« N’ayez pas peur des PPP ! »
« Tournez-vous vers les partenariats public-privé », scandent le FMI, la Banque africaine de développement et la Banque mondiale. Mais au fait, en quoi consiste ce remède miracle ?
Tribune. Les États africains n’ont plus beaucoup de capacités financières en raison de la baisse des cours des matières premières et de la montée de leur endettement. Comment trouver les fonds pour continuer à se doter des infrastructures indispensables à leur émergence et à la lutte contre la pauvreté ?
« Tournez-vous vers les partenariats public-privé » ou PPP, répondent en chœur la Banque mondiale, la BAD ou le FMI. Mais en quoi consiste ce remède miracle ? Il s’agit d’un accord formel entre un État et une entreprise qui s’engage à exécuter une prestation au nom du premier selon des critères de qualité et une rémunération prédéfinis. Pendant la durée du contrat, soit le partenaire privé se rémunère directement (péages), soit il est payé par l’État.
Le pont à péage Henri-Konan-Bédié à Abidjan (Côte d’Ivoire), les 365 éoliennes du lac Turkana (Kenya), le projet d’un port en eau profonde à Nouadhibou (Mauritanie) ou l’université panafricaine de musique de Libreville (Gabon) représentent quelques-uns des exemples de PPP achevés, en cours ou à l’étude sur le continent.
Freins institutionnels
Pourquoi tous les pays ne se précipitent-ils pas sur ces partenariats ? Plusieurs réponses ont été apportées lors des XIe Rencontres internationales des PPP, qui se sont tenues à Paris les 21 et 22 mars.
Il y a d’abord les freins institutionnels, comme l’opposition classique « entre le ministre chargé des Investissements qui n’y voit que des avantages et le ministre des Finances qui n’y voit que des risques », car les PPP durent entre quinze et trente ans, rappelle Dieudonné Bondoma, du Conseil d’appui à la réalisation des contrats de partenariat (Carpa, Cameroun).
Le PPP comprend le financement, l’amortissement et l’entretien de l’infrastructure, et cela de façon transparente
Ensuite, certains soulèvent le problème du prix plus élevé que dans les contrats classiques de maîtrise d’ouvrage. « Et c’est normal, plaide Marc Teyssier d’Orfeuil, délégué général du Club des PPP. En effet, ce partenariat est d’une qualité supérieure au contrat classique depuis son début jusqu’à son terme : dans 98 % des PPP, l’ouvrage est livré dans les délais prévus, ce qui est rarement le cas avec la maîtrise d’ouvrage simple ; à la fin du PPP, le concessionnaire remet à l’État l’infrastructure bien entretenue. »
« Financées sur fonds publics seuls, les universités françaises sont des taudis au bout de vingt ans, et celles d’Afrique au bout de cinq, ajoute-t‑il. Le PPP, lui, comprend le financement, l’amortissement et l’entretien de l’infrastructure, et cela de façon transparente. » Transparence rare quand l’État est l’unique acteur.
Longue durée
On peut ajouter que le PPP implique un transfert de compétences et la formation du personnel local par le concessionnaire, faute de quoi ni la qualité de service ni la pérennité de l’ouvrage ne seront assurées.
La règle d’or est qu’un PPP doit correspondre aux besoins du pays
Un certain nombre de conditions doivent être réunies pour que le PPP réussisse. « Il faut un cadre juridique solide, précise Moussa Mara, ancien Premier ministre du Mali, afin que le partenariat soit équilibré et aboutisse à un résultat gagnant-gagnant pour la puissance publique et l’entreprise privée. » Car le PPP s’inscrit dans une durée longue, et une négociation d’égal à égal doit aboutir à ce que la concordance de leurs intérêts pousse les deux parties à respecter leurs engagements réciproques.
« La règle d’or est qu’un PPP doit correspondre aux besoins du pays, résume Michel Sapin, ancien ministre français de l’Économie et des Finances. Il peut y en avoir de petits, par exemple pour développer de façon décentralisée l’énergie électrique locale. Certes, inspirez-vous de notre expérience en matière de PPP… car nous avons fait des bêtises. Mais adaptez votre démarche à vos traditions et coordonnez-vous entre Africains pour édicter des cadres juridiques communs qui faciliteront le travail des investisseurs. »
Il conclut en rassurant les gouvernements inquiets d’un risque de perte de souveraineté : « N’ayez pas peur de perdre votre pouvoir d’orientation, dit-il. Un PPP, c’est une volonté politique qui est mise en œuvre d’une manière innovante. » Si un socialiste historique vous le dit, vous pouvez le croire !
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