Algérie : « Notre système de santé avance comme un unijambiste schizophrène »

Chef du service néphrologie au CHU Mustapha-Pacha d’Alger, Farid Haddoum estime que des réformes s’imposent pour parvenir à développer « un système de santé équitable et efficace ».

professeur farid haddoum, chef du service de nephrologie au CHU mustapha pacha, alger, 04 avril 2018 © louiza ammi pour ja

professeur farid haddoum, chef du service de nephrologie au CHU mustapha pacha, alger, 04 avril 2018 © louiza ammi pour ja

Publié le 16 avril 2018 Lecture : 2 minutes.

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Jeune Afrique : Comment évaluez-vous l’offre actuelle de soins dans le pays ?

Farid Haddoum : Notre système de santé avance comme un « unijambiste schizophrène ». Il y a d’une part un secteur public hypertrophié, pléthorique par endroits, vieux de cinquante-cinq ans et qui est essoufflé. Et d’autre part un secteur libéral plus dynamique et performant. L’offre de soins serait plus étoffée si on coordonnait les efforts entre les deux secteurs. Les soins dits secondaires sont surtout concentrés dans le Nord. Leur répartition dans l’Algérie profonde est inégale.

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Dans certaines régions, ils sont carrément absents. Les soins dits tertiaires sont cantonnés aux villes dotées de centres hospitalo-universitaires [CHU] et d’établissements hospitaliers spécialisés. Ces soins, en nette progression dans les secteurs privé et public, ont permis, ces quinze dernières années, la réduction de près de 90 % des transferts pour traitement à l’étranger. L’émergence d’une élite médicale est le fruit de l’intensification des sessions de formation académique et d’investissements importants dans les soins de haut niveau. Mais des réformes s’imposent pour arriver à mettre en place un système de santé équitable et performant.

Une coordination avec le privé est souhaitable pour davantage d’efficacité

Que préconisez-vous ?

La médecine ne peut pas rester totalement et éternellement gratuite. Il faudrait conventionner le secteur public au même titre que le libéral avec les caisses d’assurances et faire participer aussi bien l’usager que le contribuable au financement des dépenses du secteur. Toutes les missions de santé ne peuvent pas demeurer les « prérogatives » du seul secteur public. Une coordination avec le privé est souhaitable pour davantage d’efficacité. On doit aussi exonérer de taxes et d’impôts les « vrais producteurs du médicament ».

Les promoteurs de l’industrie pharmaceutique sont pénalisés par une batterie d’impôts qui freinent leur développement. La nomenclature des actes de la santé, qui date de 1985, doit être actualisée pour être conforme à la réalité et à la valeur de notre monnaie. Une meilleure gouvernance de nos hôpitaux sera possible quand les directeurs auront une culture managériale et ne seront pas uniquement des dépensiers.

Le budget actuel alloué à la santé doit être au moins multiplié par dix pour faire face à l’explosion des besoins

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Quid du financement ?

Il faudrait harmoniser les coûts réels de santé entre les secteurs public et privé. À terme, diversifier les sources de financement par des taxes sur le tabac, l’essence, l’alcool ou encore les pollutions diverses. Le budget actuel avoisine 3,3 milliards de dollars. Il doit être au moins multiplié par dix pour faire face à l’explosion des besoins, en particulier les maladies chroniques et l’oncologie.

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Ces propositions en disent long sur l’étendue des actions et réformes pour l’amélioration constante de notre système de santé. Le dialogue doit rester la base de toute réforme qui nous fera l’économie d’une révolte ou, pis, d’une déflagration.

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