Marché : des déchets verts pour remplacer le charbon

Bien qu’ils soient peu polluants, les biocombustibles produits à partir de végétaux souffrent d’un manque de soutien politique.

Des briquettes de « charbon vert » fabriqué par l’entreprise kényane GreenChar © DR / GreenChar

Des briquettes de « charbon vert » fabriqué par l’entreprise kényane GreenChar © DR / GreenChar

Publié le 13 juin 2018 Lecture : 3 minutes.

Miroirs solaires de la centrale Noor, à Ouarzazate (Maroc) © Benoit Doppagne/BELGA/AFP
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Énergie verte : quelles stratégies sur le continent ?

Dans ce dossier, Jeune Afrique fait le point sur le développement des énergies vertes en Afrique. Quelles stratégies sont poursuivies par les gouvernements mais également les entreprises pour renforcer ce secteur ?

Sommaire

Nebeday et Yakaar au Sénégal, Green Bio Energy en Ouganda, Eco-Charcoal et Greenchar au Kenya, Habona au Rwanda… De plus en plus d’entreprises et d’associations se lancent dans la fabrication de « charbon vert ».

Ce biocombustible produit à base de déchets végétaux dégage peu de fumées et constitue une alternative au charbon de bois et au bois de chauffe, qui rejettent des gaz à effet de serre et nuisent à la santé des utilisateurs tout en contribuant à la déforestation.

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>>> À LIRE – Électricité : le dilemme charbon/énergies renouvelables en Afrique

Malgré ces avantages, ce produit, qui pourrait aussi être utilisé comme complément aux fertilisants (ou biochar), est encore loin de remplacer le charbon de bois, alors que son prix est généralement inférieur.

Nous sommes constamment sollicités et n’arrivons pas à satisfaire la demande » constate Roméo Enoc Azonhoumon

« Le marché existe, si l’on en juge par l’énorme consommation de bois de chauffe et de charbon de bois en Afrique, constate Roméo Enoc Azonhoumon, patron d’Almighty Services Plus, à Abomey-Calavi, au Bénin. Nous sommes constamment sollicités et n’arrivons pas à satisfaire la demande. Si nous le pouvions, nous investirions en priorité dans l’amélioration de l’appareil de production et le recrutement de compétences, afin de produire plus et mieux. »

Selon la méthode utilisée pour les fabriquer, les bûchettes peuvent être difficiles à allumer ou friables. « Ensuite, poursuit Azonhoumon, nous sécuriserions l’accès à nos matières premières » – des coquilles de noix de coco, d’arachide, des graines de coton ou de la sciure de bois qu’Almighty lie dans son unité artisanale avec de la lignine.

Il faut environ 400 000 euros pour créer une usine de charbon vert et 2 millions de F CFA pour une unité de production en cogénération avec du biochar et de l’électricité

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Selon Guy Reinaud, président de l’association Pro-Natura, il faut environ 400 000 euros pour créer une usine de charbon vert comme celle qu’a ouverte Faam au Tchad en 2014 – 60 tonnes par jour – avec 300 millions de F CFA (environ 450 000 euros) et 2 millions de F CFA pour une unité de production en cogénération avec du biochar et de l’électricité.

Son association a mené un projet pilote au Sénégal au début des années 2010, qui a prouvé la rentabilité du charbon vert, mais le secteur souffre selon lui d’un manque de volonté politique. Un patron souligne de son côté les intérêts en jeu dans les marchés du charbon de bois en Afrique.

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Nouveau et innovant

Loin de ces 400 000 euros, à Douala, Muller Tenkeu Nandou a reçu une subvention de 41 millions de F CFA du ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation dans le cadre du contrat franco-camerounais de désendettement et de développement. Elle lui a permis de monter une unité semi-industrielle de transformation des ordures ménagères en charbon écologique.

Avec des machines (carbonisateur, broyeur, compacteurs…) 100 % camerounaises, Kemit Ecology génère chaque mois, à partir de 170 tonnes de déchets végétaux, une trentaine de tonnes de charbon vert, vendues à plus de 400 clients.

Ce n’est pas assez pour que le gouvernement interdise le charbon de bois. Mais c’est un grand résultat pour un produit nouveau et innovant » commente Muller Tenkeu Nandou

« Ce n’est pas assez pour que le gouvernement interdise le charbon de bois, dont la demande annuelle se situe autour de 600 000 t [ou de moins de 400 000 t, selon d’autres sources]. Mais c’est un grand résultat pour un produit nouveau et innovant », commente Muller Tenkeu Nandou, qui a recruté quinze personnes et formé des centaines de Camerounais et d’étrangers.

Un rapport qualité-prix favorable

Almighty Services Plus, au Bénin, vend un sac de 25 kg de charbon vert 4 000 F CFA (6 euros), contre 6 500 F CFA (10 euros) pour 50 kg de charbon de bois, sachant que la combustion du premier est plus longue.

Il faut 250 F CFA de notre charbon vert pour réaliser la même cuisson qu’avec 400 F CFA de charbon de bois » précise Muller Tenkeu Nandou

« Il faut 250 F CFA de notre charbon vert pour réaliser la même cuisson qu’avec 400 F CFA de charbon de bois », précise Muller Tenkeu Nandou, patron de Kemit Ecology, au Cameroun.

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