Distribution : les recettes de Decathlon pour s’imposer sur le continent

Le groupe français d’équipements sportifs Decathlon poursuit son expansion sur le marché africain. Si la concurrence ne manque pas, sa stratégie pour la contrer semble rodée.

Le magasin d’Abidjan a été inauguré en décembre 2016, un autre devrait prochainement voir le jour en Côte d’Ivoire © Issam Zejly/Truthbird pour Jeune Afrique

Le magasin d’Abidjan a été inauguré en décembre 2016, un autre devrait prochainement voir le jour en Côte d’Ivoire © Issam Zejly/Truthbird pour Jeune Afrique

NELLY-FUALDES_2024

Publié le 12 juin 2018 Lecture : 5 minutes.

Après un lancement réussi au Maroc en 2009, la chaîne française de grande distribution spécialisée dans les articles de sport et de loisirs Decathlon a repris sa course en avant en Afrique.

Elle s’est ainsi installée à Abidjan en décembre 2016, à Accra en avril 2017, puis à Tunis, avec un premier magasin en novembre 2017 et un deuxième en avril 2018. Et ce n’est pas fini : un magasin est annoncé au Caire pour la fin du ramadan, un autre au Kenya dans le courant du second semestre de 2018.

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D’ici à la fin de l’année, l’enseigne devrait également s’installer à Dakar et ouvrir quatre nouveaux magasins au Maroc, portant à quinze le nombre de ses points de vente dans le royaume. En Afrique du Sud, c’est sous la forme de pop-up stores (magasins éphémères), à Soweto puis à Alberton, et via la vente en ligne que la marque s’implante progressivement.

Seconde main et boutiques de luxe

À Nairobi, Julien Garcier, cofondateur du cabinet de conseil Sagaci Research, salue « l’intuition » de l’entreprise française (11 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2017, dont 69 % hors de France) et son choix de se lancer sur le marché kényan.

« Il y a actuellement une prise de conscience au sein de la classe moyenne de l’intérêt de la pratique sportive, toutes disciplines confondues », souligne-t-il. En outre, estime l’expert, « Decathlon a le champ libre au Kenya, où n’existent que le marché de seconde main et quelques boutiques haut de gamme, à l’image de Nairobi Sports House. »

En Afrique francophone, la situation est tout autre : City Sport, la chaîne du Monégasque d’origine libano-sénégalaise Adnan Houdrouge, s’y est implantée dès le milieu des années 1990.

Decathlon n’est pas encore un raz-de-marée à même d’inquiéter ses concurrents

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Ses autres enseignes – Courir et Go Sport – sont incontournables dans les centres-villes et les malls des principales agglomérations, au Maghreb comme en Afrique de l’Ouest ou en Afrique centrale. Et bien que Decathlon ait mis les bouchées doubles depuis 2016, « ce n’est pas encore un raz-de-marée à même d’inquiéter ses concurrents », estime Julien Garcier.

Le Maroc, un passage obligé

Si le Maroc, premier marché du groupe français sur le continent, est présenté comme un exemple et un passage obligé pour tout cadre de l’entreprise appelé à couvrir de nouveaux marchés, « il n’y a pas une méthodologie unique pour l’ensemble du continent. Nous déclinons notre stratégie de façon à prendre les meilleures décisions possible en fonction des contextes locaux, des pratiques sportives comme du développement urbain et des opportunités immobilières », explique Pape Faye, directeur de l’enseigne pour le Sénégal.

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Dans ce pays, les produits Decathlon ne sont pour l’instant disponibles que dans l’enceinte du centre sportif du Sacré-Cœur, à Dakar, où une petite surface de vente a été aménagée à la fin de 2016.

À Dakar, nous proposons une belle gamme technique, centrée sur le football

« Nous y proposons une belle gamme technique, centrée sur le football. Cette offre est complétée par le site de vente en ligne que nous gérons en propre et à partir duquel nous assurons la livraison dans tout le Sénégal », poursuit Pape Faye, avant de détailler la gamme sélectionnée pour le pays.

Si le football et le basket occupent le haut du tableau, le fitness, le running et la marche sont aussi demandés, alors que le tennis, le golf, l’équitation et la pêche ont une place plus marginale.

