Ismaïl Omar Guelleh : « Djibouti n’est pas à vendre »

Contentieux avec DP World, présence chinoise, relations avec l’Éthiopie, démocratie… Le chef de l’État djiboutien Ismaïl Omar Guelleh joue cartes sur table avec JA.

Ismaïl Omar Guelleh, président de la République de Djibouti, au palais présidentiel lors d’une interview accordée à JA en mars 2017. © Vincent Fournier/JA

Ismaïl Omar Guelleh, président de la République de Djibouti, au palais présidentiel lors d’une interview accordée à JA en mars 2017. © Vincent Fournier/JA

FRANCOIS-SOUDAN_2024

Publié le 25 avril 2018 Lecture : 14 minutes.

Mieux que des phrases, les chiffres disent ce que Djibouti représente aujourd’hui sur la carte géopolitique du monde : 23 200 km², soit un peu plus qu’Israël et un peu moins que le Rwanda ; 1 million d’habitants – entre les îles Fidji et Chypre – mais une localisation éminemment stratégique : dans ses eaux territoriales du détroit de Bab el-Mandeb transitent chaque jour près de 5 millions de barils de pétrole, soit 35 % des flux mondiaux d’or noir.

Sur cette vigie aride se sont implantées les bases ou les facilités de sept armées étrangères, installations durables (Français, Américains, Chinois, Japonais) ou provisoires, dans le cadre de l’opération Atalante de lutte antipiraterie (Italiens, Espagnols, Allemands) : un record planétaire !

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Au pouvoir depuis 1999

Dans un rayon de 500 km autour de cet épicentre, de moins en moins francophone et chaque jour un peu plus anglophone, Turcs, Émiratis, Saoudiens, Iraniens ont posé leurs propres jalons militaires. Sans compter, au sud, le drapeau noir des Shebab somaliens, au nord une dictature érythréenne ouvertement hostile et, en face, à portée de vue sur l’autre rive, le Yémen, en guerre civile depuis trois ans et demi.

C’est dire si le président Ismaïl Omar Guelleh (IOG), 70 ans, au pouvoir depuis 1999, est à la fois courtisé et conscient de la fragilité d’un État que ses voisins ont longtemps considéré comme une anomalie.

Une démocratie strictement encadrée

Avant-poste dans la lutte contre le terrorisme, Djibouti est aussi une démocratie strictement encadrée, à l’image du Rwanda de Paul Kagame – les deux hommes, qui s’apprécient, partagent les mêmes opinions en matière de stratégie de développement, même s’il reste du chemin à parcourir aux Djiboutiens pour éradiquer la corruption, le clientélisme et le tribalisme.

À la tête d’un pays dont le PIB par habitant est supérieur à la somme de ceux de ses trois voisins – Éthiopie, Érythrée, Somalie – et qui, porté par un taux de croissance de 7 %, se rêve en plateforme commerciale et logistique régionale, c’est un IOG aminci, débarrassé de ses problèmes de genoux et toujours aussi avide de lecture qui a reçu JA au palais (made by China) d’Haramous le 5 avril.

Nous avons perdu beaucoup de temps et d’argent dans l’affaire DP World. Il fallait y mettre un terme

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Jeune Afrique : Il y a quelques semaines, le 22 février, votre gouvernement a fait état de la résiliation du contrat de concession du terminal à conteneurs de Doraleh, attribué en 2006 à la société émiratie DP World. Depuis, Dubaï ne décolère pas. Pourquoi en est-on arrivé là ?

Ismaïl Omar Guelleh : Cela faisait six ans que nous tentions en vain de renégocier treize articles de ce contrat léonin, conclu – et mal conclu à l’époque, de par notre faute – avec DP World. Nous avons perdu beaucoup de temps et d’argent dans cette affaire. Il fallait y mettre un terme. Nous avons donc adopté une loi, en novembre 2017, qui autorise l’État à renégocier tous les contrats stratégiques, et celui-ci en fait partie, puisque cette installation est le premier employeur de Djibouti.

