Mondial 2018 – Sénégal : Aliou Cissé, l’empreinte du Lion
Il était le capitaine de l’équipe nationale lors de la glorieuse épopée du Mondial 2002. Aujourd’hui, il en est le sélectionneur et espère la faire briller autant en Russie.
Quand l’hymne national sénégalais résonnera à Moscou, le 19 juin, avant le match contre la Pologne, nul doute qu’il provoquera un tourbillon d’émotions chez Aliou Cissé. Il y a seize ans, c’est lui qui, brassard de capitaine au bras, avait guidé les Lions de la Teranga lors de leur première Coupe du monde. Après une longue traversée du désert, voici aujourd’hui le Sénégal de retour au sein de l’élite du football mondial. Avec à sa tête l’inévitable Cissé, qui, à 42 ans, revêt désormais le survêtement de sélectionneur national.
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J’essaie de transmettre à mon groupe l’état d’esprit collectif et cette culture du résultat qui nous animaient à l’époque
Avant de s’envoler pour la Russie, c’est à Vittel, petite station thermale de l’est de la France, que les Sénégalais ont révisé leurs gammes. En 2002, la plupart n’étaient que des gamins, mais aucun n’a oublié le parcours du natif de Ziguinchor et de ses ex-coéquipiers en Corée du Sud et au Japon – à l’époque, ils étaient parvenus à se hisser en quart de finale du Mondial, égalant la performance réalisée par le Cameroun en 1990.
« J’essaie de transmettre à mon groupe l’état d’esprit collectif et cette culture du résultat qui nous animaient à l’époque », explique Cissé, en lisière du parc de l’hôtel où sa délégation a pris ses quartiers.
Il faut dire que les Lions reviennent de loin. En 2015, après avoir regardé le Mondial 2014 à la télévision, ils sont éliminés de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) dès le premier tour. Alain Giresse, leur sélectionneur français, est remercié. À Dakar, les dirigeants de la Fédération sénégalaise de football (FSF) réfléchissent à un successeur. Ils sont convaincus qu’il faut en finir avec le mythe du « sorcier blanc » et privilégier un Sénégalais…
Parmi les quelques noms retenus, un se dégage : celui d’Aliou Cissé. Son travail en tant qu’entraîneur adjoint de l’équipe sénégalaise aux J.O. de Londres, en 2012, a été apprécié.
« Il avait prouvé sa compétence et nous a présenté un bon projet, dans lequel on le sentait pleinement investi, raconte Saer Seck, le vice-président de la FSF. Et nous connaissions ses qualités de meneur d’hommes, qu’il avait montrées en tant que capitaine des Lions dans les années 2000. » En mars 2015, Cissé est nommé à la tête de la sélection nationale avec un objectif : refaire du Sénégal une nation majeure du football africain.
Souci du détail
Le Sénégal, comme beaucoup d’autres équipes africaines, manquait de rigueur. Aliou Cissé a comblé ce manque
Ses débuts sont compliqués. Les commentateurs jugent son style de jeu pas assez flamboyant, voire ennuyeux. Certains de ses ex-coéquipiers de 2002, tel l’ancien attaquant vedette El-Hadji Diouf, ne l’épargnent pas non plus. L’intéressé encaisse, mais ne répond pas. Sur le terrain, son équipe progresse petit à petit. Après un quart de finale à la CAN 2017, les Lions décrochent leur ticket pour le Mondial 2018 en Russie.
« Le Sénégal, comme beaucoup d’autres équipes africaines, manquait de rigueur. Aliou Cissé a comblé ce manque, en inculquant cette exigence du haut niveau et le souci du détail », analyse Jimmy Adjovi-Boco, ex-international béninois et cofondateur de l’institut Diambars, au Sénégal.
Affable et souriant en privé, le « coach » est capable de se montrer très dur dans les vestiaires ou sur la pelouse. Il s’appuie aujourd’hui sur une génération prometteuse, qu’il a façonnée depuis Londres et à laquelle il répète les mêmes mots d’ordre : travail, discipline, solidarité, plaisir. Il dispose notamment d’un sérieux potentiel offensif, avec des attaquants talentueux tels que Sadio Mané, la star de l’équipe, qui sort d’une saison très réussie avec Liverpool.
