Maroc : le débat public à l’heure des réseaux sociaux

Dans de nombreux domaines, les réseaux sociaux prennent de vitesse les autorités comme les élites et les contraignent à réagir. Un phénomène qui soulève bien des questions.

Manifestation à Al Hoceima en soutien à Nasser Zefzafi, leader de la contestation rifaine, retransmise en direct sur internet, le 8 juin. © Louis Witter

Manifestation à Al Hoceima en soutien à Nasser Zefzafi, leader de la contestation rifaine, retransmise en direct sur internet, le 8 juin. © Louis Witter

fahhd iraqi

Publié le 2 juillet 2018 Lecture : 2 minutes.

Manifestation à Al Hoceima en soutien à Nasser Zefzafi, leader de la contestation rifaine, retransmise en direct sur internet, le 8 juin. © Louis Witter
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Est-ce le nécessaire revers de la médaille numérique ? Fortement engagé depuis plusieurs années dans le développement de son réseau internet, le Maroc voit se multiplier les débats publics nés sur les réseaux sociaux, porteurs d’évolutions salutaires – parfois –, de psychoses collectives et de rumeurs – souvent. Le pays s’est imposé comme l’un des mieux connectés du continent, avec 60 % de la population disposant d’une connexion de bonne qualité, selon l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) – le taux le plus élevé d’Afrique.

Et les Marocains manifestent une appétence particulière pour les réseaux sociaux, le très web-friendly royaume intégrant même le top 10 mondial des plus fortes croissances annuelles de fréquentation des Facebook, LinkedIn et autres YouTube. Le phénomène de l’activisme digital y a donc logiquement pris une ampleur inédite.

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La réussite du boycott, preuve de l’influence des réseaux sociaux

Lancé le 20 avril sur Facebook, l’appel au boycott de trois grandes marques, pour dénoncer la situation d’oligopole présumée dont elles profitent, est symptomatique de la perméabilité entre virtuel et réel. Le mot d’ordre rencontre un succès phénoménal : 70 % à 80 % de la population s’abstient depuis de consommer l’une des marques ciblées. Silence des autorités durant une vingtaine de jours. Face à la persistance du mouvement, le ministre PJD (Parti de la justice et du développement, islamiste) Mustapha Khalfi finit par monter au créneau pour dénoncer les « allégations mensongères » des boycotteurs. Rien n’y fait, le boycott se poursuit.

Participatifs, démocratiques, instantanés, manichéens parfois, ils apportent une bouffée d’oxygène…

« Dans un pays où les médias ont une marge de manœuvre limitée, où les échanges d’idées demeurent restreints et où le citoyen se sent livré à lui-même, les réseaux sociaux représentent un formidable espace de liberté alternatif et un levier d’action », souligne Marouane Harmach, spécialiste des réseaux sociaux. Participatifs, démocratiques, instantanés, manichéens parfois, ils apportent une bouffée d’oxygène, d’autant que le Maroc censure assez peu les contenus sur le web, comme l’a récemment souligné l’ONG américaine Freedom House.

La mobilisation digitale a aussi ses côtés obscurs. « L’instrumentalisation et la manipulation deviennent plus faciles, notamment via les fake news et l’usurpation d’identité », souligne Mohamed Amine El Mahfoudi, docteur en information et communication. En la matière, la situation européenne offre un aperçu de ce qui attend peut-être le Maroc. Le développement des réseaux sociaux, concomitant avec la défiance à l’égard des médias traditionnels, y a donné des résultats politiquement coûteux – Brexit, montée des partis d’extrême droite, complotisme généralisé, etc. Le danger ne vient alors pas tant de la libération de la parole sur le web que du dédain des autorités et des médias classiques pour ces débats nés sur la Toile, attitude qui ne fait qu’accréditer l’idée qu’« on nous cache tout ».

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