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Mon ministre des Transports s’est ensuite rendu à Dubaï, chez DP World, pour discuter. Réponse sèche de l’opérateur : « Vous voulez rompre ? Faites-le. Nous allons vendre nos actions et tous nos actifs à Djibouti : hôtels, villas, quai pétrolier, etc. » Le ministre a bien sûr rétorqué que l’État djiboutien se portait acquéreur des actions – l’une des aberrations de ce contrat étant que, bien que majoritaire à 66 %, l’État est minoritaire au sein du conseil d’administration de Doraleh Container Terminal (DCT).

Refus des Émiratis : « Nous les vendrons à qui nous choisirons. » Inenvisageable à mes yeux, car il y va de notre souveraineté. Nous avons donc fait jouer notre droit de préemption et nationalisé DCT. Les procédures normales d’indemnisation seront mises en œuvre.

 Ce contrat était attentatoire à notre souveraineté. C’est du chantage. Nous n’y céderons pas

Quelle est l’explication, selon vous, de l’attitude intransigeante de DP World ?

DP World n’a jamais cherché réellement à développer Doraleh – qui fonctionnait à 40 % de ses capacités – afin de favoriser l’émergence du port de Dubaï, Jebel Ali. Il s’agissait de restreindre la concurrence en la contrôlant et de nous limiter au seul marché local et à l’Éthiopie, quitte à décourager les gros armateurs étrangers de venir fréquenter notre port. Ils font la même chose à Aden, à Berbera et ailleurs. C’est du malthusianisme économique à leur seul profit. Nous ne l’acceptons pas.

DP World a engagé une nouvelle procédure devant la Cour internationale d’arbitrage de Londres, laquelle s’est déjà prononcée en sa faveur dans le passé… Ils profitent du fait que le contrat qui nous liait a été placé sous le régime du droit britannique, lequel n’en reconnaît pas l’aspect léonin. Ce fut l’une de nos erreurs. Mais ils peuvent aller où ils veulent, nous ne nous laisserons pas intimider.

Nous avons tout fait pour trouver une solution à l’amiable : en 2016 et 2017, j’ai écrit au Premier ministre et au ministre émirati des Affaires étrangères, Cheikh Mohamed Ibn Rached et Abdallah Ibn Zayed, ainsi qu’au prince héritier Mohamed Ibn Zayed, pour attirer leur attention sur cette situation. Aucun ne m’a répondu !

Aujourd’hui, DP World menace d’attaquer en justice toutes les entreprises portuaires désireuses d’investir sur le territoire de la République, que ce soit à Doraleh ou ailleurs. Ce qui démontre bien à quel point ce contrat était attentatoire à notre souveraineté. C’est du chantage. Nous n’y céderons pas.

Nous n’avons pas repris Doraleh pour le céder aux Chinois. Nous n’avons besoin de personne pour le gérer

Lorsque votre décision a été rendue publique, la première réaction de DP World et des dirigeants émiratis a été de dire : attention, Djibouti va offrir le port aux Chinois. Est-ce exact ?

C’est faux. DCT est aujourd’hui propriété à 100 % de l’État et sa gestion a été confiée à une nouvelle entreprise publique, la Société de gestion du terminal de Doraleh. Mais cette intox a failli marcher : l’ancien secrétaire d’État américain Rex Tillerson, le général Waldhauser, patron d’Africom, et même des sénateurs républicains se sont émus de cette perspective. Nous les avons rassurés : nous n’avons pas repris Doraleh pour le revendre et nous n’avons besoin de personne pour le gérer. Le port de Djibouti existe depuis 1926. À l’époque, Dubaï n’existait pas…

Agiter le chiffon rouge de la mainmise chinoise est d’autant plus « porteur » que les Occidentaux s’inquiètent beaucoup du surendettement supposé de Djibouti à l’égard de Pékin. Qu’en est-il exactement ?

Nous avons trois gros projets d’investissement avec les Chinois : le chemin de fer Djibouti - Addis-Abeba, le pipeline d’acheminement d’eau Éthiopie-Djibouti et la construction du port polyvalent. Tous trois sont élaborés pour générer de quoi rembourser leur propre dette. Toutes nos dettes sont d’ailleurs dans le secteur marchand.

