Gabon : l’heure de vérité pour Ali Bongo Ondimba

Dix-huit mois après le début du nouveau septennat, certains leaders de l’opposition radicale ont accepté de parler des législatives avec l’exécutif, les comptes commencent à se redresser, la croissance repart… Mais les incertitudes demeurent.

Ali Bongo Ondimba lors du congrès du Parti démocratique gabonais (PDG), au stade d’Angondjé dans la banlieue de Libreville (Gabon), le 10 décembre 2017 © Steve Jordan/AFP

Ali Bongo Ondimba lors du congrès du Parti démocratique gabonais (PDG), au stade d’Angondjé dans la banlieue de Libreville (Gabon), le 10 décembre 2017 © Steve Jordan/AFP

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Publié le 4 avril 2018 Lecture : 5 minutes.

Le centre ville de Libreville (Gabon), le 22 août 2013 © David Ignaszewski pour Jeune Afrique
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Le Gabon d’après

Depuis 2016, entre la contestation des résultats de la présidentielle et la croissance atone, le climat était pesant. Enfin la relance s’amorce, et une partie de l’opposition accepte de dialoguer avant les législatives. Assez pour reprendre confiance ?

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On le sait, lorsque Pierre Akendengue monte sur scène, il n’y va pas que pour un concert. Il n’a pas dérogé à la tradition, le 12 janvier dernier, à l’Institut français de Libreville. Ce ne fut pas une fête mais une catharsis. Ce monument de la musique africaine, qui a toujours eu le courage de ses idées, a réuni la classe moyenne et l’élite de la capitale gabonaise pour livrer une prestation empreinte de sagesse politique.

Le poète et auteur-compositeur-interprète de 74 ans a présenté son nouveau single, Gabon, éveil de la conscience patriotique, il a invité ses compatriotes à réfléchir à la situation de crise des valeurs que traverse le pays et à conjurer les démons de la violence qui ont pris possession de l’espace politique, il a égrené les noms des victimes des querelles fratricides qui l’ont meurtri pour que nul ne les oublie, prôné l’unité nationale… Akendengue peut le faire, lui dont le talent et la stature ne souffrent aucune contestation.

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Réconcilier les Gabonais

Il n’est pas sûr, en revanche, que les acteurs de la vie politique gabonaise réunis le temps d’un concert aient accepté de faire la paix pour autant. Certains sont allés trop loin dans l’invective érigée en seul argument de campagne dans leur combat sans merci pour déloger le chef de l’État. Lorsque les partisans de Jean Ping ont décidé de prendre la rue pour faire respecter leurs « résultats » et déclarer élu leur champion, l’exécutif leur a opposé la force, d’une manière que les opposants ont qualifiée de disproportionnée.

C’est ainsi. Depuis lors, les uns et les autres se rencontrent lors des mariages et des enterrements, se croisent au supermarché, se côtoient dans les concerts, s’en tiennent aux civilités d’usage, sans oser crever l’abcès. Réconcilier les Gabonais reste le défi majeur, dix-huit mois après le début du deuxième septennat d’Ali Bongo Ondimba.

Comment restaurer le prestige abîmé des institutions alors que les querelles politiciennes entravent la bonne marche des affaires de l’État ?

Comment restaurer le prestige abîmé des institutions alors que les querelles politiciennes entravent la bonne marche des affaires de l’État ? Certes, un dialogue a été organisé du 28 mars au 26 mai 2017 : le dialogue politique d’Angondjé. Même si l’opposition radicale, notamment la coalition soutenant Jean Ping, a refusé d’y prendre part, des résolutions ont été discutées, approuvées et ont abouti à une modification de la Constitution, adoptée par le Congrès le 10 janvier dernier. L’opposition pro-Ping continue de dénoncer ce texte, et notamment une « monarchisation du pouvoir », le nombre de mandats présidentiels successifs restant illimité.

