Tchad : jeux de hasard, paris sportifs… Ces nouveaux pourvoyeurs d’emplois

Avec la crise, jeux de hasard et paris en tous genres rencontrent un vif succès. Pourvoyeurs d’emplois, ils sont aussi une manne financière pour l’État.

Un joueur de Loto à N’Djaména, au Tchad. © ABDOULAYE BARRY pour JA

Un joueur de Loto à N’Djaména, au Tchad. © ABDOULAYE BARRY pour JA

Madjiasra Nako

Publié le 20 juin 2018 Lecture : 3 minutes.

Le président tchadien, Idriss Déby Itno, lors d’une visite en Allemagne en octobre 2016. © Markus Schreiber/AP/SIPA
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Dans une salle climatisée noire de monde, les yeux rivés sur les écrans fixés aux murs, les parieurs attendent avec impatience l’affichage des résultats de la course de chevaux qui vient de se terminer, et, surtout, des gains qui en découlent. « Je m’en sors avec une combinaison dans le désordre, et le monsieur, là-bas, a eu droit à un bonus. Ce n’est pas grand-chose, mais je dis merci à Dieu », s’enthousiasme un vainqueur.

Il y a des jours où on peut rentrer avec l’équivalent d’un salaire

Il se dirige vers la caisse, empoche ses gains et rejoint un groupe de copains qui, eux, parient sur des matchs de foot. « Il arrive qu’on passe la journée ici. Il y a des jours où on peut rentrer avec l’équivalent d’un salaire et des jours où on ne gagne rien du tout », explique Abdel, habitué des lieux.

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Depuis trois ans, les salles de jeux se sont multipliées dans la capitale tchadienne pour remplacer, petit à petit, les kiosques, disparus au lendemain de l’arrêt des activités du Pari mutuel urbain tchadien (Pmut), il y a une dizaine d’années. « Les parieurs se sont d’abord rabattus sur le Cameroun en allant jouer dans la ville de Kousserie, située en face de la capitale », explique une opératrice devant son étal à l’enseigne d’Afrijeux, la société qui s’occupe dorénavant des jeux de hasard au Tchad.

Munis de petites machines servant à valider les combinaisons, les opérateurs, le plus souvent des jeunes femmes, sont aujourd’hui visibles dans presque toutes les rues de N’Djamena. Dans la foulée d’Afrijeux, d’autres sociétés ont fait leur apparition, comme PMU Bet ou, plus récemment, Loto Plus.

Joueurs de loto dans les rues de N’Djamena et boutique d’Afrijeux.Ci-dessous	: course hippique à Massaguet. © DR

Joueurs de loto dans les rues de N’Djamena et boutique d’Afrijeux.Ci-dessous : course hippique à Massaguet. © DR

« Cercle vicieux »

Une multiplication d’offres qui traduit un intérêt économique certain, même si ces entreprises communiquent très peu sur leurs chiffres d’affaires, lesquels, selon le cadre d’une société de jeux qui préfère rester anonyme, « se comptent en milliards de francs par mois ». La principale raison de l’explosion de ce marché reste la forte paupérisation des populations. « Comme souvent, ce sont les plus pauvres qui s’adonnent le plus aux jeux de hasard. Les gens espèrent ainsi sortir de l’indigence. Le moindre gain fait oublier toutes les pertes, et on tombe ainsi dans un cercle vicieux », analyse l’économiste Doudjidingao Antoine.

Les spectateurs assistent à la première course. à Massaguet, Tchad, novembre 2015. © Sylvain Cherkaoui pour JA

Les spectateurs assistent à la première course. à Massaguet, Tchad, novembre 2015. © Sylvain Cherkaoui pour JA

Face à une crise sociale, avec des grèves à répétition qui ont paralysé le pays pendant plusieurs semaines et mis au chômage forcé de nombreux élèves et travailleurs, beaucoup ont trouvé dans les salles de jeux un lieu de distraction et un espoir de gagner gros si jamais la chance leur souriait.

Même si ces emplois restent en général sous-payés et sans garanties, ils constituent une véritable opportunité de réinsertion

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Mais les jeux de hasard ont aussi un côté vertueux : pourvoyeurs d’emplois, ils permettent aussi à l’État d’engranger d’importantes ressources fiscales. Au début d’avril, au lancement de ses activités, Loto Plus, la dernière des entreprises de jeux de hasard à avoir fait son apparition au Tchad, a annoncé l’embauche d’un millier de jeunes d’ici à la fin de cette année.

Même si ces emplois restent en général sous-payés et sans garanties, ils constituent une véritable opportunité de réinsertion dans le monde du travail pour de nombreux Tchadiens. Sans rien devoir au hasard ni à la chance.

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Yip Yip, hourra !

Un écran incrusté sur une boîte hermétique, une simple pression du doigt sur un bouton, une mise de 100 F CFA (15 centimes d’euro)… Voilà de quoi, avec de la chance, en gagner peut-être 1 000, 2 000, voir plus.

Introduites par un prestataire chinois, ces machines à sous sont très populaires auprès des jeunes. © Abdoulaye Barry pour Jeune Afrique

Introduites par un prestataire chinois, ces machines à sous sont très populaires auprès des jeunes. © Abdoulaye Barry pour Jeune Afrique

À N’Djamena, ces machines à sous ont été baptisées « Yip Yip » en référence aux lumières qui clignotent sur les écrans. Introduites par un prestataire chinois, ces boîtes à jeux sont présentes à tous les coins de rue de la capitale tchadienne. Ils attirent souvent les très jeunes. À première vue, on peut d’ailleurs penser qu’il s’agit d’un jeu vidéo, avant de constater qu’il faut introduire des pièces de monnaie pour commencer la partie.

La nouvelle drogue des enfants et des adolescents

« C’est la nouvelle drogue des enfants et des adolescents. À la suite des grèves qui ont provoqué la fermeture des établissements scolaires, certains y passent toutes leurs journées. C’est dangereux pour leur évolution, mais très peu de parents sont conscients de ce phénomène, qui ne semble pas non plus préoccuper les autorités », déplore un enseignant. Et le petit écriteau « interdit aux moins de 18 ans » ne suffit pas à dissuader les jeunes parieurs.

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