Musique : et il est comment le dernier Touré Kunda ?
« Lambi Golo », le dernier album de la « famille éléphant », oblige à se poser une question simple : comment juger un mythe ? Car oui, Touré Kunda est un mythe, et l’on ne peut pas oublier ce qu’ils ont représenté quand on écoute leur dernière production.
Précurseurs d’une musique « urbaine » africaine, mâtinée de reggae et de pop, les frères sénégalais ont connu un succès sans précédent pour une formation du continent au début des années 1980. « Ils inventaient quelque chose, et le défendaient avec professionnalisme et rigueur, ce qui n’était pas le cas de tous les artistes africains de l’époque, nous expliquait Christian Mousset, qui a accompagné comme créateur de festival et de labels le développement des musiques du monde. Et même s’ils chantaient dans leur langue, ils réussissaient à toucher bien au-delà d’un public communautaire ! »
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En 1984, leur live Paris-Ziguinchor se vend à plus de 200 000 exemplaires (des chiffres qui donneraient le tournis à n’importe quel artiste aujourd’hui) et leurs tournées réunissent des centaines de milliers de fans.
Avec leurs textes consensuels célébrant la paix, la justice et la composition même de leur groupe en noir et blanc, hymne très concret au métissage, les Touré sont en phase avec une France qui scande alors « Touche pas à mon pote ». Ce sont eux qui accompagnent la réélection de François Mitterrand et qui accueillent Nelson Mandela lors de sa visite officielle dans l’Hexagone en 1992.
Après douze albums (et trois disques d’or), ils ont attendu plus de dix ans avant de commencer cette nouvelle aventure discographique. On pouvait craindre le pire : un son vieillissant, un regard nostalgique sur leur glorieux passé… Or Lambi Golo, s’il ne révolutionne pas les musiques du monde, permet de relancer la machine. D’abord parce qu’Ismaïla et Sixu Tidiane ont réussi à attirer une impressionnante série de pointures sur leur projet : Manu Dibango, Kiddus I, Alune Wade, Lokua Kanza ou encore Carlos Santana. Ensuite parce qu’en restant fidèles à leurs racines (chant polyglotte en français, anglais, wolof, mandinka, couleur pop et reggae), le groupe de quasi-septuagénaires a insufflé un peu de frais dans ses orchestrations, avec quelques gouttes de rap sur le titre « Sene Bayo » et même une reprise salsa de leur titre phare, « Emma » (avec Carlos Santana).
Trop longtemps restés à l’écart des grandes scènes, jugés « trop variétoche » par certains professionnels, les Touré reviennent par la grande porte. Et leurs derniers concerts au New Morning et au festival Musiques métisses ont prouvé qu’ils pouvaient encore susciter la ferveur. Le mythe est sauf.
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