Mondial 2018 : Aigles, Pharaons et Lions à l’assaut de la Russie
Le Mondial 2018 accueillera cinq sélections africaines, dont trois – Égypte, Maroc et Sénégal – commençaient à se faire désirer à ce stade de la compétition. État des forces.
C’est peut-être le début d’une nouvelle ère pour la Coupe du monde. Après la Russie cette année et le Qatar en 2022, le Maroc sera peut-être en 2026 le troisième nouveau pays d’affilée à accueillir l’événement le plus suivi de la planète, avec les Jeux olympiques.
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La Russie n’avait jamais organisé un tournoi de cette ampleur. Vladimir Poutine voulait la Coupe du monde, même s’il n’est pas un fondu de ballon rond, et il l’a eue. Les régimes autoritaires ont toujours misé sur le sport pour adoucir un peu leur image et démontrer leur capacité à organiser de grands événements internationaux aussi bien que les grandes démocraties.
On aura peut-être un jour les détails précis de l’attribution des Coupes du monde 2022 et 2026, si un ponte de la Fifa décide, sur son lit de mort, de raconter ce qui s’est vraiment passé le 2 décembre 2010 à Zurich.
Le Nigeria toujours là
Aujourd’hui, l’essentiel est ailleurs. Poutine a mis les roubles nécessaires – et même un peu plus que prévu – pour construire ou rénover les stades s’apprêtant à accueillir les trente-deux équipes. Trente-deux pour l’avant-dernière fois, puisque Gianni Infantino, le président de la Fifa, a vu les choses en grand et fait voter un passage à quarante-huit pour 2026.
Le tsar Vladimir a promis une fête grandiose, une sécurité maximale et des coups de matraque aux hooligans locaux – et accessoirement aux autres – qui auraient le mauvais goût de plomber l’ambiance. Et puisque la Fifa a décidé que sa compétition reine avait les moyens d’accueillir dans huit ans presque un quart des pays qui lui sont affiliés (211), l’Afrique, dont aucune sélection n’a jamais atteint les demi-finales, passera de cinq à neuf ou dix représentants.
D’ici là, il faudra se contenter de cinq sélections. Pas plus qu’en 2014, où l’Afrique était représentée par l’Algérie, le Ghana, le Nigeria, la Côte d’Ivoire et le Cameroun. Le plateau africain en 2018 n’apporte aucune nouveauté, puisque les heureux qualifiés (Maroc, Tunisie, Égypte, Nigeria, Sénégal) ont déjà participé à ce grand raout du ballon rond.
Le Sénégal, le mieux servi
Mais en fermant les yeux quelques secondes, et en forçant un peu son imagination, les Pharaons égyptiens, les Lions de l’Atlas marocains et les Lions de la Teranga sénégalais auraient presque des têtes de petits nouveaux.
Les premiers étaient absents depuis 1990, les seconds – alors entraînés par le regretté Henri Michel, décédé le 24 avril dernier – depuis 1998 et les troisièmes se faisaient porter pâles depuis 2002.
Égyptiens et Marocains avaient été éliminés dès le premier tour lors de leur dernière participation, quoique avec un certain panache. Dans la mémoire collective, c’est le parcours du Sénégal en Corée du Sud et au Japon qui a le plus marqué.
Les forts caractères sénégalais de 2002 ont laissé la place à des personnalités plus lisses, mais le talent est toujours là
En 2002, Bruno Metsu, disparu en 2013, avait conduit Sylva, Diouf, Diatta, Bouba Diop, Coly, Fadiga et un certain Aliou Cissé (aujourd’hui sélectionneur) jusqu’en quart de finale face à la Turquie (0-1), après avoir battu la France, tenante du titre (1-0), et tenu tête à l’Uruguay (3-3) en poule avant d’éliminer la Suède en huitième de finale (2-1).
Cette année, le Sénégal est coaché par un homme moins médiatique, les forts caractères de 2002 ont laissé la place à des personnalités plus lisses, mais le talent est toujours là. Avec le Japon, la Colombie et la Pologne comme adversaires, le Sénégal est tombé dans un de ces groupes que l’on dit « abordables ».
