Maroc : un royaume éclairé
Doté d’une vraie stratégie en matière de renouvelable, l’État a fait de l’entreprise publique Masen son bras armé. Objectif : couvrir plus de la moitié des besoins électriques du pays en 2030.
Énergie verte : quelles stratégies sur le continent ?
Dans ce dossier, Jeune Afrique fait le point sur le développement des énergies vertes en Afrique. Quelles stratégies sont poursuivies par les gouvernements mais également les entreprises pour renforcer ce secteur ?
Rêvons le Maroc en 2030. Les panneaux solaires et les éoliennes se fondent dans le paysage. De Tanger à Boujdour en passant par Guercif, Essaouira et Ouarzazate, les décors autrefois champêtres, voire désertiques, sont tapissés d’installations permettant de produire de l’énergie en exploitant des ressources renouvelables.
L’électricité verte couvre désormais 52 % des besoins du pays, autrefois exclusivement dépendant des hydrocarbures et dont la facture d’importation grevait substantiellement les finances publiques. Si l’objectif de ce mix énergétique est devenu réalisable, c’est grâce à une stratégie menée à bien au long de deux décennies. Flash-back.
Tout commence le 2 novembre 2009. Hillary Clinton, alors secrétaire d’État dans l’administration Obama, est l’invitée de marque d’une cérémonie royale qui se tient dans la petite ville de Ouarzazate, à 250 km de Marrakech, connue pour son soleil, qui a séduit les plus célèbres cinéastes du monde.
La responsable américaine assiste à la présentation, devant Mohammed VI, du plan solaire marocain. Un projet stratosphérique à l’époque, nécessitant des investissements de 9 milliards de dollars (plus de 6 milliards d’euros) et visant la production de 2 000 mégawattheures à l’horizon 2020.
Sept ans plus tard, c’est une autre femme, la ministre française de l’Écologie Ségolène Royal, qui est l’hôte de Mohammed VI pour l’inauguration de la première installation de ce parc solaire intégré. Des miroirs géants incurvés dits « cylindro-voltaïques », alignés à perte de vue dans le désert, constituent une première centrale (sur les quatre prévues) d’une capacité de 160 MW.
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« Mohammed VI a fait des énergies renouvelables l’un des chantiers fondamentaux de son règne, analyse un ancien du département consacré à ce domaine. Et pour le réaliser, il s’est appuyé sur un modèle qui fonctionne : une structure publique dotée de la marge de manœuvre nécessaire pour déployer cette vision stratégique. Plusieurs grands chantiers du royaume ont été menés ainsi : le port de Tanger Med, les plans d’aménagement de la vallée du Bouregreg ou de la lagune de Marchica… »
Mohammed VI prend d’ailleurs soin de présider, une à deux fois par an, des réunions de travail restreintes pour suivre l’avancement de cette feuille de route du secteur de l’énergie.
Masen pour appui
Des réunions où c’est le président de Moroccan Agency For Solar Energy (Masen), le groupe chargé de piloter les énergies renouvelables dans le royaume, qui rend compte devant le souverain, alors que les autres officiels (ministre de tutelle ou directeurs d’office) se contentent de leur rôle de facilitateurs au service de cette vision royale.
Depuis sa création fin 2009, l’entreprise publique a vu ses attributions élargies en 2016 en devenant l’Agence marocaine des énergies renouvelables
Dirigée par Mustapha Bakkoury depuis sa création fin 2009, l’entreprise publique a vu ses attributions élargies en 2016 en devenant l’Agence marocaine des énergies renouvelables, et non plus l’Agence marocaine pour l’énergie solaire seulement. Elle a ainsi récupéré tous les projets d’énergie éolienne ou hydraulique autrefois gérés par l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE).
« Cette refonte du cadre institutionnel du secteur offre des avantages certains : elle favorise les synergies entre les différents acteurs et permet d’optimiser la gestion des projets », assure-t-on chez Masen. L’objectif étant d’ajouter à l’horizon 2020 pas moins de 3 000 MW de capacité grâce aux installations déjà exploitées ou en cours de développement aux quatre coins du royaume.
Prix bas record
« Masen a acquis une expertise transversale. Nous disposons de compétences pluridisciplinaires pour accompagner chaque étape : l’identification et la conception des unités de production d’électricité, la réalisation des infrastructures nécessaires au raccordement des sites, la recherche et développement ainsi que le montage financier… », indique l’agence.
L’expertise de l’agence attire des acteurs de référence lors de chaque appel d’offres tels Engie, Acwa Power et Siemens
Une expertise qui attire des acteurs de référence lors de chaque appel d’offres, du français Engie à l’italien Egie en passant par le saoudien Acwa Power ou l’allemand Siemens.
Le savoir-faire de l’agence marocaine se répercute aussi sur les prix de sortie du kilowattheure (kWh). « Pour Noor Ouarzazate I, c’est Acwa Power qui a mené le consortium, en offrant un prix bas record de 1,62 dirham/kWh. Ce tarif a été ramené à 1,36 dirham/kWh pour Noor Ouarzazate II et à 1,42 dirham/kWh pour Noor Ouarzazate III », explique-t-on, non sans fierté, chez Masen.
En ce milieu d’année d’ailleurs, deux autres centrales Noor démarrent leur activité à Ouarzazate, et la dernière unité de ce parc solaire intégré est attendue pour octobre. Mais les investissements du royaume ne s’arrêtent pas à cette ville. À Laayoune comme à Boujdour, des centrales solaires entrent en exploitation dès ce mois de juin et elles connaîtront une seconde phase.
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Noor (« lumière ») reste également le nom choisi pour un programme d’installations photovoltaïques qui devraient quadriller le royaume. « Plusieurs appels d’offres devraient d’ailleurs être lancés dans les prochains mois », confie une source de Masen.
Don naturel
Si le Maroc s’attelle à transformer ce don naturel qu’est le soleil en force de développement, il n’a pas manqué non plus de mettre à profit le vent qui souffle sur ses 3 500 km de côtes : des parcs éoliens sont disséminés le long du littoral Atlantique et au niveau du détroit de Gibraltar.
Que ce soit via des partenariats public-privé ou au travers d’investissements exclusivement privés, de nombreux parcs brassent déjà du vent. Parmi eux, un projet d’une capacité de 850 MW répartis entre cinq sites pour un investissement global d’environ 12 milliards de dirhams.
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Un projet qui a traversé bien des turbulences, mais que Masen, justement, a su remettre sur les rails. Un projet qui a aussi connu la soumission d’un des prix de sortie les plus bas au monde (0,3 dirham/kWh).
Et enfin un projet dont le chef de file n’est autre qu’une entreprise marocaine, Nareva, une filiale du fonds d’investissement Al Mada (ex-SNI), qui sert de locomotive à la dynamique privée du secteur énergétique. De quoi croire en la réalisation du rêve d’un Maroc vert en 2030.
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