui, comme Idir, est pharmacienne.

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L’élection du maire de Tunis par les conseillers municipaux sera une première pour la capitale – dont l’édile était jusqu’à présent coopté par les autorités au sein des familles de notables –, et une double première si l’élu se révèle être une élue.

D’importantes joutes se joueront aussi à Sfax et dans le Sahel, où certaines personnalités affichent leur opportunisme et choisissent de représenter un parti selon la visibilité qu’il leur accorde : c’est le cas de Noureddine Bourokba, ancien d’Ennahdha et tête de liste de Nidaa Tounes à Gabès (Sud-Est), et de Sondes Dimassi, ex-dirigeante de Nidaa Tounes, qui conduit la liste d’Ennahdha à Ksar Hellal (au sud de Monastir).

Le poids de l’abstention

Quelques listes d’autres partis ou coalitions et d’indépendants pourraient tirer leur épingle du jeu, tout dépendra de la popularité de leurs candidats et de leurs capacités à réseauter. Ainsi, dans le Sud, Al-Irada, fondé par l’ex-président Moncef Marzouki, soutient des indépendants, tandis que dans le Nord le Front populaire (coalition de partis et associations de gauche, dont le Parti des travailleurs de Hamma Hammami) est très actif.

Dans la banlieue de Tunis, à L’Ariana, le juriste Fadhel Moussa capitalise sur son parcours de constituant et offre, en tant qu’ancien d’Al-Massar, une opportunité à la gauche. À La Marsa, des indépendants ont organisé une primaire pour établir leur liste, une première qui n’a pas empêché d’autres indépendants de former une liste concurrente, au risque que l’éparpillement des voix anéantisse leurs ambitions compte tenu du mode de scrutin (proportionnelle au plus fort reste), comme on a pu l’observer lors des législatives de 2014.

Le 6 mai, le duel le plus déterminant se jouera entre votants et abstentionnistes. Si ces derniers l’emportent, ils permettront sans nul doute à Ennahdha et à Nidaa de renforcer leur monopole sur la vie politique, y compris locale.

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