« Il faut dire que, contrairement à ce qui se passe ailleurs, la pratique sportive est peu diversifiée dans le cursus scolaire des jeunes sénégalais », ajoute Pape Faye.

« Succès immédiat »

Contrairement au marché français, où il vend ses propres marques mais aussi les produits des géants comme Adidas ou Nike, Decathlon ne propose en Afrique que des griffes maison : B-Twin pour le vélo, Quechua pour l’univers de la randonnée et du camping, Kalenji pour la course à pied…

En ayant la maîtrise de toute la chaîne, nous pouvons proposer nos articles aux meilleurs prix

« C’est en ayant la maîtrise de toute la chaîne que nous pouvons proposer nos articles aux meilleurs prix, même si nous ne pouvons pas toujours rivaliser avec la seconde main », explique Charles Gonthier, directeur administratif et financier de la filiale ivoirienne.

Ce dernier affiche une grande satisfaction quant à la santé de son magasin : « Nous avons fait très peu de communication, mais en jouant sur la qualité et les prix, le bouche-à-oreille fonctionne, et la progression est continue, tant en matière de fréquentation que du point de vue des ventes », assure-t-il, sans toutefois donner de chiffres, à l’instar de ses collègues des autres filiales africaines, la direction du groupe ayant même refusé de répondre à nos questions.

Prix élevés en zone franc

Malgré son enthousiasme, Charles Gonthier concède que les prix pratiqués en Côte d’Ivoire sont plus élevés que ceux des magasins français. « Tous nos produits sont importés, ce qui génère à la fois des coûts de transport et des taxes douanières. Même si nous sacrifions nos marges pour tirer les prix vers le bas, ceux-ci restent parfois importants », reconnaît-il.

C’est le cas des produits volumineux comme les vélos. « Sur le textile, on s’en sort mieux. On a aussi des ballons de foot et des sacs à dos à 3 000 F CFA [4,57 euros], ce qui constitue un très bon prix pour la Côte d’Ivoire », détaille le responsable.

C’est une difficulté récurrente pour tous les acteurs commerciaux de la zone » assure Charles Gonthier

Autre problème dans la zone franc, la disponibilité de la monnaie, qui oblige pour l’instant la chaîne à pratiquer des prix arrondis à 500 ou à 1 000 F CFA. « C’est une difficulté récurrente pour tous les acteurs commerciaux de la zone » assure Charles Gonthier, avant d’évoquer l’ouverture d’un deuxième magasin ivoirien dans un avenir proche.

Certains, à l’image de Prosuma, trouvent des parades à ce problème en créditant des cartes de fidélité. « Nous devons trouver notre propre voie », estime M. Gonthier.

Bas coûts pour le Maroc

Au Maroc, la question des prix élevés ne se pose pas. « Chez nous, 70 % des articles sont au contraire moins chers qu’en Europe, car nos produits, presque tous fabriqués en Asie, sont directement acheminés au port de Tanger », explique Borja Sanchez, le patron pays.

Sans doute l’une des clés de la réussite de l’enseigne dans le pays, où ses magasins ne désemplissent pas. L’installation de Decathlon n’était pourtant pas une évidence depuis le début.

En 1999, nous avons tenté d’ouvrir un magasin d’usine sans que le concept ne prenne vraiment » explique Borja Sanchez

« Nous sommes arrivés en 1994 à Casablanca, dans un simple but de production. En 1999, nous avons tenté d’ouvrir un magasin d’usine, qui a tourné pendant deux ans, sans que le concept ne prenne vraiment. En 2009, en revanche, le marché était prêt. Le succès de notre premier magasin de 1 700 m² a été immédiat, et nous en sommes aujourd’hui à onze établissements », explique le patron, qui emploie 1 000 salariés.

Une plateforme géante à Tanger

Pour faciliter son développement, Decathlon a investi plus de 100 millions de dirhams (9 millions d’euros) dans la construction d’une plateforme logistique de 20 000 m² dans la zone franche de Tanger Med.

Achevée en décembre 2017, elle lui permet de livrer plus efficacement et à moindre coût l’ensemble de ses magasins sur le continent grâce aux plus de 15 000 références conservées en stock.

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