Présidentielle au Mali : ils rêvent tous du Palais de Koulouba…
Vingt-quatre candidats vont concourir à la présidentielle du 29 juillet au Mali, mais seuls quelques-uns sont en mesure de battre le président sortant Ibrahim Boubacar Keïta. Qui sont-ils ? Quels sont leurs fiefs ? Quelles alliances ont-ils nouées ? Éléments de réponse.
Mali : sur un air de campagne présidentielle
Vingt-quatre candidats sont en lice pour l’élection présidentielle du 29 juillet au Mali. Le président sortant, Ibrahim Boubacar Keïta, cédera-t-il sa place ? Soumaïla Cissé, son principal rival, arrivera-t-il à s’imposer ? Quelles alliances les candidats ont-ils nouées ? Retrouvez notre dossier complet.
Ils en sont tous convaincus : cette fois, Ibrahim Boubacar Keïta ne pourra pas gagner. Et encore moins dès le premier tour, comme certains des partisans du président sortant aiment à le pronostiquer. Pour étayer leurs prédictions d’alternance, les opposants avancent tous les mêmes arguments, dont le premier est qu’IBK ne jouit plus de l’image positive qu’il avait en 2013, lorsqu’il était perçu comme un homme d’expérience capable de redresser un pays en lambeaux.
Il a désormais un bilan à assumer qui est jugé négatif par une partie de ses compatriotes. Ensuite, parce qu’il ne dispose plus des soutiens qui l’avaient aidé à conquérir le pouvoir il y a cinq ans. Le putschiste Amadou Haya Sanogo et sa junte ne sont plus aux affaires. Les influents chefs religieux, qui avaient appelé à voter pour lui lors de la dernière présidentielle, ont pris leurs distances. Enfin, François Hollande, réputé proche d’IBK, a quitté l’Élysée en 2017 et, dans la sous-région, plusieurs voisins sont de plus en plus préoccupés par la détérioration de la situation sécuritaire au Mali.
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IBK est pourtant loin d’avoir dit son dernier mot. « Il est le président sortant avec tous les moyens que cela implique, glisse un observateur occidental. Tout le monde sait que cela constitue un avantage de taille. » C’est donc vers une élection à l’issue incertaine que s’avance le Mali, sans compter les craintes de fraudes et les risques sécuritaires qui menacent de perturber le déroulement des opérations de vote.
Une impossible candidature unique de l’opposition
La Cour constitutionnelle a retenu 24 candidats pour le premier tour de la présidentielle, qui se tiendra le 29 juillet. Plusieurs d’entre eux s’étaient rapprochés lors de la mobilisation contre le projet de révision constitutionnelle, à la mi-2017. Avec les principales organisations de la société civile, ils avaient formé la coalition Antè A Bana (« Touche pas à ma Constitution », en bambara), qui avait rassemblé des dizaines de milliers de manifestants dans les rues de Bamako. Confronté à une pression populaire inédite, IBK avait été contraint de reculer et d’enterrer ce texte controversé. Gonflés à bloc, les principaux opposants avaient tenté de tirer profit de cette union née dans la rue. Pendant plusieurs mois, ils ont travaillé à la mise sur pied d’une coalition électorale. Certains ont même caressé l’espoir d’une candidature unique face au président. Mais les ambitions personnelles ont eu raison des nobles intentions, et les prétendants les plus sérieux se présenteront finalement chacun de leur côté.
Soumaila Cissé en position de force
Parmi eux, seuls quelques-uns semblent en mesure de détrôner IBK. Son principal challenger sera Soumaïla Cissé, 68 ans. Tout laisse penser que la présidentielle à venir sera un remake de celle de 2013. Selon un sondage Ipsos réalisé au début de juin, le chef de file de l’opposition serait au coude-à-coude avec le président sortant au niveau des intentions de vote au premier tour : IBK arriverait en tête avec 24,7 % des voix, suivi de près par « Soumi », qui recueillerait 23,5 % des suffrages. Cette enquête d’opinion, menée sur un échantillon de 1 002 personnes dans les principales villes du pays (y compris Gao et Tombouctou), indique également que 61 % des sondés considèrent Soumaïla Cissé comme le candidat le plus à même de battre IBK. Originaire de Niafunké, celui-ci devrait notamment réaliser un bon score dans les régions de Tombouctou, Mopti ou encore Gao. De fait, son parti, l’Union pour la République et la démocratie (URD), est l’un des mieux implantés à travers le pays, et son maillage n’a pas grand-chose à envier à celui du Rassemblement pour le Mali (RPM) d’IBK. Problème : le Nord et le Centre pèsent moins, en ce qui concerne le nombre d’électeurs, que les régions peuplées du Sud (celles de Sikasso et de Koulikoro notamment), où IBK avait terminé en tête il y a cinq ans. Le président sortant dispose par ailleurs de l’appui de l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (Adema-PASJ), qui est également très présent dans tout le pays.