 La base américaine est cinquante fois plus grande que celle de la Chine et personne n’en parle

Pourtant, il se dit que la Chine se fait du souci pour ses investissements à Djibouti. Elle vous aurait même fait part d’un certain mécontentement via son ambassadeur…

Première nouvelle ! Ni le président Xi Jinping, lors de ma visite officielle fin 2017, ni a fortiori son ambassadeur ne m’ont dit quoi que ce soit en ce sens. Au contraire : Xi Jinping a demandé à son Premier ministre Li Keqiang de veiller à ce que tout se passe pour le mieux entre nos deux pays. Les Chinois sont des gens sérieux, vous savez !

Leur nouvelle base militaire fait beaucoup jaser. On parle de souterrains, de vastes soutes à munitions, de bunkers secrets…

Décidément… Cette base s’étend sur une emprise de 40 hectares. La base américaine est cinquante fois plus grande et personne n’en parle. Non, il n’y a rien de tout cela. C’est incroyable, la façon dont les Occidentaux peuvent fantasmer dès qu’il s’agit de la Chine !

Idem pour le montant des loyers que vous versent les puissances militaires présentes à Djibouti. Quels sont les vrais chiffres ?

Je vous les donne : 58 millions de dollars par an pour les Américains, 30 millions d’euros pour les Français, 20 millions de dollars pour les Chinois, 3,5 millions de dollars pour les Japonais. Au total, cela ne représente même pas 10 % de notre budget, ce qui n’empêche pas certains d’écrire que notre survie économique en dépend. En réalité, si nous taxions tous les produits qu’elles importent hors douane, nous pourrions gagner dix fois plus que les loyers.

Nous sommes aux côtés du président Mansour Hadi, mais aussi du peuple yéménite en ce sens que nous accueillons tous les réfugiés

Allez-vous le faire ?

Chaque chose en son temps.

Les Russes et les Indiens vous ont sollicité pour installer eux aussi leurs propres bases. Que leur répondez-vous ?

Vous ne trouvez pas que Djibouti abrite déjà assez de bases étrangères ? C’est non. Cela suffit.

Une tragédie se joue au Yémen depuis trois ans et demi à 15 km de vos côtes. Dans cette guerre civile dévastatrice, qui soutenez-vous ?

Djibouti a toujours opté pour la légalité internationale. Nous sommes donc aux côtés du président Mansour Hadi, mais aussi du peuple yéménite en ce sens que nous accueillons tous les réfugiés, de quelque bord qu’ils proviennent. Ils sont à Obock, à Djibouti : commerçants, banquiers, riches, pauvres, nous les autorisons à s’installer et à travailler. Ils sont 40 000 à 50 000 qui ont trouvé refuge ici, ce qui, proportionnellement à notre population, est un nombre considérable.

Le problème, c’est le soutien logistique apporté par les Iraniens aux rebelles houthistes, en particulier les missiles balistiques sol-sol. Si l’Iran cesse de jouer à ce jeu, les pourparlers pourront reprendre. Il y a aussi le problème du Sud et du retour de ses velléités sécessionnistes, l’implication des Émirats, d’Al-Qaïda et de Daesh. Le Yémen est devenu un chaudron pour apprentis sorciers. Dire que cela m’inquiète est un euphémisme.

Un départ précipité de Somalie serait contre-productif. Leur armée est loin d’être reconstituée

Vous aviez d’excellentes relations personnelles avec l’ancien Premier Ministre éthiopien Hailemariam Desalegn. En sera-t‑il de même avec son successeur, Abiy Ahmed ?

Je le crois, oui. Nous nous sommes parlé au téléphone. Il m’a dit que sa première visite à l’étranger sera pour Djibouti. Il est jeune, sympathique, bien accueilli par la population. C’est un très bon choix pour l’Éthiopie.

En quelle langue échangez-vous avec lui ?

Je parle l’amharique.

Pensez-vous que les soldats de maintien de la paix de l’Amisom quitteront la Somalie dans deux ans, comme le souhaite l’Union africaine ?

Non. C’est prématuré. Un départ précipité serait contre-productif. L’armée somalienne est loin d’être reconstituée.

Votre contingent va donc rester sur place ?

C’est vraisemblable. Nous avons 2 000 hommes là-bas, dans un secteur très exposé, loin de Mogadiscio, qu’il faut ravitailler par hélicoptère. Contrairement aux autres contingents de l’Amisom, qui ont tendance à rester dans leurs casernes, les soldats djiboutiens sont en contact direct avec la population et opèrent en symbiose avec la brigade somalienne que nous sommes en train de former. Ils font du très bon travail.

