Algérie : Bouteflika, le pouvoir et le marc de café
Le président algérien Abdelaziz Bouteflika briguera-t-il un cinquième mandat, dans tout juste un an ? Rumeurs, spéculations et conjectures vont bon train.
Les apparitions publiques d’Abdelaziz Bouteflika sont tellement rares que, pour connaître ses intentions, les Algériens (et nombre d’étrangers) en sont presque réduits à jouer les devins et à lire dans le marc de café. Chacun scrute et décortique les images du chef de l’État diffusées par la télévision nationale dans l’espoir d’y découvrir un sens caché. Ou un présage à déchiffrer.
La brève escapade présidentielle du lundi 9 avril n’a pas fait exception à la règle. Vêtu d’un strict costume trois pièces et installé dans le fauteuil roulant sans lequel il ne peut plus guère se déplacer, Bouteflika a inauguré la mosquée Ketchaoua, un édifice ottoman rénové grâce à des fonds turcs (7 millions d’euros) et fermé au public depuis huit ans. Face à la foule assemblée, il a péniblement esquissé quelques gestes de la main, mais s’est abstenu de prendre la parole. Derrière lui, ombre omniprésente, se tenait Saïd, son frère cadet et très influent conseiller occulte.
Ses partisans répètent à l’envi qu’il connait un net regain de forme.
Le chef de l’État s’est ensuite rendu dans le quartier d’Aïn Naadja, sur les hauteurs de la capitale, pour inaugurer un prolongement de la ligne de métro entreprise en… 2005. Là encore, pas la moindre déclaration publique. Une telle manifestation est évidemment banale pour un président en exercice. Dans le cas d’Abdelaziz Bouteflika, elle revêt une grande signification politique, chacun profitant de l’occasion pour évaluer son état de santé – il a eu 81 ans au mois de mars.
Les responsables algériens répètent à l’envi que le chef de l’État connaît actuellement un net regain de forme, qu’il est en pleine possession de ses moyens et parfaitement en mesure d’exercer ses fonctions. La vérité est qu’il se remet difficilement de l’accident vasculaire cérébral dont il a été victime le 27 avril 2013. Et qu’il mène une vie de reclus dans sa résidence de Zeralda, dans l’Ouest algérois.
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Ses apparitions publiques se limitent à la réception des hôtes étrangers – manifestations toujours très médiatisées – et à quelques rares Conseils des ministres. Séquelle de son AVC, ses difficultés d’élocution l’empêchent de s’adresser directement à ses compatriotes. Il n’a pas pris la parole en public depuis le 8 mai 2012.
« Œuvre grandiose »
Bien sûr, son escapade algéroise du 9 avril a relancé spéculations et conjectures concernant son agenda politique et l’éventualité de sa reconduction au pouvoir à l’issue de l’élection présidentielle d’avril 2019. La concomitance de ce bain de foule avec une déclaration de Djamel Ould Abbès, le secrétaire général du FLN, qui, le 7 avril, l’a invité à « poursuivre son œuvre », n’est évidemment pas passée inaperçue.
Abdelkader Messahel, le chef de la diplomatie, qui passe pour très proche du président, est sur la même longueur d’onde : lui aussi souhaite la poursuite de cette œuvre « grandiose ».
Bref, l’idée d’un cinquième mandat est dans l’air. Certains en viennent même à se demander si la campagne électorale n’a pas d’ores et déjà commencé. Et si l’annonce officielle de la candidature n’est plus qu’une question de timing. Alors, Bouteflika est-il, oui ou non, candidat à sa propre succession ?
>>>– A Lire: Algérie : Abdelaziz Bouteflika ou le temps suspendu
Ce dont rêvent ses partisans, courtisans et thuriféraires est une chose. Ce qu’il a vraiment en tête en est une autre. Ceux qui le connaissent le mieux et ont travaillé à ses côtés ces vingt dernières années ne sont pas avares d’anecdotes sur sa conception très particulière du pouvoir et son désir quasi obsessionnel de s’y maintenir le plus longtemps possible.
Ils racontent à quel point cet animal politique peut se montrer imprévisible, mystérieux, déroutant. À quel point il a le culte du secret, dont il a fait l’élément essentiel de son art de gouverner. Personne n’a oublié qu’en 2014 il avait maintenu jusqu’au bout le suspense quant à ses intentions présidentielles.
Il pourrait bien faire de même cette année. De quoi l’avenir sera-t-il fait ? Pour le découvrir, ne jetez surtout pas le marc de votre café !
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