Congo-Brazzaville : le pari minier de Sapro
Le groupe de Paul Obambi se lance dans l’exploitation d’un gisement de fer. Un virage stratégique, à l’heure où croît la pression des états sur le négoce des produits pétroliers.
L’activité minière est enfin une réalité pour le conglomérat Sapro, fondé par le tycoon brazzavillois Paul Obambi, présent dans le négoce de produits pétroliers, les transports, le BTP, l’immobilier et la communication. Le 25 mai, le premier chargement de 800 tonnes de fer de sa mine de Mayoko est parvenu à Pointe-Noire, accueilli par le patron du groupe et trois ministres du gouvernement congolais.
Racheté en septembre 2016 au sud-africain Exxaro, qui n’avait pas pu résoudre la délicate équation logistique du projet, le gisement de fer de Mayoko est situé à 300 km au nord-est de la ville portuaire. Contrairement à son prédécesseur, Sapro a pu nouer un accord d’utilisation avec le chemin de fer Congo-Océan, dont la branche nord, jadis gérée par la Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog, Gabon), passe à proximité.
Avec notre expertise dans le négoce de carburant, nous avons développé une capacité à évoluer sur des marchés très fluctuants, fait valoir le PDG
« Nous financerons au fil de l’eau les travaux de réhabilitation, ce qui représente plusieurs dizaines de millions d’euros versés chaque année à Congo-Océan. L’axe ferroviaire continuera à être emprunté par des trains de passagers et de fret en plus de nos convois minéraliers », explique Paul Obambi. Le patron compte, grâce à ce renforcement des infrastructures, transporter une production de 5 millions de tonnes d’ici à la fin de l’année, et de 10 millions de tonnes en 2019.
Un contrat de vente du fer avec Glencore
L’intérêt de Paul Obambi pour les mines n’est pas nouveau. Avant Mayoko, il avait acquis en 2015 dans la même région le gisement de fer de Ngoubou-Ngoubou Tsinguidi, à ce jour encore inexploité. « Avec notre expertise dans le négoce de carburant, nous avons développé une capacité à évoluer sur des marchés très fluctuants. Et nous avons l’habitude de travailler avec des traders du monde entier, et des montages financiers difficiles », fait valoir le PDG, qui pilote toutes ses activités depuis Brazzaville, sans bureau de trading en propre à Genève ou à Londres, contrairement à son compatriote Lucien Ebata et sa compagnie Orion Oil.
Paul Obambi, également président de la chambre de commerce de Brazzaville depuis 1997, confirme qu’il va négocier un contrat de vente de son fer de Mayoko avec le géant suisse Glencore, très actif au Congo. « Avec l’excellente teneur en fer de notre minerai, nous pouvons le vendre autour de 70 dollars [près de 60 euros] la tonne, ce qui nous ferait 700 millions de dollars de revenus en 2019 sur cette activité », espère Obambi, qui se réjouit de la remontée des cours entamée depuis 2016.
Son incursion dans le secteur minier s’explique aussi par la réduction de ses marges de manœuvre dans son secteur de prédilection, la vente de produits pétroliers raffinés, où il indique avoir réalisé plus de 300 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2017. « Nous vendons actuellement du carburant au Congo, mais aussi en RD Congo et, plus occasionnellement, dans d’autres pays de la sous-région. Or, nous faisons face à une régulation de plus en plus contraignante en matière de fixation des prix de vente », regrette-t-il.
Concentration de la distribution pétrolière
Le patron, dont les acheteurs de carburant sont essentiellement des réseaux de stations-service de taille moyenne, reconnaît aussi faire face à la concentration de la distribution pétrolière. Les grands acteurs – tels que Total, Vivo Energy ou Puma Energy – préfèrent passer par leurs propres filiales de négoce plutôt que par des indépendants comme lui.
Obambi entend donc concentrer ses efforts sur la réussite de son pari minier. Atteindre les 10 millions de tonnes de fer exportées en 2019 ne sera pas simple compte tenu de la difficulté de Congo‑Océan à faire circuler ses propres trains : l’un d’entre eux a déraillé le 27 mai. Mais lever des fonds pour financer sa propre voie ferrée Mayoko-Pointe-Noire constitue un défi d’une tout autre ampleur : au moins 640 millions d’euros seraient nécessaires pour la bâtir.
L'éco du jour.
Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles