« Ultras » au Maghreb – Sébastien Louis : « Les gradins sont un espace de liberté »

Spécialiste du supportérisme radical en Europe et en Afrique du Nord, Sébastien Louis analyse le mouvement ultra au Maghreb.

Sébastien Louis devant le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem), Marseille (France) © Giovanni Ambrosio

Sébastien Louis devant le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem), Marseille (France) © Giovanni Ambrosio

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Publié le 29 juin 2018 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : Comment est né le mouvement ultra au Maghreb ?

Sébastien Louis : Il arrive en 2002 par la Tunisie, du fait de sa proximité géographique et de ses liens historiques avec l’Italie, où est née la culture ultra. Le mouvement a d’abord concerné les deux grands clubs du pays, l’Espérance de Tunis et le Club africain.

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Je fais souvent le parallèle avec l’Italie des années 1970…Une société conservatrice où il n’y a pas beaucoup de loisirs pour les jeunes est le terreau idéal pour la naissance des mouvements ultras.

Depuis la Tunisie, le mouvement s’est très rapidement étendu dans le Maghreb. La tribune devient alors un espace de liberté et d’expression. Sans compter qu’aller au stade n’est pas mal vu ou perçu comme une activité subversive en soi par l’entourage familial.

Quelle différence entre ultras et hooligans ?

Il n’y a pas vraiment de hooligans au Maghreb, de gens qui viennent au stade spécifiquement pour la violence. J’aurais même tendance à dire que la mouvance ultra maghrébine est moins violente qu’ailleurs. La violence y est davantage un reflet de la société, de la vie quotidienne. Elle est d’ailleurs souvent le fait de personnes à la marge des groupes.

Les groupes ultras apaisent en général ces tensions et jouent un rôle pacificateur entre les différentes bandes

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Les bagarres sont liées en général à des tensions entre quartiers, comme avec le Mouloudia d’Alger. Ça n’a pas grand-chose à voir avec le football, on règle ses comptes au stade, là où tout le monde peut se retrouver. À vrai dire, les groupes ultras apaisent en général ces tensions et jouent un rôle pacificateur entre les différentes bandes.

Il ne faut pas nier la violence entre groupes, comme au Raja il y a deux ans, où des ultras se sont battus, chacun croyant incarner l’avant-garde du supportérisme. Mais c’est rarissime.

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Pour sa candidature au Mondial 2026, le Maroc a mis en avant la ferveur de ses supporters. Entre récupération et répression, comment les pouvoirs publics appréhendent-ils le phénomène ultra en Afrique du Nord ?

C’est une des régions du monde où le football est le plus largement apprécié. Le Maroc a essayé de récupérer cette ferveur en levant l’interdiction qui pesait sur les ultras depuis 2016. Sans les ultras, les stades sont vides. C’est une composante extrêmement importante du public marocain. Il y a aussi la manière égyptienne de faire : le tout répressif.

À travers leur créativité, ces groupes expriment les aspirations de la jeunesse arabe

De manière générale, les pouvoirs publics ont du mal à comprendre les dynamiques et ce qui se cache derrière le mouvement et sa philosophie. À travers leur créativité, ces groupes expriment les aspirations de la jeunesse arabe. Et je suis persuadé que c’est un mouvement qui va prendre de l’ampleur.

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