Tchad : Idriss Déby Itno, l’hyperprésident

Désormais seul aux commandes, le président Idriss Déby Itno est confronté à un double défi : apaiser le front social et la grogne des fonctionnaires, tout en poursuivant une politique d’austérité budgétaire.

Le chef de l’État tchadien au palais présidentiel, en 2017. © Vincent Fournier/JA

Le chef de l’État tchadien au palais présidentiel, en 2017. © Vincent Fournier/JA

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Publié le 20 juin 2018 Lecture : 5 minutes.

Le président tchadien, Idriss Déby Itno, lors d’une visite en Allemagne en octobre 2016. © Markus Schreiber/AP/SIPA
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Tchad : nouvelle République

la Constitution promulguée le 4 mai a considérablement renforcé les pouvoirs du chef de l’État, plus que jamais présent sur tous les fronts pour convaincre et sortir le pays de la crise financière.

Sommaire

Bawoyeu, Yodoyman, Moungar, Coumakoye, Djimasta, Ouaido, Yamassoum, Kabadi, Faki, Yoadimnadji, Coumakoye (une seconde fois), Abbas, Nadingar, Dadnadji, Deubet, Pahimi Padacké. La liste est longue comme le Chari : en vingt-sept années de pouvoir, Idriss Déby Itno (IDI) a usé seize Premiers ministres. Soit seize fois plus que son prédécesseur, Hissène Habré, qui s’était contenté du seul Djindingar Done Ngardoum, de mai à juin 1982, et avait ensuite choisi de se passer de chef de gouvernement jusqu’à sa chute, en 1990.

Son tombeur, lui, n’a en revanche jamais hésité à utiliser la primature comme un fusible. Pourtant, cette époque semble aujourd’hui révolue, au moins provisoirement : le 11 avril, le Conseil des ministres a validé le projet de Constitution de la IVe République, laquelle a été adoptée le 30 avril par l’Assemblée nationale (avec 132 voix pour sur 170 élus), lors d’un scrutin boycotté par les députés de l’opposition, et promulguée dès le 4 mai.

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Seul face aux défis socio-économiques

Accusé de volonté dynastique, Idriss Déby Itno, 65 ans, a renoncé, pour le moment, à mettre en place un poste de vice-président. Il est donc désormais bien seul, au palais rose, pour faire face aux défis qui l’attendent en 2018.

Le premier d’entre eux est social et budgétaire. À la mi-février, le chef de l’État a obtenu de haute lutte un accord avec son créancier suisse Glencore pour un étalement du remboursement de la dette de l’État sur deux ans.

Dans la foulée, le FMI lui a accordé son appui, desserrant un peu plus l’étau sur les finances publiques. « C’est le résultat de deux années de travail, de rigueur budgétaire et de réduction du train de vie de l’État », se félicite un conseiller de la présidence.

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En mars, les arriérés de salaires ont été versés aux enseignants et au personnel médical, qui ont, dans la foulée, mis un terme aux grèves, démarrées en janvier. Une victoire pour le président, qui s’était lui-même porté en première ligne, désavouant au passage une partie de son gouvernement, notamment le ministre des Finances, Abdoulaye Sabre Fadoul.

Une paix sociale difficile à tenir

Cependant, les syndicats n’ont baissé les armes que provisoirement. S’ils ont accepté quelques coupes dans les salaires, justifiées aux yeux du gouvernement par la baisse des revenus pétroliers, ils n’en maintiennent pas moins plusieurs exigences : chasse aux fonctionnaires fictifs, assainissement des finances publiques, lutte contre la corruption et les détournements…

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Surtout, ils refusent d’accorder un nouveau délai au gouvernement et lui réclament le paiement, à partir de la fin de mai, de leur « salaire intégral », diminué depuis janvier des primes et indemnités, lesquelles sont déjà réduites de moitié depuis 2016.

Or, pour des raisons d’austérité budgétaire, le chef de l’État leur demande d’attendre jusqu’à la fin de l’année la régularisation de leur salaire. IDI, qui a pris en main les nouvelles discussions, fait donc à nouveau face aux menaces de grève. Une première journée de cessation de travail a eu lieu le 28 mai, et le gouvernement a du pain sur la planche s’il veut conserver la paix sociale avec les principales organisations syndicales.

« Des efforts ont été faits dans la lutte contre la fraude au sein des douanes, et nous travaillons à assainir les régies financières », explique-t-on au palais présidentiel. Mais le chemin est encore long vers la bonne gouvernance, en particulier dans le secteur pétrolier, où les initiatives de transparence sont encore bien souvent à un vœu pieux. Le répit social pourrait donc n’avoir duré que quelques mois.

IVe République, acte II

Pour Idriss Déby Itno, le calme est pourtant essentiel. Le chef de l’État a en effet confirmé que les élections législatives se tiendraient en novembre. Si la victoire du Mouvement patriotique du salut (MPS) ne fait aucun doute, le parti au pouvoir va affronter une opposition officiellement décidée à jouer la carte du rassemblement derrière Saleh Kebzabo, son chef de file.

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Le leader de l’Union nationale pour la démocratie et le renouveau (UNDR), deuxième parti représenté à l’Assemblée, tentera de conserver son statut de chef de file de l’opposition, qui lui est contesté par une partie des opposants depuis sa rencontre avec le chef de l’État, à la mi-mai, au palais présidentiel.

IDI peut compter sur son dernier Premier ministre, Albert Pahimi Padacké (lire p. 82), pour essayer de barrer la route du leader de l’UNDR sur leurs terres d’origine du Mayo-Kebbi Ouest. Le chef de l’État aura également à cœur de raffermir sa position et celle des candidats de la majorité dans son fief du Nord-Est, où, depuis avril, la grogne s’est exprimée sur les réseaux sociaux au sein des communautés de Fada.

Reportées depuis 2015, les législatives de cette fin d’année sont censées réanimer une vie politique étouffée par les enjeux sécuritaires en Libye, au Nigeria ou au Mali, et par la crise financière sans précédent que vient de traverser le pays. Elles constituent l’acte II, voulu par Idriss Déby Itno, après le coup de théâtre du lancement de la IVe République. Au metteur en scène de ne pas perdre le contrôle du scénario.

Sécurité à tout prix ?

« À la mi-2017, les montants budgétaires investis dans les forces de défense et de sécurité nous avaient déjà coûté plus de 250 milliards de F CFA [381 millions euros]. C’est loin d’être négligeable. » Si l’exécutif continue de pointer du doigt les difficultés financières liées à la chute des cours du pétrole, il n’oublie pas l’impact énorme des dépenses militaires sur les comptes publics tchadiens.

À l’Ouest, la situation semble s’être plus ou moins stabilisée face à Boko Haram. Mais les opérations menées au sein de la Force multinationale mixte avec le Mali, le Niger, le Nigeria et le Cameroun se poursuivent autour du lac Tchad. Quant à la frontière libyenne, elle reste un sujet de préoccupation majeure, tout comme celle qui sépare le Tchad de son voisin soudanais. Autant de postes de dépenses lourdes à supporter pour N’Djamena, qui ne serait pas contre une réduction de son implication financière dans le G5 Sahel, engagé au Mali et dans lequel le Tchad joue un rôle prépondérant.

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