Data Centers : le Sénégal s’impose dans la gestion de données

Alors que le continent n’abrite que 1 % des sites de stockage de données dans le monde, Dakar bénéficie en la matière d’une longueur d’avance sur ses voisins.

Montage d’un système de serveur de CAP DC, à Rufisque. © Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique

Montage d’un système de serveur de CAP DC, à Rufisque. © Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique

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Publié le 12 juillet 2018 Lecture : 5 minutes.

Affiche de promotion de Orange Money dans le quartier de Ngor.  Le 14 mai 2013. Sénégal, Dakar. © Photo de Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique.
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En matière de construction de data centers, le Sénégal apparaît de plus en plus comme une place forte dans la sous-région. Le pays en compte aujourd’hui trois. Et le cabinet d’ingénierie CAP DC en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest (CAP DC ACO, filiale du français Cap Ingelec) s’est bien positionné pour profiter à plein de la croissance du secteur, avec 50 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2017. Une bonne partie de ses activités proviennent des grands projets d’infrastructures du Plan Sénégal émergent, comme les nouveaux pôles urbains de Diamniadio et du Lac-Rose, qui mettent les nouvelles technologies à l’honneur.

L’entreprise, fondée par l’ingénieur sénégalais Serigne Kebe, y intervient sur les opérations techniques liées au calcul de l’énergie, à la climatisation, la sécurité, la formation, le financement d’autres projets, grâce au concours, par exemple, de la banque d’investissement BPI. Elle ne se positionne pas encore sur la gestion de data centers ou la vente de services d’hébergement… C’est ainsi qu’elle a conçu le centre de données de l’opérateur historique Sonatel, filiale d’Orange, le plus grand à ce jour en Afrique de l’Ouest, mis en service en 2017, et qu’elle réalise celui de l’Agence de développement de l’informatique de l’État (Adie) pour le compte du gouvernement sénégalais.

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Objectif : interconnecter 24 pays africains

Concernant celui de l’opérateur Tigo, en activité lui aussi depuis 2017, CAP DC ACO s’est plutôt concentré sur son processus de certification et sur la formation. Selon Serigne Kebe, les coûts cumulés de ces trois plus importants projets de data centers réalisés au Sénégal (où les principaux concepteurs sont notamment les français APL, Critical Building, CFAO Technologies, et le chinois Huawei) sont estimés à plusieurs dizaines de millions d’euros. À l’échelle du continent, la note atteint plusieurs centaines de millions.

L’entreprise y a piloté la phase de conception des centres de traitement de données du Groupement Orange Services (GOS), en Côte d’Ivoire, où elle compte ouvrir une nouvelle filiale l’année prochaine, et d’Orange Cameroun, le plus grand d’Afrique centrale. En partenariat avec le groupe Africa Development Solutions (ADS), de l’entrepreneur malien Samba Bathily, elle développe le projet Smart Africa, un de ses chantiers les plus importants, dont l’objectif est d’interconnecter plus de vingt-quatre pays du continent et de les doter ­d’infrastructures de stockage.

Serigne Kebe reste très confiant. Les projets se multiplient sur un continent où les centres de données professionnels en Afrique ne datent que d’environ cinq ans. De grandes annonces ont été faites durant l’année écoulée. En mai 2017, pour la première fois, un Gafam (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft), en l’occurrence Microsoft, a annoncé l’implantation de deux data centers en Afrique du Sud. Le britannique Zircom et le marocain Medasys ont annoncé le lancement, dans le royaume, d’un projet de très grand centre de données qui aurait pour vocation d’héberger un cloud pour l’Afrique.

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Fort potentiel de croissance

L’opérateur Liquid Telecom, établi à Maurice, envisage, lui, d’investir 110 millions de dollars (94,5 millions d’euros) dans ses data centers. Le jeune patron de CAP DC ACO, formé à l’École supérieure polytechnique de Dakar (ESP), juge satisfaisant le rythme de développement des data centers et des services associés au Sénégal et, plus généralement, sur le continent, et il estime que le potentiel de croissance est très fort. « L’Afrique n’abrite que 1 % de ces infrastructures construites dans le monde », rappelle-t-il.

Les disparités varient en fonction des pays et des régions. Le Sénégal bénéficie, par exemple, d’une légère avance en matière d’infrastructures par rapport à certains de ses voisins. Et, comparée à l’Afrique centrale, l’Afrique de l’Ouest dispose d’un plus grand nombre de data centers.

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Cependant, « du fait de la maturité de son secteur des télécoms, analyse Serigne Kebe, l’Afrique du Sud détient environ les deux tiers [près d’une trentaine de centres] du parc du continent ». « Dans les prochaines années, juge-t-il, ce pourcentage devrait logiquement tendre vers plus d’équilibre, vu les quantités des données à produire, à traiter, et à stocker sur place.

Contraintes réglementaires

Un potentiel d’autant plus intéressant si on prend en compte les prochaines contraintes d’ordre réglementaire, économique et technique devant toutes favoriser le déploiement des data centers plus proches de leurs propriétaires et de leurs usagers. » Les zones stratégiques proches des câbles sous-marins internationaux sont devenues des « hubs » prioritaires : Djibouti, l’Égypte et toute la côte ouest-africaine.

Les grands pays anglophones (le Nigeria, avec les centres de données de Main One ou Rack Centre, ou la zone East Africa) sont actuellement en plein développement, naturellement identifiés comme prioritaires par l’industrie informatique mondiale, elle-même de culture anglo-saxonne.

« Les zones francophones ont une véritable carte à jouer. Elles ont une fenêtre de tir de cinq ans pour créer des alternatives aux Gafam. Pour cela, les gouvernements devront proposer rapidement un environnement législatif sécurisé autour des données », souligne Serigne Kebe.

Des conditions d’hébergement jusque-là peu favorables

Sur le continent, à l’exception de l’Afrique du Sud, les données ont un caractère essentiellement « opérationnel » (noms des abonnés, cartes SIM, voix, etc.), car la plupart des data centers ont été construits à l’initiative des opérateurs téléphoniques. « Le cloud n’est pas encore très développé en Afrique », explique Serigne Kebe, le directeur général de CAP DC ACO.

Les centres de traitement appartenant aux États abritent des données relatives, par exemple, aux effectifs de la fonction publique. Cependant, la plupart des données du continent restent stockées en Amérique du Nord, pour des raisons historiques puisque, dans le monde, les premiers utilisateurs de ces infrastructures ont été des entreprises américaines comme Microsoft ou encore Amazon.

Et les températures élevées et l’humidité du climat sur le continent n’y ont pas favorisé l’hébergement des données. La disponibilité énergétique est, de même, déterminante. « L’énergie représente, indique Serigne Kebe, 80 % des coûts d’exploitation d’un data center. » Le reste des données est abrité en Europe et en Asie.

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