Le match de la semaine : Cécile Kyenge face à Tony Iwobi en Italie

Tony Iwobi, premier sénateur noir d’Italie, a été élu sous l’étiquette de la Ligue, un parti d’extrême-droite dont les idées ont alimenté les vagues de haine déversées sur Cécile Kyenge, première ministre noire du même pays.

 © Jeune Afrique

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Publié le 27 mars 2018 Lecture : 3 minutes.

Il a un sourire affable et un léger accent étranger. À 62 ans, Tony Iwobi est devenu, à l’occasion des législatives du 4 mars, le premier sénateur noir d’Italie. « Peut-être est-ce moi qui suis aveugle, ou bien personne ne lui a dit qu’il était noir ? Quelle honte ! » s’est aussitôt indigné le footballeur Mario Balotelli sur Instagram. Car Iwobi, qui est d’origine nigériane, a été élu sous les couleurs de la Ligue (ex-Ligue du Nord, extrême droite).

Pas racistes, mais réalistes

N’ayant manifestement cure des critiques, le nouveau sénateur arbore fièrement un tee-shirt barré de l’inscription : « Pas racistes, mais réalistes. » La Ligue, qui a réalisé un score historique (sa coalition avec Forza Italia, de Silvio Berlusconi, et les néofascistes de Fratelli d’Italia a obtenu 37 % des voix), n’est pas une formation comme les autres. Le parti de Matteo Salvini est proche du Front national de Marine Le Pen. Et tant ses dirigeants que ses membres font montre d’un racisme débridé et décomplexé.

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Cécile Kyenge en a fait les frais. « Négresse », « orang-outang », « guenon ». Celle qui, de mai 2013 à février 2014, a été la première ministre noire d’Italie (elle détenait le portefeuille de l’Intégration) a essuyé un tombereau d’injures.

Elle a même fait l’objet d’un appel au viol, lancé sur sa page Facebook par une élue de Padoue affiliée à la Ligue du Nord. Aujourd’hui députée européenne, elle est sous protection permanente lors de ses déplacements en Italie.

Petits boulots

Originaire de Kambove, dans le sud-est de la République démocratique du Congo, Cécile Kyenge a débarqué dans la péninsule italienne en 1983, à l’âge de 18 ans. Titulaire d’une bourse d’études, qu’elle ne touchera finalement jamais, elle multiplie les petits boulots pour mener à bien ses études de médecine à l’université catholique du Sacré-Cœur (Rome) et devenir ophtalmologue.

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À 40 ans, elle entre en politique. Devenue élue régionale, elle se lance en 2013 dans la campagne des législatives sous l’étiquette du Parti démocrate (centre gauche), avec la ferme intention de batailler pour introduire le droit du sol dans la législation italienne. Dans la foulée, elle est nommée ministre.

Un chemin différent

Un parcours somme toute peu différent de celui de Tony Iwobi. Muni d’un visa étudiant, le futur sénateur quitte, lui, son Nigeria natal en 1976. Malgré deux diplômes, en comptabilité et en informatique, il vit d’expédients pendant plusieurs années avant de monter son entreprise d’informatique dans les environs de Bergame.

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Dès 1993, il rejoint les rangs de la Ligue du Nord, qui n’a alors pas encore fait son virage populiste et xénophobe. Malgré ses relents droitiers, elle est alors avant tout un mouvement autonomiste, qui prône le fédéralisme (le meilleur des systèmes, estime Iwobi, qui cite son pays natal en exemple) et réclame une fiscalité différente entre le nord et le sud de l’Italie. Sous la houlette de Matteo Salvini, le parti se mue en héraut du refus de l’immigration, du rejet de l’islam et de l’Europe. Son discours fait mouche.

Elle est en butte au racisme, lui ne voit pas où est le problème

Un changement de ton que Tony Iwobi, chargé depuis 2013 des questions d’immigration, assume pleinement. Selon lui, « la Ligue n’a jamais été raciste ». Cela n’a rien d’évident, si l’on en juge par les propos souvent haineux de ses membres.

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En février dernier, à Macerata (centre de l’Italie), un de ses militants a ouvert le feu sur un groupe de migrants africains, faisant six blessés. Au Sénat, Iwobi siégera aux côtés de Roberto Calderoli, qui avait comparé Cécile Kyenge à un « orang-outang ». Étrange compagnonnage…

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