Nos rapports avec l’Erythrée resteront tendus tant que ce monsieur Afeworki sera au pouvoir à Asmara et tant que Djibouti aura de bonnes relations avec l’Éthiopie

En Somalie, un grave différend personnel oppose le Premier ministre au président du Parlement. Pourquoi ne joueriez-vous pas les médiateurs ? Tout le monde vous respecte à Mogadiscio…

Écoutez, j’ai téléphoné la semaine dernière au président Mohamed Abdullahi Mohamed pour lui recommander de prendre ses responsabilités dans cette affaire et de réconcilier les deux camps. C’est à lui de le faire. Il m’a répondu positivement, mais deux jours plus tard j’apprends qu’il a demandé au président du Parlement de démissionner ! J’ai un peu de mal à le suivre.

Et avec l’Érythrée, vos rapports sont-ils toujours aussi tendus ?

Oui. Et ils le resteront tant que ce monsieur Afeworki sera au pouvoir à Asmara et tant que Djibouti aura de bonnes relations avec l’Éthiopie. Car c’est là le fond du problème. Il y a quelques jours, le nouveau Premier ministre éthiopien a proposé l’ouverture d’un dialogue avec l’Érythrée. La réponse d’Afeworki ne s’est pas fait attendre : c’est hors de question. Que voulez-vous que l’on fasse avec ce genre de personnage ?

Entre l’Arabie saoudite et le Qatar, vous avez choisi votre camp…

Celui de l’Arabie saoudite, clairement.

 Les investisseurs français sortent peu à peu de leur frilosité djiboutienne

Pourtant, Qatar Airways continue de desservir l’aéroport d’Ambouli.

Disons que nous fermons les yeux. Nous avons rappelé notre ambassadeur à Doha mais notre ambassade demeure ouverte, tout comme celle du Qatar à Djibouti. Nous ne sommes pas des jusqu’au-boutistes.

Vous avez rencontré le président français Emmanuel Macron à deux reprises : à Paris en décembre et à New Delhi en mars. Votre impression ?

Excellente. C’est un homme ouvert, de bonne volonté, désireux de comprendre, intelligent, pas du tout intrusif, avec qui on peut avancer. Je constate par ailleurs que, à la suite de Vinci, d’Eiffage et de quelques autres, les investisseurs français sortent peu à peu de leur frilosité djiboutienne. Avec des propositions innovantes dans les domaines de l’assainissement, de l’énergie solaire couplée à l’agriculture, etc. Il était temps !

Les Français vous parlent-ils encore de l’affaire Borrel ?

Non. La page est tournée depuis un certain temps déjà. Définitivement, en ce qui me concerne.

 Il y a à Djibouti une opposition qui use et parfois abuse de sa liberté d’expression

Comment se porte la démocratie djiboutienne ?

Nous sommes en phase avec notre population et avec nos impératifs de développement. Ce qui compte, ce sont les indicateurs sociaux : emploi, formation, éducation, mortalité infantile, etc. C’est cela qui m’intéresse, beaucoup plus que les bavardages de salon.

Pour le reste, il y a à Djibouti une opposition qui use et parfois abuse de sa liberté d’expression. Ainsi hélas qu’une poignée d’extrémistes actionnés depuis Paris et Bruxelles par des autoexilés se réclamant d’un certain Frud [Front pour la restauration de l’unité et la démocratie] armé.

Ces groupes résiduels ont leurs bases en Érythrée et transitent souvent par le territoire éthiopien pour faciliter leurs incursions. Il y a deux semaines, ils ont attaqué un bus de civils et blessé deux passagers avant de le brûler. Ils s’en prennent aussi aux foreuses d’exploration géothermique, aux camions, etc. C’est une pollution que nous nous efforçons de gérer, en collaboration avec les autorités éthiopiennes.

