Mode : à Dakar, l’Agence Top Model forme les mannequins de demain
À la tête de sa propre agence, l’ancien modèle As Moussa Samb dispense une formation en mannequinat. Un métier qui, malgré de fragiles débouchés, continue de séduire.
C’est dans la salle polyvalente du centre socioculturel de Derklé que l’Agence Top Model (ATM) a pris ses quartiers. Fondée en 2012 par As Moussa Samb, ancien mannequin de 30 ans, elle dispense une formation de deux ans à de jeunes gens résolus à arpenter les podiums.
Ce mardi, à 17 heures, trois jeunes femmes sont présentes pour le cours sur les rudiments du défilé. En guise de catwalk, un tapis rouge en forme de T. As Moussa Samb vérifie qu’il est bien arrimé au sol, puis se tourne vers un lecteur CD. Les trois élèves sont minces et élancées.
L’une d’elles, en legging noir, arbore un tee-shirt à l’effigie de la chanteuse Rihanna. Une autre, au style sophistiqué, réajuste son pantalon en toile colorée et son top à volants avant de se lancer dans une séance de maquillage. Aucune ne sourit.
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Un jeune homme arrive. Veste treillis, pantalon de coton noir, casquette vissée sur la tête et Air Jordan aux pieds. Suit bientôt un cortège d’apprentis mannequins gonflés à bloc. À 17 h 30, la plupart des jeunes femmes troquent leurs sandales plates ou leurs ballerines pour des escarpins aux talons vertigineux. Douze à quinze centimètres, voire plus. Les garçons ôtent leur casquette.
Passion
Chez les filles, les corps sont maigres, minces, sculptés ou laissent apparaître de gracieuses rondeurs. Chez les garçons, la musculature fait toute la différence. Dans la salle, où une vingtaine d’élèves sont agglutinés, la parité est respectée.
Ma structure, encore fragile, ne me permet pas d’engranger des bénéfices. Disons que je fais cela par passion
« À l’époque où je défilais, les garçons n’étaient pas aussi nombreux à vouloir devenir mannequins », souligne As Moussa Samb. Formé par l’Agence Casting Dakar, ce dernier a commencé sa carrière à l’âge de 22 ans avant d’y mettre un frein en 2013.
Aujourd’hui, il continue de participer à des campagnes publicitaires, défile encore de temps à autre, mais, surtout, s’affiche sur le petit écran. Outre un rôle dans la série C’est la vie, il incarne le personnage principal de 13e Métier, autre série diffusée sur Sen TV. C’est principalement grâce à ces activités qu’il gagne sa vie.
« Ma structure, encore fragile, ne me permet pas d’engranger des bénéfices. Disons que je fais cela par passion. » Une passion qu’il transmet à des élèves prêts à débourser 15 000 F CFA (23 euros environ) pour l’inscription, puis une mensualité de 10 000 F CFA. L’élève signe un contrat de deux ans après avoir été, au préalable, sélectionné pour rejoindre la promotion.
Les tailles de 1,70 m et 1,80 m au minimum sont respectivement requises pour les filles et les garçons. « Seule la première année est payante, précise Samb. Les élèves sont suivis même après l’obtention de leur diplôme. L’agence joue un rôle de manager dès qu’ils deviennent professionnels. »
Rigueur et fermeté
S’il travaille seul, As Moussa Samb n’hésite pas à faire appel à des intervenants, comme d’anciens élèves de l’agence, pour certains cours ou pour l’organisation d’événements. En 2018, l’ATM compte 27 élèves inscrits. Dans la salle de cours de Derklé, face à ses jeunes pousses, Samb n’est pas là pour rigoler. Il fait preuve d’une rigueur à faire frémir : armé d’un bâton en fer, il lance des directives d’une voix ferme tout en réglant la musique, un mélange de house et d’électro qui marque le signal du début du cours.
Tour à tour, les élèves s’élancent sur le tapis rouge. As Moussa Samb veille au grain et n’hésite pas à réprimander quiconque se montrerait trop dissipé. La démarche chaloupée des filles impressionne. L’assurance des garçons aussi. Krypsia est une Gabonaise de 21 ans arrivée à Dakar pour mener des études en génie civil. Avec son 1,73 m et ses 42 kg, son harmonieux déhanché, ses poses classieuses et sa tenue ultra-sexy, elle en impose.
« C’est ma grande sœur qui a découvert cette agence, raconte-t-elle. Je me suis inscrite pour ma mère, qui rêve de me voir devenir mannequin. » Est-ce son rêve également ? Elle hésite avant de répondre par l’affirmative. « Ça m’a toujours plu, et je pense que mes mensurations me le permettent. Je suis à Dakar pour mes études, mais tout cela m’amuse. »
Professionnalisme
Krypsia est bien la seule à ne pas clamer haut et fort que devenir mannequin est le rêve de sa vie. Katie, une Sénégalaise de 22 ans, est catégorique : mannequin sinon rien. À 25 ans, Pape Ndongo, Sénégalais, va obtenir son diplôme cette année. « Je veux devenir mannequin international », dit-il sans ambages. Un objectif trop difficile à atteindre depuis le Sénégal ? « Je pense que dans les années à venir le métier de mannequin va encore évoluer et qu’il y aura de nouvelles possibilités », répond celui qui est aujourd’hui serveur dans un resto des Almadies.
Tous les élèves affirment avoir entendu parler de l’ATM grâce à une connaissance qui leur aurait vanté le professionnalisme et le sérieux de l’agence. En assistant au cours, qui ne prend fin qu’entre 19 h 30 et 20 heures, on doit admettre que l’agence mérite la réputation qu’on lui prête. Les élèves sont guidés, formés, corrigés avec une rigueur à toute épreuve. Mais tous ne reçoivent pas leur diplôme à l’occasion du grand défilé annuel de l’agence, La nuit des as, qui se déroule chaque année au Grand Théâtre national. Cette année, il devrait avoir lieu en septembre.
« À l’issue de la formation, il faut maîtriser la démarche, l’expression corporelle et celle du visage, les poses et les pivots au cours des défilés. » Le budget annuel de l’agence s’élève à 7 millions de F CFA environ. À l’entrée de la salle polyvalente du centre de Derklé, les curieux s’amassent, et les demandes d’informations fusent à la fin du cours. As Moussa Samb reste dans son rôle : « Il ne s’agit pas de laisser s’inscrire n’importe qui. L’objectif de mon agence est de former des mannequins dont le professionnalisme ne sera pas contesté. »
Et après ?
Parmi les mannequins professionnels actuellement managés par l’agence ATM, on compte Mamadou Diop, Pape Cissé, Alioune Top, Seynabou Amar et Sarah Sow. Mais si ces derniers ont parfois l’occasion de défiler dans la sous-région, le travail se fait rare au Sénégal. Abdou Sané, 27 ans, diplômé de l’agence en 2016, affirme ne pas pouvoir vivre du mannequinat.
« La plupart des grands défilés organisés ici ont disparu », commente As Moussa Samb en citant le Simod, Sira Vision, les Oscars de la mode africaine, le Satis’Fashion Day, le défilé de mode Boundou, créé par Khadija Sy, ou La nuit du boubou, de la styliste Thianè Diagne. « Sans compter que les mannequins se font de plus en plus nombreux, amateurs comme professionnels. Et puis tous les jours naît une nouvelle agence. »
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