Avant de passer ses diplômes d’entraîneur en 2010, à Clairefontaine, au centre national du football français, Aliou Cissé a longtemps chaussé les crampons. À 10 ans, il quitte sa Casamance natale pour la région parisienne, où son père souhaite développer sa société de cosmétiques. Le petit Aliou, qui tapait le ballon dans les rues de Ziguinchor, évolue dans des clubs amateurs du Val-de-Marne.
Il signe ensuite son premier contrat professionnel au Losc. Après trois saisons à Lille et un passage par Sedan, le voici qui débarque au PSG. Il y est pouponné par le gardien de but français Bernard Lama. « Un homme exceptionnel, qui m’a beaucoup appris et m’a aidé à m’intégrer dans ce grand club », se rappelle Cissé. Il poursuivra sa carrière dans la réputée Premier League anglaise, où il jouera pour Birmimgham puis pour Portsmouth.
L’inoubliable Mondial 2002
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Mais ses plus beaux souvenirs, il les écrira en jouant pour le Sénégal. Il y a bien sûr l’aventure du Mondial 2002 et la victoire en match d’ouverture contre la France, championne du monde en titre.
« C’est un jour inoubliable. La France était largement favorite et constituait un adversaire particulier en raison de l’histoire qui lie nos deux pays. Ce jour-là, nous avons rendu fier tout le peuple sénégalais ! »
Il y a des regrets aussi, liés aux CAN 2002 et 2004. « Nous aurions pu gagner, mais nous sommes passés à côté ». Et d’ajouter, visage fermé, que son penalty raté en finale de l’édition 2002 est le « pire souvenir » de sa carrière.
Je souhaite que nous allions le plus loin possible et qu’à la fin nous soyons satisfaits de ce que nous avons accompli
Aujourd’hui, le sélectionneur l’affirme : lui et ses joueurs ne se rendent pas en Russie pour faire de la figuration. « Nous avons connu des hauts et des bas, mais nous sommes en train d’arriver à maturité », ajoute-t-il.
Tous ambitionnent de faire aussi bien, voire mieux, qu’en 2002. Le pari s’annonce d’autant plus difficile que le Sénégal a hérité d’un des groupes les plus homogènes de la phase de poule, avec la Pologne, le Japon et la Colombie. L’optimiste Cissé refuse pourtant d’envisager la défaite et assure que son équipe jouera chaque match comme une finale : « Je souhaite que nous allions le plus loin possible et qu’à la fin nous soyons satisfaits de ce que nous avons accompli. »
Pour lui comme pour les dirigeants de la FSF, cette Coupe du monde doit aussi servir d’étape dans la perspective de la CAN 2019 au Cameroun – le pays qui les avait éliminés en 2017. Les Lions tenteront d’y décrocher le premier trophée de leur histoire. Aliou Cissé tentera, lui, de marquer encore un peu plus de son empreinte l’histoire du football sénégalais. Et après ? « Un entraîneur est toujours jugé sur ses résultats, répond Saer Seck. Pour l’instant, nous sommes très satisfaits de son travail, et il n’y a pas de raison que ça s’arrête ! »
La Casamance, berceau des champions
Aliou Cissé le dit lui-même : la Casamance est sa « base arrière ». Il se rend aussi souvent que possible dans ses maisons de Ziguinchor, où il est né, et de Cap Skirring. Petit garçon dans les années 1980, il a été confronté au conflit casamançais et n’a pas oublié les rafales de mitraillette qui résonnaient près de chez lui aux premières heures de la rébellion. « Nous vivions dans un climat de peur et de rumeurs permanentes. Cela laisse des traces », raconte-t-il.
Une fois sa mission à la tête de la sélection sénégalaise terminée, il n’exclut pas de s’investir dans le club emblématique de sa ville natale – et de toute la région : le Casa Sports. Plus qu’une équipe de football, une institution.
« J’ai des ambitions pour ce club. J’aimerais en faire un grand d’Afrique, comme le TP Mazembe. La ferveur populaire est déjà là, il n’y a plus qu’à le faire grandir. » La Casamance s’est révélée être l’une des régions les plus prolifiques en joueurs de talent : après Jules Bocandé, ex-gloire des années 1980, et Aliou Cissé, elle peut se targuer d’avoir vu naître Sadio Mané, originaire de Bambali, un village du département de Sédhiou.
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