Gabon-Éric Dodo Bounguendza : « Parlons des idées ! »

Organisation du parti au pouvoir, législatives à venir, crise postélectorale de 2016… Le secrétaire général du Parti démocratique gabonais (PDG), revient pour Jeune Afrique sur les principaux dossiers politiques du moment au Gabon.

Eric Dodo Bouguendza, Secretaire general du Parti democratique gabonais (PDG, au pouvoir) dans son bureau au siege de ce parti, a Libreville, le 13 Mars 2018. © Desirey Minkoh/ Afrikimages Agency pour JA

Eric Dodo Bouguendza, Secretaire general du Parti democratique gabonais (PDG, au pouvoir) dans son bureau au siege de ce parti, a Libreville, le 13 Mars 2018. © Desirey Minkoh/ Afrikimages Agency pour JA

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Publié le 4 avril 2018 Lecture : 4 minutes.

Le centre ville de Libreville (Gabon), le 22 août 2013 © David Ignaszewski pour Jeune Afrique
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Le Gabon d’après

Depuis 2016, entre la contestation des résultats de la présidentielle et la croissance atone, le climat était pesant. Enfin la relance s’amorce, et une partie de l’opposition accepte de dialoguer avant les législatives. Assez pour reprendre confiance ?

Sommaire

C’est à cet universitaire originaire d’Oyem, docteur ès lettres et fin linguiste, qu’ont été confiées les rênes du Parti démocratique gabonais (PDG), à l’issue d’une réunion du comité permanent convoquée au Palais du bord de mer le 15 août 2017, cinq jours après la démission de Faustin Boukoubi, secrétaire général de la formation. Éric Dodo Bounguendza, 56 ans, jusqu’alors directeur du centre d’études politiques du PDG, a pour mission de donner un nouveau souffle au parti, alors que l’ex-machine à gagner créée en mars 1968 par Omar Bongo Ondimba peine à se relever de l’une des plus graves crises de son histoire.

Jeune Afrique : Qu’est-ce qui va changer au sein du PDG ?

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Éric Dodo Bounguendza : Dans la nouvelle vision du président du parti, la prise en considération de la base est une priorité. Nous avons voulu remettre la démocratie au cœur du parti. Auparavant, les responsables étaient nommés sur proposition de certains hiérarques. Désormais, les militants seront seuls responsables du choix des membres du bureau politique, ce qui est normal car ces derniers sont censés organiser l’animation dans les circonscriptions. Il en sera de même pour le choix des membres du conseil national et du comité central.

Et sur le plan idéologique ?

Nous travaillons à un retour aux valeurs cardinales. Le PDG n’est pas qu’une machine électorale, c’est aussi un parti qui s’intègre dans une mission de socialisation et de réarmement moral. Nous allons revenir à plus de patriotisme, de responsabilité, et lutter contre la corruption. Contre ce fléau qui gangrène notre société, nous venons d’adresser au président Bongo Ondimba deux notes d’étude que nous avons finalisées. Nous essaierons en outre de renforcer la formation des militants.

Le plus important était de commencer à consolider cette culture démocratique au sein du parti.

Les élections internes organisées fin 2017 ont-elles été un test concluant ?

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Je dois vous avouer ma surprise au regard de l’engouement qu’elles ont suscité. Nous avons enregistré des milliers d’adhésions, car certains compatriotes ont apprécié qu’on leur propose de choisir leurs leaders et d’exprimer librement leurs préoccupations. Évidemment, comme pour toute réforme profonde, il y a eu des résistances de certains camarades. Mais, progressivement, ils ont fini par s’y faire, et nous sommes allés au terme de ce processus. Le plus important était de commencer à consolider cette culture démocratique au sein du parti. Dans quelques semaines, la base se prononcera pour élire les responsables des fédérations et des autres structures du parti. Ensuite, on élira nos candidats pour les scrutins à venir.

Le PDG est-il prêt pour les législatives ?

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Les étapes que nous avons franchies, à savoir les élections provinciales et le congrès du parti [respectivement en novembre et en décembre 2017], vont dans ce sens. Un parti qui se veut responsable doit se tenir prêt. S’il y a des aléas, on s’adaptera.

D’autres élections vont être organisées pour choisir ceux qui nous représenteront aux législatives

Les cadres élus à la tête des conseils provinciaux siègent au bureau politique. Seront-ils automatiquement investis ?

Non, et c’est une spécificité de la réforme : être élu au bureau politique ne fait pas de vous un candidat. D’autres élections vont être organisées pour choisir ceux qui nous représenteront aux législatives. Elles seront ouvertes à tous les militants. Mais, attention, pour être candidat, il y a des critères, dont les qualités morales, le dynamisme, la connaissance du fonctionnement du parti, le dévouement à ses idéaux et la loyauté.

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Ce sont donc des primaires ?

Nous n’avons pas voulu utiliser ce mot, mais, oui, c’est presque cela.

Des primaires peuvent être à double tranchant, affaiblir les candidats…

C’est juste, les coups peuvent voler bas. Je peux même vous assurer que nous envisageons le pire. Cependant, le principe est d’amener nos militants à s’habituer au vote. C’est aussi une façon de lutter contre l’abstention.

Nous avons soldé le passé, nous ouvrons la porte à ceux qui nous avaient quittés

Qu’en est-il des démissionnaires qui souhaitent réintégrer le parti ?

Beaucoup de ceux qui nous avaient quittés sont revenus à grands pas, et nous avons soldé le passé, nous leur ouvrons la porte. Le président veut que nous soyons ouverts. C’est d’ailleurs ce qui explique que nous ayons, au sein du directoire, un secrétaire général adjoint issu d’un parti allié [Éloi Nzondo, lire p. 90 https://www.jeuneafrique.com/_pw/mon-compte/?redirect_to=https%3A%2F%2Fwww.jeuneafrique.com%2Fwp-admin%2Fpost.php%3Fpost%3D545323%26action%3Dedit&reauth=1]. Nous avons dépassé le conservatisme rétrograde pour nous inscrire dans une trajectoire progressiste.

Certains souhaitaient que le nom du parti change aussi, pourquoi l’avoir conservé ?

Le nom posait moins de problèmes que nos méthodes et nos idées. Or la vision du président a créé les conditions d’éclosion de nouvelles intelligences riches en idées neuves, d’un rajeunissement des équipes, d’une audace nouvelle. C’est suffisant pour redonner du lustre au nom PDG.

Si nous ne changeons pas alors que notre société évolue, nous serons anachroniques.

Après la crise postélectorale de 2016, comment réconcilier les Gabonais ?

Nous, les politiques, avons une lourde responsabilité. Il est impératif de tourner le dos aux querelles de personnes, qui attisent les animosités. Parlons des idées ! Au Gabon, deux ménages sur trois ont accès aux médias audiovisuels internationaux. Ils regardent ce qui se passe ailleurs. Si nous ne changeons pas et persistons à rester dans les invectives alors que notre société évolue, nous serons anachroniques. C’est pourquoi je crois en la réconciliation.

Bibliographie non exhaustive

Dictionnaire des gabonismes, Éditions L’Harmattan (France), 2008

Wongo, le guerrier wandji, Éditions Ntsame (Gabon), 2010

Diagnostic du français du Gabon, Éditions Ntsame, 2010

Regards neufs sur le Parti démocratique gabonais, Éditions Ntsame, 2011

Dictionnaire du parler toli-bangando. Argot des jeunes Gabonais, Éditions Ntsame, 2013

15 leçons de linguistique générale, Éditions Jets d’Encre (France), 2016

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