Livre : Nicolas Jolivot saisit l’intensité des rencontres aux sources du Nil
Le dessinateur Nicolas Jolivot est parti en Ouganda et en Éthiopie, aux sources du Nil blanc et du Nil bleu. Il en a rapporté de superbes portraits.
Les « explorateurs » occidentaux fascinent toujours les… Occidentaux. Ainsi, dans l’introduction à ses carnets de voyages en Ouganda et en Éthiopie, rassemblés et intitulés comme il se doit Aux sources du Nil, le dessinateur Nicolas Jolivot cite évidemment la fameuse phrase attribuée à Henry Morton Stanley : « Dr Livingstone, I presume ? » lorsqu’il retrouva en 1871, à Ujiji (actuelle Tanzanie), l’Écossais David Livingstone parti à la recherche desdites sources.
Heureusement, l’artiste sait qu’il doit éviter de se fier à sa mémoire ou à son savoir acquis à des milliers de kilomètres de là s’il veut porter un regard juste sur les pays qu’il entend visiter : « Je sais bien que cet imaginaire né de temps anciens n’a rien à voir avec la réalité des lieux », confie-t-il.
Des paysages et portraits saisis sur le vif
Armé de cet état d’esprit, qui devrait servir de viatique à bien des touristes, Jolivot s’en est donc allé arpenter les rives du lac Victoria et les hauts plateaux éthiopiens, son talent et ses carnets en bandoulière. Dans ses écrits pointe une certaine naïveté, comme lorsqu’il évoque les trente-deux ans de pouvoir de Yoweri Museveni ou… ses propres problèmes gastriques en voyage. « L’hésitation n’était pas du dégoût, bien au contraire, mais dans les pays lointains, il y a toujours une petite lumière rouge en connexion avec les boyaux qui clignote dans ma tête devant un plat de produits crus dont la provenance m’est inconnue. »
Cette approche pourrait paraître simpliste, elle l’est parfois, mais l’auteur est suffisamment lucide pour ne pas s’y laisser prendre. « Vouloir régler tous les problèmes du monde avec ses propres références culturelles est une constante du touriste occidental, pratiquée généralement autour d’une bière dans le principal café d’une ville où il réside moins de trois jours, écrit-il. Je n’échappe pas à la règle… »
Ses visages, croqués au stylo à bille, sont littéralement animés par la profondeur du regard qui les habite
Grâce à ce recul vis-à-vis de lui-même, Jolivot livre un récit plaisant, sans prétention, de ses pérégrinations. Mais, bien entendu, ce qui rend son livre remarquable, c’est avant tout la qualité de ses croquis. Les paysages, bien sûr, sont saisis sur le vif en ville comme à la campagne, et leur atmosphère – calme ou survoltée – est chaque fois restituée avec sensibilité.
C’est néanmoins dans son travail de portraitiste que Jolivot excelle. Ses visages, croqués au stylo à bille, sont littéralement animés par la profondeur du regard qui les habite. Ils donnent à sentir, bien mieux qu’une photo volée ou échangée contre quelques shillings, toute l’intensité qu’il peut y avoir dans une vraie rencontre – même quand elle ne dure que quelques minutes.
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