Radhia Jeribi : « Les femmes sont la dernière préoccupation du gouvernement tunisien »

Radhia Jeribi, présidente de l’Union nationale de la femme tunisienne, revient sur les relations compliquées entre sa structure et l’État depuis la révolution de 2011.

Maître Radhia Jeribi, présidente de l’Union nationale de la femme tunisienne, le 4 avril 2018 dans son bureau de l’UNFT. © Nicolas Fauqué/www.imagesdetunisie.com

Maître Radhia Jeribi, présidente de l’Union nationale de la femme tunisienne, le 4 avril 2018 dans son bureau de l’UNFT. © Nicolas Fauqué/www.imagesdetunisie.com

Publié le 19 avril 2018 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : Que s’est-il passé à l’Union nationale de la femme tunisienne (UNFT) depuis 2011 ?

Radhia Jeribi : Il y a d’abord eu, en 2012, une volonté de destruction de l’UNFT par le pouvoir. Puis cette volonté s’est transformée en une tentative de récupération, car l’union, avec ses structures, son réseau, sa vaste implantation géographique et ses membres, est susceptible de devenir l’un des porte-voix des autorités.

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Pourtant, aucun des gouvernements successifs n’a considéré l’UNFT comme un acteur de la construction de la Tunisie moderne et d’un nouvel État démocratique. Tous n’ont retenu que son instrumentalisation par l’ancien régime, alors qu’elle est aujourd’hui totalement indépendante. Cela dit, les deux dernières présidentes de l’UNFT, qui ont côtoyé Ben Ali, ont occupé des postes clés après 2011. On n’est plus à une contradiction près…

Les attaques extérieures, les campagnes médiatiques et les actions en justice n’ayant pas abouti, nos adversaires ont tenté de nous affaiblir de l’intérieur en nous coupant les vivres, en créant des blocages internes, mais aussi en usant de la menace et de tentatives de noyautage.

En négligeant l’UNFT, les dirigeants ont négligé les femmes et ajouté à l’exclusion. D’où notre révolte

La situation s’est-elle améliorée ?

Nous devons encore batailler pour conserver notre statut d’organisation nationale. Le gouvernement soutient que seuls les syndicats bénéficient de ce statut et veut nous ranger parmi les associations. Pourtant, c’est un même texte de loi qui nous régit, mais avec des tâches spécifiques. La nôtre est d’être un relais apolitique de la stratégie de l’État en matière d’émancipation de la femme. Cette vocation de travail social rejoint celle de l’action syndicale, d’autant que les femmes représentent une catégorie sociale vulnérable. Les gouvernants n’ont pas compris qu’un organisme indépendant qui appuie la stratégie de l’État est une force qui consolide ce dernier.

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L’UNFT suscite-telle des craintes ?

Les femmes font peur. Nous sommes la masse silencieuse, la moitié de la population. La politique est le domaine des hommes, mais les femmes sont une force populaire par le nombre. En négligeant l’UNFT, les dirigeants ont négligé les femmes et ajouté à l’exclusion. D’où notre révolte.

En octobre 2017, Youssef Chahed s’était engagé à confirmer par décret notre statut d’organisation nationale, mais rien n’a été fait

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L’UNFT n’a-t-elle pas regagné en considération en tant que signataire de l’accord de Carthage ?

Conscient du rôle des organisations nationales, le président a associé l’UNFT à ce titre à l’accord de Carthage. Mais les ministères concernés ne montrent pas une réelle volonté de travailler avec nous. Nous n’avons été que rarement consultés par l’Assemblée ou par le gouvernement, dont le chef, Youssef Chahed, est le petit-fils de Radhia Haddad, l’une des fondatrices de l’UNFT.

En octobre 2017, il s’était engagé à confirmer par décret notre statut d’organisation nationale, mais rien n’a été fait. Notre activité en a pâti. Nous n’avons même plus de salaires. Mais cela ne nous a pas empêchés de porter l’initiative de l’Union des femmes du Maghreb pour la paix et le développement, créée le 8 mars à Tunis, et de continuer à soutenir les Tunisiennes, les premières touchées par la crise économique et sociale. Les femmes sont la dernière préoccupation du gouvernement. C’est navrant.

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