Le match de la semaine : Mohamed Bazoum face à Ali Idrissa au Niger

Alliés lorsqu’ils étaient aux côté de Mahamadou Issoufou à l’époque ou celui-ci rêvait de succéder à Mamadou Tandja, les deux hommes s’opposent désormais violemment. Mohammed Bazoum, ministre de l’Intérieur, accuse Ali Idrissa, syndicaliste, d’être « un opposant déguisé en militant de la société civile ». Ce dernier accuse le ministre de dérives autoritaires.

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Publié le 16 avril 2018 Lecture : 3 minutes.

Niamey, le 25 mars. Pour la énième fois depuis des mois, des acteurs de la société civile ont appelé les Nigériens à descendre dans la rue pour exprimer leur rejet de la loi de finances 2018, qu’ils jugent défavorable aux plus modestes. Interdite par le ministère de l’Intérieur « pour des raisons de sécurité », la manifestation tourne court alors que des protestataires tentent de passer outre.

Des heurts éclatent. Mohamed Bazoum n’hésite pas : 23 manifestants, considérés comme des meneurs, sont arrêtés. Parmi eux, Ali Idrissa, inculpé pour « organisation et participation à une marche interdite », « complicité de dégradations de biens publics et privés ». Dans la foulée, Labari, le groupe privé de radio-télévision qu’il a fondé en 2012, est fermé quelques jours avant d’être de nouveau autorisé à émettre. Le 6 avril, Idrissa était toujours incarcéré à Filingué, à 180 km de Niamey.

Le ministre de l’Intérieur a fait arrêter le militant, qui fut son compagnon de lutte

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Ascension politique

Voilà des années que Bazoum et Idrissa s’opposent. Des années que le ministre de l’Intérieur, ancien syndicaliste et professeur de philosophie formé à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar, fustige « un opposant déguisé en militant de la société civile ». Quant à Idrissa, il regrette les dérives d’un ancien compagnon de lutte, qu’il juge de plus en plus autoritaire à mesure qu’il poursuit son ascension politique.

Les deux hommes ont pourtant œuvré dans le même camp de 2008 à 2010 époque où Mahamadou Issoufou rêvait de succéder à Mamadou Tandja. Lorsque ce dernier tente de modifier la Constitution pour se maintenir au pouvoir (ce qu’on appelle le tazarché : la « continuité », en haoussa), Bazoum et Idrissa se rangent derrière Issoufou.

L’entente qui lie l’ancien ministre de Mahamane Ousmane au militant des droits de l’homme se prolonge après le coup d’État qui fait chuter Tandja. Directeur général adjoint de la radio-télévision Dounia, Idrissa participe au Parlement de transition. Bazoum, lui, est membre du « conseil consultatif ». Mais il ne s’en tient pas là et accompagne Mahamadou Issoufou jusqu’aux portes du pouvoir.

Poil à gratter

Quand ce dernier arrive à la présidence, en avril 2011, il devient son bras droit et prend les rênes du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS), qu’il a contribué à fonder en 1990. Réélu député à Tesker, près de Zinder, il redevient ministre des Affaires étrangères, poste qu’il quitte en 2015 afin de travailler à la réélection du chef de l’État sortant. Après ce succès, obtenu l’année suivante, le natif de Ngourti (région de Diffa) devient ministre de l’Intérieur… et l’un des successeurs potentiels d’Issoufou, dont le second mandat (le dernier, selon la Constitution) s’achève en 2021.

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Ali Idrissa, lui, n’est guère satisfait du premier quinquennat d’Issoufou, dont il s’est écarté. Coordonnateur national du Réseau des organisations pour la transparence et l’analyse budgétaire (Rotab) et fondateur de Croisade Niger, une organisation de défense des droits de l’homme, cet ancien de l’université de Niamey se dit déçu de l’action du président, qu’il juge insuffisante en matière de lutte contre la corruption. Bien introduit dans les milieux diplomatiques et les ONG, il est le poil à gratter d’un gouvernement qui l’assimile à l’opposition politique. « Ce n’est pas moi qui crée la révolte, ce sont les actes d’injustice », expliquait l’intéressé à JA en mai 2017, après avoir été interpellé à deux reprises. Un discours que Bazoum n’est pas prêt à entendre…

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