Tunisie : Yosra Frawes, féministe et fière de l’être

Yosra Frawes est la nouvelle présidente de l’Association tunisienne des femmes démocrates. Retour sur le parcours d’une militante infatigable des droits des femmes.

Pour Yosra Frawes, droits des femmes et système démocratique sont inséparables. © Ons Abid pour JA

Pour Yosra Frawes, droits des femmes et système démocratique sont inséparables. © Ons Abid pour JA

Publié le 18 mai 2018 Lecture : 2 minutes.

Son destin de féministe, Yosra Frawes le doit à sa professeure d’éducation civique, Fathia Saïdi. Cette dernière l’invite en 1995 à un débat sur le rôle de la femme tunisienne dans les feuilletons populaires. Yosra a 16 ans. Elle rencontre pour la première fois des militantes du mouvement féministe. C’est un électrochoc. L’adolescente est fascinée par l’aisance et l’aplomb de ces combattantes. Les joutes oratoires se déroulent en arabe et en français.

Un vent de liberté souffle : la critique du régime est ici ouverte et assumée ! « Je voudrais que tu deviennes comme elles », insiste sa mère. Yosra Frawes la prend au mot. Adulte, elle écrira des poèmes pour égaler l’éloquence de ses modèles. En attendant, elle pousse la porte du club des jeunes de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD). L’étudiante en droit y découvre une seconde famille. La lutte féministe l’habite déjà pleinement.

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La défense des plus faibles

La jeune Yosra pressée partage alors son temps entre la faculté des sciences juridiques et sociales de Tunis, l’Union générale des étudiants de Tunisie (Uget), où elle milite aussi, et son engagement pour la parité. En 2000, elle lance une pétition pour l’égalité dans l’héritage. La native de Jedeida, à 25 km à l’ouest de Tunis, connaît le poids du conservatisme, elle qui a grandi dans un environnement rural. L’étudiante en droit constate que les plus progressistes de ses camarades masculins restent hostiles à la cause féminine. Qu’à cela ne tienne. Les difficultés ne font que décupler sa détermination.

« Pas de droits des femmes sans démocratie, pas de démocratie sans droits des femmes » : devenue avocate, Yosra Frawes fait sienne la devise de l’ATFD. Elle remise son master en droit des affaires et se consacre à la défense des plus faibles : les femmes, les familles précaires, les personnes privées de leurs droits humains.

En reprenant le flambeau de ses aînées, elle sait combien la tâche est immense

À la tête de la section tunisienne de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), la militante dénonce les positions liberticides et contribue notamment à la libération de Jabeur Mejri, accusé d’« atteinte à la morale, diffamation et perturbation de l’ordre public » pour avoir publié en 2012 des caricatures du prophète Mohammed sur les réseaux sociaux.

Le 15 avril 2018, la boucle est bouclée : Yosra devient présidente de l’ATFD. Elle a 39 ans. Les convictions sont intactes. Sa fougue, inentamée. Les droits et les libertés ? Non négociables, répond-elle. Ses débats avec les islamistes en témoignent. Jeune, encore. Gardienne du temple, déjà. En reprenant le flambeau de ses aînées, elle sait combien la tâche est immense.

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La Tunisie de demain

Et les chantiers, nombreux : égalité successorale, réforme du code du statut personnel en matière de dot ou de garde des enfants, mise en œuvre et monitoring de la loi contre les violences faites aux femmes…

Yosra Frawes rêve d’une veille sur les libertés individuelles et sexuelles. Et d’éducation juridique pour les femmes, afin qu’elles connaissent mieux leurs droits et réussissent leur insertion économique. Elle le dit avec des étoiles plein les yeux. Fière de participer à la Tunisie de demain. Fière aussi de sa fille Yara, 7 ans, qui a décidé de porter le nom de sa maman à côté de celui de son papa.

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