Finance : le défi égyptien d’Attijariwafa Bank

En 2017, le groupe marocain a finalisé le rachat de la filiale de Barclays en Égypte. Si l’investissement est d’ores et déjà rentable, sa maison mère a prévu de revoir son portefeuille.

Attijiwarafa Bank. © Attijariwafa

Attijiwarafa Bank. © Attijariwafa

Publié le 29 mars 2018 Lecture : 5 minutes.

Depuis le 3 mai 2017, le périmètre du groupe Attijariwafa Bank s’est élargi à un douzième pays sur le continent. La filiale du holding royal, SNI, dont le total bilan dépasse 476 milliards de dirhams (42 milliards d’euros), s’est offert la branche égyptienne du géant britannique Barclays pour 4,9 milliards de dirhams. Rebaptisée depuis Attijariwafa Égypte, cette première implantation hors de la zone francophone est en train de devenir l’un des meilleurs investissements de la maison mère. La nouvelle filiale a détrôné toutes les autres pour figurer en deuxième position des meilleurs contributeurs aux bénéfices nets du groupe (RNPG), qui a atteint 5,4 milliards de dirhams en 2017, derrière le Maroc.

Les dirigeants d’Attijariwafa Bank voient déjà en elle un futur champion régional et un relais de croissance. « Nous sommes concentrés sur la transformation de la filiale en Égypte. Elle dispose d’un potentiel énorme qu’il faut absolument capter », nous explique d’emblée Ismaïl Douiri, directeur général ­d’Attijariwafa Bank. Autrement dit, malgré sa participation aux bénéfices nets à hauteur de 7,4 % en huit mois d’exercice seulement, Attijariwafa Égypte a besoin d’une petite restructuration. L’opération pourrait prendre plusieurs années et même imposer un ralentissement de la politique d’expansion du groupe.

Le ROA, ratio qui mesure la rentabilité des actifs, atteint 4 % en Égypte alors qu’au Maroc, dans le meilleur des cas, on fait du 1 % , détaille Ismaïl Douiri

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Convoitée aussi par Emirates NBD avant qu’elle ne tombe dans le giron du groupe marocain, Barclays Égypte n’est pourtant pas un monstre au pays des pharaons. « Ses parts de marché ne dépassent jamais 1 % sur l’ensemble des segments », précise un analyste financier. Mais l’occasion d’intégrer ce marché était trop belle pour le groupe marocain, qui lorgnait une telle opportunité depuis une dizaine d’années et avait déjà essayé d’acheter en 2015 la banque grecque Piraeus Bank Égypte.

Vu de Casablanca, le pays présente plusieurs avantages, comme la sous-bancarisation de la population ou un niveau des marges très important par rapport aux autres pays d’Afrique. « Le ROA, ratio qui mesure la rentabilité des actifs, atteint 4 % en Égypte alors qu’au Maroc, dans le meilleur des cas, on fait du 1 % », détaille Ismaïl Douiri. Et compte tenu de la taille de ce marché, même si Attijariwafa Bank reste localement un acteur de second plan, la filiale égyptienne pèse lourd dans les comptes de la maison mère.

Des politiques favorables au secteur bancaire

Parmi les cibles qui ont été approchées, la filiale de Barclays présentait les meilleurs standards. « En matière de pilotage des risques et de conformité, elle correspondait parfaitement à nos ambitions. C’est une très bonne plateforme pour se développer et les risques inhérents à l’entité sont très faibles », justifie Ismaïl Douiri.

Une analyse confirmée par les résultats enregistrés au cours des premiers mois. « La profitabilité est pour le moment supérieure à notre business plan », avoue d’ailleurs le DG du groupe, qui utilise le dollar pour suivre les performances de sa filiale au-delà des fluctuations de la livre égyptienne. En novembre 2016, la devise nationale a connu une dévaluation spectaculaire d’environ 40 %. Cette éventualité avait d’ailleurs été envisagée lors des audits et des stress tests réalisés avant la signature du contrat de vente avec Barclays.

