Angola : Isaías Samakuva, un opposant très prudent
Le patron de l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita) salue les efforts du nouveau président. Mais en bon opposant, reste critique tout en préparant l’avenir…
Isaías Samakuva pensait bien prendre sa retraite après l’élection présidentielle, en septembre 2017. Mais, à 71 ans, il est toujours le président de l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita). Et ce au moins jusqu’en 2019. « Le parti m’a demandé de rester jusqu’à la fin de mon quatrième mandat. Organiser un congrès extraordinaire à un peu plus d’un an du congrès national aurait engendré des coûts importants », nous confirmait-il fin février lors d’un bref passage en France – il y a vécu en exil de 1998 à 2002 – pour rendre visite à des membres de sa famille.
Samakuva et l’Unita, c’est quarante-quatre ans d’engagement. D’abord pour des « raisons pratiques », au regard de « l’incertitude qui régnait pour ceux qui n’étaient pas engagés au sein d’une formation politique », puis par « conviction ».
Tout ce qui est fait reste une manœuvre du MPLA pour garder le pouvoir. Lourenço n’avait pas le choix, le parti était devenu dangereusement impopulaire, assure Samakuva
Rien ne prédestinait pourtant ce fils de fonctionnaire né à Kunje (dans la région du Bié) à épouser les thèses libérales de l’Unita de Jonas Savimbi (dont il deviendra l’un des bras droits), plutôt que celles – marxistes – du Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA, au pouvoir depuis 1976), embrassées par l’un de ses amis d’enfance, un certain João Lourenço. « Nous étions voisins à Nova Sintra. Nous nous sommes toujours parlé. »
Samakuva suit avec attention les actes posés par le nouveau président angolais. En prenant un certain nombre de décisions populaires, comme la mise à l’écart du clan de José Eduardo dos Santos, Lourenço s’émancipe-t‑il de son prédécesseur ? « Tout ce qui est fait reste une manœuvre du MPLA pour garder le pouvoir. Lourenço n’avait pas le choix, le parti était devenu dangereusement impopulaire. Et il fallait améliorer son image à l’extérieur, alors que le pays n’a plus un sou et a besoin d’investisseurs. Cela n’exclut nullement que Lourenço puisse approuver cette politique. Mais son indépendance n’est pas encore claire. »
Des décisions du pouvoir qui vont dans le sens de l’Unita
Pour le coup, les premières décisions du chef de l’État vont souvent dans le sens des revendications de l’Unita, comme l’ouverture économique ou encore le limogeage, en novembre 2017, de la présidente de la Sonangol, Isabel dos Santos. Que pense le parti de l’amnistie dont bénéficient jusqu’en août les Angolais ayant frauduleusement sorti de l’argent du pays ? « Nous sommes d’accord avec le principe », affirme Samakuva.
Sur la question de la RD Congo aussi, il soutient le gouvernement. « Nous trouvons l’attitude des autorités adéquate. Il faut des élections démocratiques pour que les Congolais puissent s’exprimer. Notre sécurité aussi en dépend », insiste-t‑il. Et d’ajouter : « Sindika Dokolo, le mari d’Isabel dos Santos, ne pourrait pas aider l’opposition congolaise s’il n’avait eu l’aval du gouvernement angolais… »
En 2020, les premières élections municipales du pays ?
Si l’action de Lourenço vient à satisfaire l’Unita, alors même que les idéologies de la guerre froide se sont diluées dans la mondialisation, que restera-t‑il du parti d’opposition historique, qui a remporté près de 28 % des suffrages lors de la présidentielle ? « Nous continuerons à nous battre pour que l’économie repose moins sur les ressources pétrolières que sur l’économie primaire, comme l’agriculture familiale », assure son chef.
Autre combat d’ici à la fin de son mandat : l’organisation de scrutins locaux. Fin mars, le Conseil présidentiel a annoncé la tenue des premières élections municipales de l’histoire du pays en 2020. Mais Samakuva insiste : « Il faut réformer la commission électorale, composée de 17 membres dont 12 issus du MPLA, et poursuivre la décentralisation. » Les conditions sont posées.
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