S’il n’a pas réussi à rassembler aussi largement qu’il l’espérait, Soumaïla Cissé se présentera à la tête de la plateforme « Ensemble, restaurons l’espoir », qui regroupe plusieurs formations politiques, dont le Parti pour la renaissance nationale (Parena) de Tiébilé Dramé. Ce dernier, farouche opposant depuis cinq ans, est le directeur de campagne de Cissé. Lequel dispose depuis fin juin d’un autre soutien de taille, celui de l’activiste Ras Bath et de son Collectif pour la défense de la République (CDR). Capable de rassembler d’immenses foules à Bamako, cet animateur radio est très populaire auprès de la jeunesse malienne.
Pour Soumaïla Cissé comme pour moi, l’important est de parvenir à l’alternance pour rompre avec le système IBK et sauver notre pays, analyse Tiébilé Dramé
Peu importent à cet ancien leader estudiantin, en son temps candidat à la magistrature suprême (en 2002 et 2007), les accusations du camp présidentiel, qui, à l’image de ce proche d’IBK, voit en lui « un radical » et reproche au tandem qu’il forme avec Cissé d’être « prêt à mettre les gens dans la rue ». « Ils s’embourbent dans leurs petits calculs politiciens, rétorque Dramé. Qu’avons-nous fait de mal ? Rien. Nous avons manifesté pacifiquement, ce qui est un droit garanti par notre Constitution. »
L’alliance inattendue Cheick Modibo Diarra – Moussa Mara
Derrière Cissé, plusieurs candidats font figure d’outsiders et tenteront de séduire les 8,5 millions d’électeurs. À 66 ans, Cheick Modibo Diarra, Premier ministre de la transition en 2012 et gendre de l’ancien président Moussa Traoré, nourrit ainsi de grandes ambitions. Il a constitué un binôme politique solide avec Moussa Mara – lui aussi ex-Premier ministre, mais sous la présidence d’IBK.
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À la mi-juin, le président de Yelema (« changement », en bambara) avait provoqué la surprise en se retirant de la course présidentielle pour se rallier à son aîné. « Mon engagement politique a toujours été un engagement pour le pays. Si mon projet a davantage de chances d’aboutir avec quelqu’un d’autre, je n’ai aucun souci à me ranger derrière lui », explique Mara. L’ancien cadre de la NASA et l’expert-comptable entendent incarner une rupture pour, disent-ils, « opérer un changement systémique et enfin instaurer une bonne gouvernance dans notre pays ».
Nous allons faire émerger de nouvelles têtes, de nouvelles méthodes et de nouvelles idées. Nous allons innover, clame Cheick Modibo Diarra, convaincu de son destin présidentiel
Crédités chacun d’environ 15 % des intentions de vote dans le dernier sondage Ipsos, les deux hommes ont un poids électoral certain, en particulier dans la région de Bamako.
La question des alliances en cas de second tour
Autre candidat qui pourrait réaliser un bon score à la fin de juillet : l’homme d’affaires Aliou Boubacar Diallo. Après avoir soutenu IBK en 2013, le patron de la compagnie minière Wassoul’Or et président de l’Alliance démocratique pour la paix (ADP-Maliba) se présente pour la première fois.
À la tête de l’une des fortunes les plus importantes du pays, il dispose de moyens financiers supérieurs à la plupart de ses rivaux. Il bénéficie aussi du soutien de certains proches du chérif de Nioro, l’un des chefs religieux les plus respectés au Mali.
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Parmi les autres candidats figurent également plusieurs anciens ministres d’IBK, dont certains sont membres de la « Convention des bâtisseurs », une coalition qui se présente comme celle de la troisième voie entre le président sortant et Cissé. Le mieux placé des « Bâtisseurs » semble être Modibo Sidibé, ex-Premier ministre d’Amadou Toumani Touré et président des Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence (FARE-An Ka Wuli). Déjà candidat en 2013, il avait fini quatrième à l’issue du premier tour. De son côté, Oumar Mariko, vieille figure de la gauche malienne et fondateur du parti Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (SADI), sera une nouvelle fois sur la ligne de départ après s’être déjà présenté en 2002, 2007 et 2013.
Reste la question des alliances en cas de second tour. Comme à chaque élection, chacun espère glaner un maximum de voix pour « peser » dans la balance le moment venu. En cas de match IBK/Cissé, plusieurs opposants, à l’image de Modibo Sidibé, laissent entendre qu’ils soutiendront le candidat de l’URD. Mais, en politique, les alliances se font et se défont au gré des offres les plus alléchantes. À en croire l’entourage d’IBK, des surprises ne seraient pas à exclure. « Contrairement à ce que certains pensent, indique Bocary Treta, président du RPM et chef d’orchestre de la campagne du président sortant, nous avons beaucoup d’amis avec lesquels nous discutons. »
Une seule femme en lice
Djénéba N’Diaye est l’unique candidate à la présidentielle de fin juillet. Cette femme d’affaires prospère, active dans le domaine de l’immobilier, est peu connue du grand public. Elle a fait fortune en Centrafrique à l’époque où François Bozizé, dont elle était proche, était au pouvoir. Âgée de 55 ans, elle compte faire campagne pour défendre les droits des femmes au Mali.
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