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« Le groupe n’y est pas allé les yeux fermés. Les réformes économiques que l’État a mises en place pour sortir de la crise étaient déjà dans les tuyaux », révèle un expert bancaire. La banque centrale a accompagné cette période par des hausses successives de son taux directeur en novembre 2016 puis quelques semaines seulement après l’acquisition de Barclays Égypte par le groupe marocain. Des politiques qui ont été favorables au secteur bancaire dans sa globalité.

Objectif : le top 10 des banques égyptiennes

Pour profiter à fond de ce début de relance, les équipes de la maison mère ont concocté un plan stratégique pour la période 2018-2022 avec pour ambition de placer la nouvelle filiale dans le top 10 des banques égyptiennes. Le portefeuille crédit de la banque est constitué actuellement à 70 % de grandes entreprises, à 20 % de clients particuliers et pour 10 % par des PME/TPE.

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Le souhait d’Attijariwafa Bank, c’est que cette répartition devienne plus équilibrée tout en enrichissant chaque segment. La filiale va bien sûr faire jouer l’expérience africaine du groupe pour recruter de nouvelles entreprises tout en conservant son portefeuille existant. « Aucune banque égyptienne aujourd’hui ne peut accompagner ses clients entreprises en Afrique, notamment dans la zone francophone. Barclays, qui avait pourtant quelques filiales dans les pays subsahariens, ne se positionnait pas sur ce type d’opportunité », précise le DG du groupe panafricain.

 Avant d’arriver, on savait quels étaient les risques et les récompenses associés, se rassure Ismail Douïri

Les PME/TPE qui ont difficilement accès aux crédits constituent également une priorité. L’État a pris conscience de ce problème et a imposé aux banques de leur octroyer au moins 20 % des crédits d’ici à 2020.

Enfin, le faible réseau actuel, 56 agences dans 18 villes, sera renforcé pour développer sa présence dans la banque de détail, mais le groupe étudie toujours le modèle qui sera adopté pour cette expansion. La restructuration de la banque ne sera certainement pas simple. La bonne nouvelle, c’est que les experts prévoient une amélioration de la conjoncture économique. « Avant d’arriver, on savait quels étaient les risques et les récompenses associés », se rassure Ismail Douïri.

Selon les prévisions, la contribution de l’Égypte aux bénéfices nets du groupe avoisinera 10 % pour l’exercice 2018. Et offre à terme une porte d’entrée vers les autres marchés de la région, une fois son intégration totalement digérée.

Au Rwanda, le rachat avorté de la Cogebanque

Parmi les autres pays d’Afrique anglophone qui ont intéressé le groupe marocain, il y a le Rwanda. La Cogebanque a été la cible d’Attijariwafa Bank, et un mémorandum d’entente a même été signé entre les deux lors de la visite du roi Mohammed VI en 2016. Mais l’aventure a tourné court.

L’offre du groupe marocain, restée confidentielle, n’a pas été jugée suffisante par les actionnaires, qui n’ont pas donné de suite favorable. « Ça ne veut pas dire que c’est fini, et le Rwanda est un marché attrayant en soi. De plus, c’est un pays de la Communauté d’Afrique de l’Est, qui comprend d’autres marchés importants comme le Kenya et l’Ouganda », relativise Ismaïl Douiri.

Une nouvelle branche ivoirienne

Présent en Côte d’Ivoire depuis de nombreuses années, Attijariwafa Bank s’est fondu dans le paysage et nourrit de grandes ambitions. Le groupe va lancer très prochainement une nouvelle filiale, nommée Wafa Crédit, dévolue au financement des particuliers qui sera associée à sa filiale, la Société ­ivoirienne de banque. Selon Ismaïl Douiri, directeur général d’Attijariwafa Bank, ­l’établissement a demandé un agrément pour servir toute la zone Uemoa.

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