Macron et l’Afrique : Franck Paris, « l’Africain » du président
Depuis ses bureaux du 2, rue de l’Élysée, il s’efforce de mettre en musique – et en images – la nouvelle politique de la France sur le continent. Vaste programme !
Emmanuel Macron et la Françafrique
Les dirigeants africains le découvrent après beaucoup d’autres : le président français est un grand séducteur. Mais ses gestes hautement symboliques en faveur du continent sont subordonnés à un objectif prioritaire : la lutte contre les vagues migratoires.
Lointain successeur de Jacques Foccart à l’Élysée, Franck Paris est très discret. « C’est un homme de peu de mots, qui prend le temps de la réflexion, commente Rémy Rioux, directeur général de l’AFD. Exigeant et rigoureux, il est fort dans l’exécution, quand la position a été validée au sommet. »
Ancien Premier ministre malien, Moussa Mara le confirme : Paris, qui fut le condisciple d’Emmanuel Macron à l’ENA, est « réservé », il pose « des questions précises sur les dossiers, qu’il maîtrise parfaitement, mais ne donne pas son opinion ».
Le retour de la France en Afrique
Le président a trouvé l’homme idoine pour mettre en scène le retour de la France en Afrique par le biais du soft power évoqué dans son discours de Ouagadougou, en 2017. Macron cible les jeunes ? Paris a 41 ans. Il entend mettre fin au tête-à-tête avec les anciennes colonies ? Son conseiller est aussi un bon connaisseur de l’Afrique australe et des Grands Lacs. La lutte antiterroriste reste une priorité ? Paris a été le conseiller de Jean-Yves Le Drian au ministère de la Défense. Il faut trouver des fonds pour le Sahel auprès de l’Union européenne ? Qu’à cela ne tienne, il a travaillé comme conseiller Afrique à Bruxelles.
Depuis son arrivée au 2, rue de l’Élysée, « Monsieur Afrique » développe méthodiquement les thèmes chers au président, en ne lésinant pas sur les symboles et les images. À Ouagadougou, la jeunesse ; à Saint-Louis du Sénégal, la mémoire ; et bientôt, à Lagos, la culture… Il s’efforce de tenir la ligne de crête entre le passé et le futur, entre les résidus d’une Françafrique toujours dans les têtes – ce qui irrite les Africains autant que le président français – et le soutien aux jeunes entrepreneurs, seuls capables de créer les millions d’emplois dont l’Afrique a le plus urgent besoin.
Deux défis à l’agenda présidentiel
Deux agendas s’imposent à la France, comme Paris l’a expliqué le 9 avril devant le Conseil français des investisseurs en Afrique. L’un est « subi » : c’est la lutte antiterroriste ; l’autre est un défi, car il s’agit de changer l’image de l’Afrique en France, de la sortir du « tout-matières premières », d’associer ses diasporas au partenariat entre la France et leurs pays d’origine en matière d’agriculture, de gestion urbaine, d’éducation, mais aussi de sport, de culture et de numérique.
Avec Marie Audouard, son adjointe (elle aussi passée par l’ENA et le Quai d’Orsay), ils ne sont pas trop de deux pour organiser les déplacements présidentiels, surveiller les dossiers chauds et s’assurer que les promesses de leur patron sont tenues.
Un œil sur le déblocage des visas pour les jeunes diplômés, les scientifiques, les artistes et les entrepreneurs… Un autre sur les ennuis de Veolia au Gabon… Sans omettre de définir une stratégie pour amener la RD Congo ou le Burundi à sortir de leur autisme, de favoriser la mise en place de la force conjointe du G5 Sahel et de baliser le retour d’œuvres d’art africaines en Afrique.
Un service après-vente
Paris éprouve un sentiment d’urgence. Changer les regards des uns et des autres, encourager l’apparition de nouvelles élites, se débarrasser de la charité comme du clientélisme, tisser de nouveaux liens fondés sur l’intérêt mutuel bien compris…
Tout cela prendra du temps, beaucoup plus qu’un ou deux mandats présidentiels. Peut-être parce que la parole du chef de l’État n’est pas toujours entendue (l’octroi d’un milliard d’euros supplémentaire à l’aide au développement à partir de 2019 est, par exemple, passé inaperçu), Franck Paris assure une sorte de service après-vente. En compagnie de Marie Audouard, il a donc, pour la première fois, rencontré une rédaction, celle de Jeune Afrique en l’occurrence, le 15 mai.
Au président l’expression de ses ambitions pour l’Afrique. À son conseiller le soin de s’assurer qu’il a été compris. Chacun son rôle !
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