Les Afro-Brésiliens attaqués dans leur foi
Au Brésil, premier pays catholique au monde, l’intolérance religieuse touche en majorité les fidèles des religions afro-brésiliennes. Une violence nourrie par le racisme anti-Noirs et par la montée de l’évangélisme, estime Lamia Oulalou, journaliste et auteure de Jésus t’aime ! La déferlante évangélique*.
Il a fallu qu’une adolescente de 12 ans exhibe ses blessures à la télévision pour que le Brésil prenne conscience des dangers de l’intolérance religieuse. Kayllane Campos avait 11 ans quand, à la sortie d’un culte candomblé, l’une des principales religions afro-brésiliennes, elle est atteinte par un jet de pierre ponctué de cris : « Diable ! Va brûler en enfer ! », « Jésus est en train de revenir ! »
Premier pays catholique du monde, selon un recensement de 2010, il est aussi celui où le nombre de fidèles du Vatican s’est effondré (92 % de la population en 1970 à 64 % dix ans plus tard). Ce basculement, au profit des Églises pentecôtistes, a des conséquences politiques, économiques et sociales dont on commence à peine à prendre conscience. Mais les descendants d’esclaves africains le ressentent déjà dans leur chair. Il ne se passe plus un jour sans qu’un terreiro – lieu de culte candomblé – soit brûlé ou profané, et que les maîtres du culte soient contraints, sous la menace, de déménager.
Le mal absolu
À Rio, 70 % des cas d’intolérance religieuse touchent des fidèles des religions afro-brésiliennes. Dans les favelas, les agresseurs sont souvent des narcotrafiquants récemment évangélisés. À l’école, des professeurs refusent même d’enseigner l’histoire et la culture de l’héritage africain, obligatoires depuis 2003.
Une violence nourrie par le racisme anti-Noirs, que l’Etat n’a jamais reconnu
Cette diabolisation se nourrit du racisme anti-Noirs, que le Brésil n’a jamais reconnu. « Les Africains sont de façon ancestrale maudits par Noé », résumait ainsi en 2011 Marco Feliciano, pasteur évangélique et l’un des députés les mieux élus du pays. Elle trouve également un écho dans la rhétorique de la « bataille spirituelle ». Et certaines Églises, comme l’Église universelle du royaume de Dieu, n’hésitent pas à désigner les religions afro-brésiliennes comme le mal absolu, à extirper par la violence s’il le faut. Leurs adeptes sont, pour Edir Macedo, son fondateur, des « personnes ignorantes tombées dans le piège de Satanas ».
Au fond, c’est une dispute de marché. Les Églises évangéliques ont volontiers pillé dans le registre des religions afro-brésiliennes pour façonner leurs rites. Comme il s’agit de proposer des services religieux répondant aux problèmes matériels et spirituels des plus pauvres, la concurrence est rude.
Otage des députés évangéliques, le gouvernement actuel – issu d’un coup d’État institutionnel – ne prend aucune mesure. L’Afrique, chère à Lula da Silva, est désormais jugée secondaire.
* Éditions du cerf, Paris, 2018
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