Namibie : « Rouge Himba », le carnet de voyage de Solenn Bardet et Simon Hureau

« Rouge Himba », une immersion en dessin dans le quotidien des Himbas, éleveurs nomades en Namibie.

Détail de la couverture de Rouge Himba (La Boîte à Bulles). © DR / Solenn Bardet, Simon Hureau / Boîte à Bulles

Détail de la couverture de Rouge Himba (La Boîte à Bulles). © DR / Solenn Bardet, Simon Hureau / Boîte à Bulles

NICOLAS-MICHEL_2024

Publié le 5 avril 2018 Lecture : 2 minutes.

La mondialisation et l’essor du transport aérien n’y sont sans doute pas pour rien : l’ethnologue du XXe siècle, armé de son carnet et de son crayon, a cédé la place au touriste du XXIe, armé de son téléphone portable qui fait également office d’appareil photo. C’est pourquoi tout le monde ou presque croit connaître le peuple himba de Namibie, dont les femmes s’enduisent le corps d’ocre rouge. En photo, c’est très joli, les Occidentaux en raffolent. Un petit échange commercial de quelques minutes, des pixels contre des babioles, et voilà un beau souvenir !

Pour Solenn Bardet, c’est une tout autre affaire. À l’âge de 18 ans, elle est partie en Afrique du Sud, puis a rejoint la Namibie… où elle a fini par être adoptée, en 1993, par Omuniange et Katjambia.

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De son long compagnonnage avec ces éleveurs nomades, qui dure encore aujourd’hui, sont nés des amitiés fortes mais également des émissions télévisées (Ushuaïa, avec Nicolas Hulot, Rendez-Vous en terre inconnue, avec Muriel Robin), un livre (Pieds nus sur la terre rouge, Robert Laffont), un film (Les Himbas font leur cinéma !) et une association, Kovahimba (« avec les Himbas »), permettant la mise en œuvre concertée de divers projets ­participatifs, comme des forages.

Un regard occidental assumé avec humour

L'une des planches de Rouge Himba. © DR / La Boîte à Bulles.

L'une des planches de Rouge Himba. © DR / La Boîte à Bulles.

En 2015, Solenn Bardet a convaincu le dessinateur Simon Hureau de l’accompagner dans cette région qu’elle connaît bien. Le résultat de leur collaboration est un épais carnet de voyage de 312 pages intitulé Rouge Himba. Carnet d’amitié avec les éleveurs nomades de Namibie. Le titre pourrait faire craindre un regard ethnocentrique dérangeant, mais le point de vue occidental assumé avec humour par le dessinateur, qui n’hésite pas à se tourner en dérision, rend au contraire l’entreprise plaisante.

Bardet et Hureau proposent une immersion totale dans le quotidien des Himbas, sans en occulter les évolutions et les difficultés contemporaines. Entre reportage humain et livret pédagogique, les auteurs n’ont pas choisi ; ils mêlent les deux, donnant souvent la parole aux Himbas eux-mêmes. De rencontre en rencontre, le lecteur découvre les traditions, les obligations et les interdits de la vie, mais aussi toutes les richesses d’un environnement a priori hostile.

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Si le dessin et le texte peuvent parfois paraître naïfs, ils finissent par emporter l’adhésion : les deux auteurs ont pris le temps (et le nombre de pages nécessaire) pour aller au fond des choses par touches impressionnistes et saynètes expressives. La politique n’est pas loin quand est évoquée la question d’un projet de barrage ou celle des rapports entre les Himbas – sous-groupe des Hereros – et le pouvoir central namibien.

Ainsi parle Mutambo, représentant de la communauté : « Nous, Noirs, sommes colonisés par des Noirs. La Namibie n’est pas devenue libre. […] La seule chose que le gouvernement propose à nos pauvres, c’est de les placer dans des camps de réfugiés. Quel développement est-ce, cela ? » Et, au fond, c’est toute la question que pose ce beau livre : qu’est-ce que le développement si ce n’est « rester sur notre terre, en paix, heureux dans notre culture et dans un pays libre » ?

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