Cacao : Koné Dossongui veut doper l’industrie locale
Pour concurrencer les géants Barry Callebaut et Cargill, le magnat ivoirien investit plus de 136 millions d’euros dans deux unités de traitement de la fève, à San Pedro et Kribi.
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Les trois bâtiments de l’usine d’Atlantic Cocoa Corporation (ACC) prennent progressivement corps dans la zone industrielle du port en eau profonde de Kribi. En cette matinée ensoleillée du 9 juin, une poignée d’ouvriers – parmi les 230 employés du site – s’attellent, à l’aide de motopompes, à évacuer les eaux ayant inondé le bâtiment du milieu, conséquence de l’abondante pluie de la veille. D’autres coulent une épaisse couche de béton sur le sol, sous un gigantesque échafaudage métallique.
« Nous devons tenir les délais. Les premières machines doivent être installées dans deux semaines, et les premiers essais interviendront dès septembre », insiste Pierre Ouattara, le directeur du projet. Depuis plus d’un an, cet ingénieur en génie mécanique, qui cumule dix-huit années d’expérience dans le cacao, alterne les séjours dans la cité balnéaire du sud du Cameroun et à San Pedro, en Côte d’Ivoire, pour concrétiser la nouvelle aspiration de Bernard Koné Dossongui.
Transformer la fève
Après avoir fait fortune dans les télécommunications, la banque et l’assurance, le magnat ivoirien a décidé d’investir plus de 136 millions d’euros pour transformer la fève dans les deux pays. Il s’agira de produire de la liqueur, du beurre, du tourteau et de la poudre de cacao.
Conscient de la vague d’implantations ou d’extensions de capacités entamée depuis quelque temps dans ces pays par des cadors du secteur tels que Barry Callebaut et Cargill, suivis par des entrepreneurs chinois, libanais et même locaux, le patron ouest-africain entend bien être de la fête.Une tendance lancée aussi par les gouvernements : la Côte d’Ivoire veut porter son taux de transformation de 35 à 50 % en 2020, quand le Cameroun envisage de doubler son niveau actuel (20 %) à cet horizon.
Ces promoteurs veulent profiter des incitations instaurées par les dirigeants pour booster la transformation locale » note un expert du CICC
« Ces promoteurs veulent profiter des incitations instaurées par les dirigeants pour booster la transformation locale », note un expert du Conseil interprofessionnel du cacao et du café (CICC) camerounais. Par exemple, la redevance sur la fève transformée a été ramenée à 75 F CFA (0,11 euro) le kilogramme, soit la moitié du montant de la fève exportée.
Projets ambitieux
Le projet, orienté essentiellement vers l’export, intègre également des déclinaisons halal et cashers de ces produits pour s’inscrire dans une logique de niche. Les deux sites industriels, comprenant chacun une unité de stockage, une unité de transformation et une dernière dévolue aux produits finis, doivent broyer 96 000 tonnes de fèves chaque année, un volume extensible à 160 000 tonnes, puisque le marché est fortement demandeur. Les deux filiales ont pour ce faire été regroupées dans le holding Atlantic Cocoa Plantation (ACP), piloté par le fidèle Georges Wilson.
Plus avancée, l’usine de Kribi, bâtie sur 6 hectares, nécessite 39,3 milliards de F CFA (près de 60 millions d’euros) d’investissement, dont 50 % du montant est prêté par BGFIBank Cameroun. Elle a conclu dans un premier temps des contrats d’approvisionnement avec des coopératives paysannes et des intermédiaires. La seconde phase du projet, cette fois agricole, consistera à planter des cacaoyers sur 25 000 ha, dont 5 000 sont déjà disponibles dans la zone de Bafia, au centre du pays.
L’unité de San Pedro doit créer 200 emplois directs et 500 emplois indirects
En Côte d’Ivoire, le volet agricole est certes encore à l’étude, mais l’unité de San Pedro, qui occupe 9 hectares et doit créer 200 emplois directs et 500 emplois indirects une fois entrée en exploitation, démarrera ses activités en fin d’année si le closing financier, estimé à plus de 76 millions d’euros, intervient entre-temps.
Les discussions avec une banque ivoirienne devant prendre en charge une partie du financement sont avancées. En outre, Bernard Koné Dossongui n’écarte pas la possibilité de valoriser du café. Une option pour le moment à l’étude à Abidjan.
En finir avec la dépendance vis-à-vis du soja étranger
Yves Kolo Atangana et Raymond Diffo se sont fixé un but : rendre le Cameroun moins dépendant des importations de soja. Depuis 2006, ils encadrent près de 16 000 paysans dans le Septentrion en leur fournissant des intrants. En contrepartie, la Soybeans Processing Industry of Cameroon (Soproicam), qu’ils ont fondée, leur rachète leur production. Laquelle est transformée en huile et tourteaux dans l’usine située à la sortie ouest de Douala, qui produit aussi de l’huile de palme.
Nous espérons trouver un partenaire en mesure de nous aider à augmenter la production pour atteindre une part de marché de 80 % à terme » explique Yves Kolo Atangana
Un investissement global de plus de 10 milliards de F CFA (15,2 millions d’euros) à ce jour, pour un chiffre d’affaires annuel moyen de plus de 12 milliards de F CFA. Et une part de marché se situant autour de 15 %.
Bridée par une offre de matière première insuffisante, l’entreprise peine à accroître l’activité de son unité, qui tourne autour de 32 % de ses capacités. « Nous espérons trouver un partenaire en mesure de nous aider à augmenter la production pour atteindre une part de marché de 80 % à terme », explique Yves Kolo Atangana.
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