São Tomé-et-Principe : à couteaux tirés, trois mois avant les législatives

Les autorités de São Tomé-et-Principe affirment avoir déjoué une tentative d’assassinat visant Patrice Trovoada, le Premier ministre. À trois mois des législatives, les tensions sont toujours vives.

Patrice Trovoada en visite en Inde, en 2015, un an après son arrivée à la primature. © Manish Swarup/AP/SIPA

Patrice Trovoada en visite en Inde, en 2015, un an après son arrivée à la primature. © Manish Swarup/AP/SIPA

ProfilAuteur_MichaelPauron

Publié le 4 juillet 2018 Lecture : 2 minutes.

Il s’en est fallu de peu : accusés de vouloir renverser Patrice Trovoada, deux hommes ont été arrêtés dans la nuit du 20 au 21 juin. Le Premier ministre de São Tomé-et-Príncipe devait être assassiné « d’une balle dans la tête » par un sniper, selon un enregistrement récupéré par les services de renseignements. Et les deux suspects ne sont autres qu’un sergent de l’armée, Ajax Managem, et que l’ex-ministre de l’Agriculture, Gaudencio Costa, issu du MLSTP/PSD.

Le principal parti d’opposition s’en est aussitôt désolidarisé mais a demandé « le respect de la présomption d’innocence ». Une position partagée par la justice, qui a décidé la remise en liberté avec assignation à résidence – de l’ex-ministre, un juge ayant considéré que les preuves étaient insuffisantes. Il subsiste en effet des doutes sur certaines voix entendues sur l’enregistrement. Managem est, quant à lui, retenu dans une prison militaire.

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Bras de fer entre l’ADI et la justice

Cette remise en liberté a fait grincer des dents l’Action démocratique indépendante (ADI), la formation de Patrice Trovoada, à la tête du gouvernement depuis 2014 : « Nous respectons le droit et l’indépendance de la justice, mais je reste très étonné de cette décision », confie-t-il. De fait, depuis plusieurs mois, le gouvernement est à couteaux tirés avec le pouvoir judiciaire. Une grande réforme a été mise en place afin d’« assainir » l’institution, qui, selon le Premier ministre, souffrait de graves dysfonctionnements. Sa décision de nommer cinq juges, dont trois étrangers, pour en mesurer l’efficacité a du mal à passer, mais Trovoada y voit une manière de « garantir le sérieux et l’objectivité de cette évaluation ».

Y a-t-il une relation de cause à effet entre cette réforme et la remise en liberté du ministre ? Le pouvoir n’est pas loin de le penser, quand l’opposition préfère faire le dos rond et rappeler l’indépendance de la justice. Toujours est-il que cet épisode, à l’approche des législatives, qui se tiendront début octobre, n’a fait que renforcer l’ADI : « Nous avons toutes les chances de remporter ce scrutin, ce que ne supporte pas le MLSTP/PSD », estime Trovoada, qui se présente pour un second mandat.

Fin 2016, le pays a coupé ses liens historiques avec Taïwan, ouvrant grand la porte à Pékin

Dans une interview accordée à la chaîne China Global Television Network, fin juin, il a défendu son bilan et détaillé son programme : sécuriser les acquis démocratiques, rassurer les investisseurs, renforcer son partenariat avec la Chine. Fin 2016, le pays a coupé ses liens historiques avec Taïwan, ouvrant grand la porte à Pékin. La visite du ministre des Affaires étrangères chinois, Wang Yi, en janvier dernier, est venue entériner cette nouvelle relation. Le visa n’est plus obligatoire pour voyager entre les deux pays, et de nombreux projets sont à l’étude dans les infrastructures ou l’agriculture.

Les dissensions qui traversent depuis plusieurs mois le MLSTP/PSD, désormais divisé en deux factions, pourraient profiter à l’ADI. Aurelio Martins, le leader du parti de l’ex-président Manuel Pinto da Costa, est contesté pour avoir soutenu la réforme judiciaire. Il a d’ailleurs annoncé qu’il ne serait pas candidat au poste de Premier ministre si son parti l’emportait, et le MLSTP/PSD tarde à lui trouver un remplaçant.

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