Palestine : Mahmoud Abbas, l’immobile de Ramallah

Projet national dans les limbes, chômage endémique, frustration des jeunes… Mahmoud Abbas est plus que jamais impuissant. Et impopulaire.

Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas lors d’un discours à Ramallah en 2012. © Majdi Mohammed/AP/SIPA

Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas lors d’un discours à Ramallah en 2012. © Majdi Mohammed/AP/SIPA

Publié le 26 mars 2018 Lecture : 2 minutes.

Quand Jihad Manasri, alors jeune lanceur de pierres, a été jeté dans une prison israélienne en 2008, les Palestiniens s’apprêtaient à acclamer en Barack Obama un président bienveillant, et leur chef, Mahmoud Abbas, pouvait se prévaloir d’une certaine considération domestique et internationale.

Face à ce qu’il voit comme une agression israélienne et américaine rendue possible par une faillite palestinienne flagrante, ce militant estudiantin, aujourd’hui libre dans une Cisjordanie de plus en plus fiévreuse, a perdu l’espoir qu’il nourrissait il y a dix ans. « Notre direction s’est compromise sur tout, déclare-t‑il. Les gens ne peuvent pas attendre indéfiniment et ne veulent plus que leurs responsables reviennent à chaque fois les mains vides. »

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« Une Autorité sans autorité »

Des mots qui en disent long sur les défis auxquels Mahmoud Abbas, âgé de 82 ans, est confronté, alors que les Palestiniens sont sous le choc de la présidence américaine de Donald Trump, qui a clamé haut et fort son soutien à Israël, tandis que le gendre de celui-ci, Jared Kushner, échafaude un accord de paix très favorable à l’État hébreu. Le chef de l’Autorité palestinienne (AP) a ainsi vu Trump nommer un ambassadeur prenant fait et cause pour les implantations juives en Cisjordanie, précipiter l’ouverture d’une chancellerie américaine à Jérusalem et tailler dans l’aide aux réfugiés palestiniens.

À l’heure où le projet national palestinien menace de s’effondrer, Abbas et son organisation n’ont jamais été aussi impopulaires et impuissants. « Une Autorité sans autorité », commente le haut responsable Mohamed Shtayyeh. Un sondage du Palestinian Center for Policy and Survey Research révèle que 70 % des Palestiniens veulent le départ d’Abbas, qui n’a cessé de repousser les élections depuis que son mandat a expiré, en 2009. Si des élections étaient convoquées, la présidence de l’AP lui serait ravie par un rival du Hamas.

Si nous ne pouvons obtenir justice pour notre peuple ici, alors où pourrions-nous aller ? », plaidait Abbas le 20 février devant le Conseil de sécurité

De la colère et de la frustration des jeunes pourraient naître des violences que ni Abbas ni les Israéliens ne seraient capables de maîtriser, ont averti des responsables des deux bords. Si les alliés d’Abbas l’attribuent au chômage, aux politiques israéliennes et au blocage du processus de paix, ils concèdent : « On a tant promis au peuple et si peu a été fait. »

D’après ses partisans, Abbas a fait tout ce qui était en son pouvoir pour bloquer le plan Trump. Il a tenté d’empêcher un accord de fuiter, il a refusé les médiations et fermé la porte aux émissaires américains, tout en sollicitant l’ONU et l’UE pour trouver une autre voie. Jusqu’ici, ses appels sont restés lettre morte. « Si nous ne pouvons obtenir justice pour notre peuple ici, alors où pourrions-nous aller ? a-t‑il plaidé le 20 février devant le Conseil de sécurité. Je vous implore, aidez-nous. »

Sans signature palestinienne, pas de plan de paix. Et aucun dirigeant arabe ou international ne peut se substituer à la signature palestinienne », remarque Moustapha Bargouti

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Le négociateur vétéran garde cependant un atout dans son jeu qui pourrait lui permettre de se maintenir quelque temps de plus, remarque son rival Moustapha Barghouti. Placé face à un mauvais accord, il peut tout simplement claquer la porte : « Que feraient alors les Américains ? Sans signature palestinienne, pas de plan de paix. Et aucun dirigeant arabe ou international ne peut se substituer à la signature palestinienne. »

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