Burkina Faso : Tiébélé à la saison des femmes

Chaque année, entre mars et mai, les villageoises peignent les façades de leurs cases. Un véritable travail d’artiste qui pourrait faire son entrée au patrimoine mondial de l’Unesco.

Les villageoises de Tiébélé peignent chaque année les façades de leurs cases. Elles appliquent ici un banco constitué de terre argileuse mêlée à de la bouse de vache. © Crispin HUGHES/PANOS-REA

Les villageoises de Tiébélé peignent chaque année les façades de leurs cases. Elles appliquent ici un banco constitué de terre argileuse mêlée à de la bouse de vache. © Crispin HUGHES/PANOS-REA

Publié le 9 mai 2018 Lecture : 3 minutes.

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Dimanche 17 mars, un vent frais souffle sur Tiébélé, à 200 km au sud de Ouagadougou. Sous le regard émerveillé des badauds du coin, un vrombissement continu de grosses cylindrées vient perturber l’ambiance paisible qui règne d’habitude sur cette localité de quelque 500 âmes, réputée pour ses maisons peintes par les femmes. Une scène inhabituelle se prépare. L’artiste Bil Aka Kora, l’ambassadeur de la danse kassena, et le groupe ivoirien Magic System tournent un clip rendant justement hommage à ces ouvrières de l’ombre. Dans son prochain album, qui devrait sortir avant la fin de cette année, le musicien burkinabè célèbre la femme kassena dans une chanson intitulée « Anou », sur laquelle A’Salfo et ses compères du zouglou ivoirien viennent poser leur voix.

Chaque année, entre mars et mai, avant la saison des pluies, les femmes de Tiébélé peignent les façades des cases – rectangulaires pour les jeunes couples, rondes pour les célibataires, octogonales pour les gardiens de la famille et les sacrifices – avec des motifs symboliques (le lézard, signe de vie ; le serpent, totem des kassena ; la tortue, totem de la famille royale ; les filets, rappelant l’importance de la pêche, etc.). Un savoir-faire collectif transmis de mère en fille et qui révèle l’extrême richesse de l’architecture kassena. La première étape consiste à appliquer un banco constitué de terre argileuse mêlée à de la bouse de vache.

Réalisant peintures, gravures et bas-reliefs, ces artistes allient esthétique et codes décrivant la vie quotidienne

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Le tracé des dessins se fait ensuite au moyen d’un caillou sur la paroi préalablement humidifiée par une décoction de cosses de néré, l’acacia local. La peinture, confectionnée à base de pigments tirés d’un mélange de roche et de liants, est alors appliquée à l’aide d’une plume de pintade, en respectant les teintes traditionnelles (le rouge de la latérite, le blanc du kaolin ou le noir du graphite). Une fois le décor achevé, les femmes aspergent la paroi de décoction pour la protéger et lui apporter un aspect verni. Réalisant peintures, gravures et bas-reliefs, ces artistes allient esthétique et codes décrivant la vie quotidienne.

« On reconnaît la femme kassena à la beauté de sa maison »

« Peindre est un moyen d’entretenir nos cases et c’est un mode de vie, une manière de s’affirmer. On reconnaît la femme kassena à la beauté de sa maison, explique Oussalé Wenapèkolou, tout en ornant son grenier avec trois autres femmes. Les symboles peints permettent de transmettre le savoir aux générations à venir », tient à préciser cette sexagénaire. « Ce sont de grandes artistes. Je suis impressionnée par le savoir-faire de ces femmes qui ont tout conservé de leur culture », s’exclame Nathalie, une voyageuse en provenance du Cameroun, venue admirer le génie architectural des femmes kassena.

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« Les maisons sont organisées autour d’un mode de vie. Tout est à sa place, pensé en fonction de leur tradition », s’enthousiasme Thomas, un touriste français. « On nous a expliqué comment la peinture est fabriquée. Malheureusement, elles utilisent de plus en plus de goudron », regrette Quentin, son compagnon de voyage. Tous deux ont déboursé 9 000 F CFA (environ 14 euros) pour une visite guidée. Chaque année, près d’un millier de touristes qu’accompagnent huit guides viennent découvrir ces maisons qui constituent, sur une superficie de 2 hectares, la Cour royale.

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Pour attirer davantage de visiteurs, un projet de mise en valeur touristique de la commune a permis d’aménager les abords et les espaces publics (restaurants, hôtels…), ainsi que la Cour royale elle-même, où vivent entre 250 et 300 personnes. Et avec l’aide de la Coopération Wallonie-Bruxelles, qui a apporté 14 millions de F CFA, l’association locale Djawolim a organisé des journées communautaires pour reconstruire les maisons détruites par les intempéries. Ces efforts seront-ils suffisants pour faire entrer ce « musée vivant » au panthéon du patrimoine mondial de l’Unesco ? La procédure, portée par la Coopération Wallonie-Bruxelles et le ministère de la Culture, est en cours…

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