Les cinq sélections africaines ont de vrais atouts. Collectifs et individuels. Chacune dans des registres différents » explique François Zahoui
« À ce niveau, rien n’est simple. Les quatre équipes semblent être assez proches les unes des autres. À la limite, mieux vaut être dans la position du Maroc (Portugal, Espagne, Iran) ou de la Tunisie (Angleterre, Belgique, Panama). On sait que leurs deux adversaires européens sont supérieurs. Ils feront l’objet de moins d’attentes et de pression. S’ils sont éliminés, ce sera logique. Pour le Nigeria (Argentine, Islande, Croatie) et l’Égypte (Russie, Uruguay, Arabie saoudite), c’est entre les deux. C’est moins homogène que pour le Sénégal, et moins relevé que pour le Maroc et la Tunisie. Tout peut arriver. Ce qui est en revanche évident, c’est que les cinq sélections africaines ont de vrais atouts. Collectifs et individuels. Chacune dans des registres différents », explique François Zahoui, le sélectionneur ivoirien du Niger.
Et avec, pour le Sénégal et l’Égypte, deux des meilleurs joueurs du moment, Sadio Mané et Mohamed Salah, qui font le bonheur de Liverpool.
Mané, Salah, Ziyech et les autres
En sélection aussi, Mané est bien entouré. On pense à l’épatant Kalidou Koulibaly, le défenseur de Naples, que Didier Deschamps, le sélectionneur de l’équipe de France, supervisait en 2016 alors que le Vosgien de naissance était déjà international sénégalais depuis plusieurs mois. Mais aussi à Ismaïla Sarr, le joyau du Stade rennais, Idrissa Gueye (Everton), ou Moussa Sow (Bursaspor), un vieux routier du football international.
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« Il y a tellement de bons joueurs dans cette équipe ! Elle dégage une certaine force collective qui rend optimiste », reprend Zahoui. Le Sénégal n’est pas forcément la sélection la plus spectaculaire à regarder ? C’est vrai.
Mais alors, que penser de la froide et calculatrice Égypte, entraînée par l’austère Argentin Héctor Cúper, qui possède pourtant un phénomène nommé Salah, déconcertant d’instinct et de spontanéité ? « C’est dommage qu’avec un tel joueur la sélection ne pratique pas un football plus offensif. Seulement, on ne peut pas reprocher grand-chose à Cúper, puisqu’il a des résultats. Il a qualifié l’Égypte pour la finale de la CAN 2017 et pour la Coupe du monde », nuance Zahoui.
Le Nigeria, qui n’a manqué qu’une phase finale (2006) depuis sa première apparition, en 1994, n’a pas de Mané ni de Salah en stock, mais toute une armée de très bons joueurs (Obi Mikel, Musa, Moses, Iwobi) qui imposeront, comme souvent, un défi physique et athlétique à leurs adversaires. Des arguments qui pourraient se révéler utiles face à des rivaux aux profils très variés. L’Histoire rappelle que les Super Eagles ont franchi trois fois le premier tour (1994, 1998, 2014).
Cela n’est jamais arrivé à la Tunisie, et le tirage au sort, qui n’a historiquement jamais été très clément avec elle, n’incite pas à un fol optimisme, d’autant plus que les Aigles de Carthage devront faire sans leur milieu offensif Youssef Msakni, un de leurs meilleurs joueurs, blessé.
Grâce à un savant mélange de locaux, d’expatriés et de binationaux, Nabil Maâloul a de quoi perturber Anglais et Belges
Grâce à un savant mélange de locaux, d’expatriés et de binationaux, Nabil Maâloul, le sélectionneur, a toutefois de quoi perturber Anglais et Belges, rarement à l’aise face aux sélections maghrébines. Comme la Tunisie, le Maroc va faire la joie des bookmakers londoniens, lesquels voient avec les Lions de l’Atlas le client idéal pour échafauder les cotes les plus osées.
« Le Maroc, s’il débute bien face à l’Iran, aura toutes ses chances. Les Lions s’appuient sur une disciple collective, une défense très solide et quelques individualités [Benatia, Ziyech, Belhanda] », énumère Zahoui. Et un coach – Hervé Renard – devenu une star après avoir remporté la CAN avec la Zambie en 2012, et injustement critiqué ensuite pour ses résultats avec le Losc. La roue finit toujours par tourner.
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