Notre responsabilité est d’être à l’écoute de la société civile

L’opposition démocratique est affaiblie et fractionnée, ce qui fait les affaires de la coalition qui vous soutient. Mais n’est-ce pas aussi un problème ? Vous n’avez plus d’interlocuteur, si ce n’est les réseaux sociaux…

L’opposition existe et existera toujours à Djibouti. Pour le reste, elle n’a pas le monopole de l’expression populaire : la société civile est aussi un vecteur des préoccupations collectives et elle ne se prive pas de nous interpeller dès qu’un problème se pose. Notre responsabilité est d’être à son écoute et de savoir réagir à temps, afin que la violence ne l’emporte pas sur le débat démocratique. Si on se bouche les oreilles, le risque c’est l’explosion. La voix du peuple doit être entendue en permanence.

L’accord-cadre de 2014 prévoyait un statut pour le leader de l’opposition. Pourquoi n’est-il pas encore entré en fonction ?

Nous sommes prêts. Mais la coalition avec laquelle nous avons signé, l’USN [Union pour le salut national], a implosé. Nous attendons qu’elle se reconstitue.

 Abdourahmane Mohamed Guelleh est isolé et me semble un peu perdu

En attendant, l’opposition compte encore quelques fortes personnalités décidées à en découdre, comme l’ancien maire de Djibouti Abdourahmane Mohamed Guelleh, dit TX, ou encore Daher Ahmed Farah, dit DAF…

Le premier est isolé et me semble un peu perdu. On me dit que ses partisans égorgent des moutons pour accélérer mon départ et se promènent avec un cercueil sur lequel est épinglé mon nom. Vous voyez le genre.

Quant au second, il a deux problèmes parmi d’autres : l’appellation de son parti, qu’il n’a pas le droit d’utiliser sur décision de justice à la demande de la veuve du fondateur, et, au cas où il souhaiterait se présenter à une élection, sa double nationalité belgo-­djiboutienne, à laquelle il devra renoncer.

Vous avez entrepris de recevoir régulièrement chaque ministre en compagnie de ses collaborateurs afin, dites-vous, de corriger ce qui ne va pas à l’intérieur des ministères. Est-ce vraiment le travail d’un président ?

Tout à fait. Cela fait partie de mes responsabilités.

Ce gouvernement n’a que deux ans et nous n’avons pas les moyens d’un remaniement

Il paraît que le ton monte parfois de votre côté. N’est-ce pas problématique de gronder un ministre devant ses collaborateurs ?

Il ne s’agit ni d’offenser ni d’humilier qui que ce soit. J’ai simplement constaté que, lorsque je convoquais un ministre, ce dernier ne faisait pas redescendre les reproches que j’avais à lui formuler. Avec cette méthode que j’entends pérenniser, au moins, les choses sont claires. Évaluation, reddition des comptes, gestion axée sur les résultats : voilà ce qui m’intéresse dans cet exercice.

Après les législatives de février, tout Djibouti spécule sur un possible changement de gouvernement. Est-ce à l’ordre du jour ?

Non. Ce gouvernement n’a que deux ans et un remaniement entraîne des frais pour le budget : villas de fonction, nouveaux véhicules… Nous n’avons pas les moyens.

Combien gagne un ministre ?

Il reçoit 400 000 francs djiboutiens par mois [environ 1 830 euros], y compris les indemnités.

Je gagne 359 000 francs, soit moins que mes ministres

Et le président de la République ?

Vous allez sourire… Je gagne 359 000 francs – moins que mes ministres.

Le Conseil national de la communication vient d’entrer en fonction. À quoi va-t‑il servir, quand on constate que le paysage audiovisuel djiboutien ne comporte que des médias d’État ?

Ce conseil, qui est présidé par une femme dont le punch et l’indépendance d’esprit sont reconnus, va prendre toute sa place. On l’a d’ailleurs constaté lors des législatives. Quant au paysage audiovisuel, il est libre, il n’y a jamais eu de monopole. Le problème, c’est le modèle économique. Les journaux disparaissent au bout de trois mois faute d’argent et aucun investisseur privé ne s’est jusqu’ici intéressé aux radios et aux télévisions. Sauf à être financé par une ambassade étrangère, ce que la loi interdit, je ne vois rien venir.

Pourtant, l’opposition en fait un sujet de débat quasi permanent.

Croyez-vous que c’est cela qui préoccupe les Djiboutiens plutôt que leur niveau de vie, le social, le développement ? Je ne le pense pas. Pour le reste, n’ayez crainte : la machine institutionnelle est bien huilée.

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