Retour des deux tours

L’autre défi du Gabon est de remettre toutes les institutions en état de marche. En ce qui concerne le Parlement, il est désormais probable que les élections législatives, dont le premier tour est prévu le 28 avril, soient reportées, pour la troisième fois depuis décembre 2016 : les membres du Centre gabonais des élections (CGE) – qui doit remplacer la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap) – ne sont pas encore nommés, la liste électorale n’est pas encore révisée, et la question du financement du scrutin n’est pas réglée.

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« Le retour à un scrutin à deux tours implique une augmentation des charges, explique le ministre de l’Intérieur, Lambert-Noël Matha. Cela signifie plus de cachets, plus d’encre indélébile… Au vu de la préparation des législatives, on s’attend à ce qu’il y ait beaucoup de candidats, et donc beaucoup de bulletins, alors il faudra que chaque isoloir soit équipé d’une tablette pour que l’électeur ne soit pas gêné dans son choix, ce qui entraîne aussi un coût supplémentaire en matériel. » Autant d’arguments plaidant pour le report, sur lequel la Cour constitutionnelle se prononcera dans les prochains jours ainsi que, quand il sera installé, le CGE.

Pourquoi Ping s’obstine-t-il à privilégier ses intérêts, alors que toutes les analyses nous incitent à aller aux élections ?

La principale inconnue demeure dans le camp de l’opposition, de plus en plus nettement divisée entre participation et boycott. Jean Ping, leader de la Coalition pour la nouvelle République (CNR), ne cesse de différer sa décision. Ce qui agace, y compris ses partisans.

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« En 2016, en se désistant au profit de Ping, Casimir Oyé Mba et Guy Nzouba-Ndama ont privilégié les intérêts du peuple. Pourquoi Ping s’obstine-t-il à privilégier les siens, alors que toutes les analyses nous incitent à aller aux élections ? » lance un sénateur de l’opposition.

En finir avec la sinistrose

Le troisième grand défi à relever pour l’exécutif est d’apaiser les tensions sociales. Grèves et manifestations sont le quotidien des jeunes, confrontés au chômage et au sous-emploi. Et pour cause : l’État n’a plus les moyens de les recruter. Selon le FMI, la masse salariale publique a progressé de 70 % entre 2010 et 2015, soit un taux de croissance moyen de 11 % par an. Il n’est pas raisonnable de continuer ainsi.

Pour compenser, en plus du Plan de relance économique 2017-2019 (PRE), l’État compte sur le secteur privé pour créer de l’emploi et s’active à faciliter la vie des patrons. Le 31 décembre 2017, Ali Bongo Ondimba a annoncé une batterie de mesures pour inciter les entreprises à recruter, dont l’exonération temporaire de cotisations sociales pour toute création nette d’emploi, et ce dès le 1er janvier 2018.

« Réservé à l’embauche de Gabonaises et de Gabonais dans tous les secteurs d’activité », ainsi que l’a précisé le chef de l’État, ce dispositif pourrait permettre de créer 10 000 emplois par an. Début février, il a annoncé le règlement de 77 % de la dette due par l’État aux entreprises privées. De quoi sauver beaucoup de PME et d’emplois, en créer de nouveaux et relancer les investissements dont le pays a tant besoin.

>>> À LIRE – Le Gabon d’après – Alain Bâ Oumar : « Le gouvernement doit accélérer la mise en place des réformes »

Il n’en reste pas moins que, pour en finir avec la sinistrose et redonner confiance aux Gabonais, patrons compris, il faudra que les politiques arrêtent de raviver la défiance et les tensions en jouant à qui perd gagne.

Éveil de la conscience patriotique

Dans Gabon, éveil de la conscience patriotique, son single sorti en décembre 2017, Pierre Akendengue exprime son affection pour son pays et dit chanter « l’annonce d’une ère nouvelle pour le Gabon et les Gabonais ».

Le premier titre, « Gabon Nyango Nyango », appelle à la douceur de l’unité, nyango nyango signifiant à la fois « union », « tendresse » et « protection », en myènè. Le second titre, « Myè Kawo Powe », évoque et invoque l’oiseau powe, dont le chant à marée basse annonce la pluie, tel un sortilège.

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