[Tribune] Mali : créer, c’est résister

Concerts, expositions, cinéma, mausolées… Malgré l’insécurité au Mali, l’explosion de la création reste une réalité. Elle fait même partie intégrante de la résistance, selon le cinéaste Cheick Oumar Sissoko.

Les photos de Samuel Fosso exposées à la Galerie Medina, à Bamako. © Nicolas Michel pour JA

Les photos de Samuel Fosso exposées à la Galerie Medina, à Bamako. © Nicolas Michel pour JA

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Publié le 12 juin 2018 Lecture : 3 minutes.

A Bamako, lors de la campagne présidentielle de 2013. © REUTERS/Joe Penney
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« La culture, c’est aussi et surtout un art de vivre, une façon particulière de se comporter vis-à-vis de soi-même, de ses semblables et de tout le milieu naturel ambiant. » Cet enseignement d’Amadou Hampâté Bâ dans son adresse à la jeunesse africaine fait cruellement défaut au Mali d’aujourd’hui, particulièrement dans le Nord et le Centre.

Le pays est en guerre, dans une insécurité réelle du fait de la croisade « islamiste » et des revendications identitaires sécessionnistes, à contre-courant de l’enseignement de Tierno Bokar, le sage de Bandiagara et maître d’Amadou Hampâté Bâ.

Le patrimoine culturel matériel et immatériel renaît au souffle de la vie

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« Renaissance » du patrimoine

La charia et les attentats enterrent l’art de vivre. La voix des muezzins « islamistes » résonne comme le silence de la mort. Qu’à cela ne tienne, la résistance s’organise. Le patrimoine culturel matériel et immatériel renaît au souffle de la vie, mausolées et manuscrits au premier rang. Gao et Tombouctou restent debout, sur les remparts.

Le Sud s’ouvre aux initiatives culturelles. N’Diaye Ramatoulaye Diallo, la ministre de la Culture, annonce la couleur. La Biennale artistique et culturelle renaît de ses cendres pour magnifier la diversité, la cohésion sociale des jeunes et le brassage des communautés des dix régions qui composent le Mali : Taoudeni, Kidal, Ménaka, Gao, Tombouctou, Mopti, Ségou, Sikasso, Koulikoro, Kayes et le district de Bamako. Cette rencontre a réuni plus de 1 000 jeunes artistes de tout le pays.

Un véritable succès, qui avait été précédé, en novembre, par les Rencontres africaines de la photographie, au Musée national, et le Triangle du balafon, festival consacré à cet instrument mythique dont la pratique est inscrite au patrimoine de trois pays, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire et le Mali.

Cette manifestation artistique et culturelle vient d’être à l’origine de la création d’une zone économique spéciale qui porte son nom : le Triangle du balafon, avec un fonds d’appui de 6 milliards de F CFA [9 millions d’euros] consacré au cinéma et à l’audiovisuel, médias par excellence de la communication sociale.

 Ségou, depuis la lisière des zones dangereuses, s’est imposée comme la capitale culturelle du Mali

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Les initiatives privées ne sont pas en reste. Un exemple mérite d’être cité. Ségou, la ville aux 4 444 balanzans [espèce d’acacia]. Ségou, la ville royale des Bamanans qui s’étire paresseusement le long du fleuve Niger. Ségou, la cité des murailles qui a émerveillé Mungo Park au XIXe siècle. Ségou, depuis la lisière des zones dangereuses, s’est imposée comme la capitale culturelle du Mali.

La fondation Festival sur le Niger, le centre culturel Kôrè, le réseau Kya des organisations culturelles du Mali développent toute l’année des activités : spectacles vivants, expositions, cinéma, résidences, conférences en association avec les créateurs du monde entier. Le clou de ces événements est le Festival sur le fleuve Niger, événement international organisé de main de maître, chaque année, par Mamou Daffé et son équipe.

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>>> A LIRE – Mali – Adama Traoré : « La culture, rempart essentiel contre l’intégrisme »

La création, symbole de la résistance

L’explosion de la création reste une réalité. Elle fait partie intégrante de la résistance, impulsée par les artistes de toutes les régions du Mali, aujourd’hui résidents à Bamako.

Dans les arts plastiques, la danse, le cinéma, la photo et surtout la musique, tous les grands noms ont droit aux plus belles scènes internationales, d’Abdoulaye Konaté à la Biennale de Venise, à Salif Keita, Amadou et Mariam, Abdoulaye Diabaté et les grandes divas griottes, qui se produisent tout au long de l’année aux quatre coins du monde.

Et la relève répond déjà présent, dans la maîtrise de l’instrument et de la voix, sur des rythmes mandingues, wassoulous, songhaïs, peuls, tamasheqs, bobos, mais aussi de rap, de hip-hop et de reggae. Ils sont légion à s’ouvrir aux influences multiples et diverses, à s’inspirer des musiciens des autres continents. Comme leurs aînés, ils contribuent à la recherche de la paix, dans un brassage de rythmes, de styles, de voix. À la fois novateurs et enrichissants pour le Mali, l’humanité et l’industrie musicale mondiale.

Nos existences individuelles et collectives, notre rapport au monde n’ont de sens qu’à travers la culture. Elle est fondamentale. Même si le département public qui la gère dispose, dans la plupart des pays africains, de moins de 0,5 % du budget national.

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