Hatem Zenzri (ENIT) : « Nos diplômés iront en Afrique »
Le directeur de l’ENIT veut s’ouvrir aux jeunes Africains. Il espère que les étudiants feront bientôt rayonner l’excellence de l’école tunisienne d’ingénieurs sur tout le continent.
Son deuxième (et dernier) mandat à la tête de l’École nationale d’ingénieurs de Tunis (ENIT) va prendre une dimension continentale. Hatem Zenzri veut placer le développement de son établissement sous le signe de l’Afrique : « Cette ouverture est stratégique pour la Tunisie, pour le continent, pour nos étudiants et pour notre établissement », déclare le titulaire d’un doctorat de l’école des ponts ParisTech (1992). Lors de ses quatre premières années à la tête de l’ENIT (2014-2017), Hatem Zenzri a parfait la réputation de l’école. Travail couronné, puisque celle-ci a obtenu, en septembre dernier, la certification EUR-ACE pour les neuf diplômes qu’elle propose. Ce label garantit un programme d’enseignement en ingénierie conforme aux standards européens.
Centres d’examen au Burkina Faso
Aujourd’hui, une vingtaine de jeunes continentaux – à peine 1 % des inscrits – étudient à l’ENIT. Ils pourraient être « facilement 200 », affirme Hatem Zenzri. Depuis l’année dernière, les jeunes Mauritaniens passent le concours d’entrée chez eux. Des discussions sont en cours au Burkina Faso pour installer des centres d’examen tunisiens.
Nous devons être plus accueillants sans renoncer à notre niveau d’excellence. »
« L’intégration d’étudiants étrangers, notamment africains, a été jusqu’ici un point faible. Nous devons être plus accueillants sans renoncer à notre niveau d’excellence », insiste Hatem Zenzri, qui rêve de faire de l’ENIT le centre de formation des futurs professeurs d’ingénierie du continent. Pour cela, il prévoit d’augmenter le nombre de thèses passées par des Africains.
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Doubles diplômes
Le parcours de Wendyam Serge Boris Ouedraogo est souvent cité en exemple. En 2012, l’étudiant burkinabè obtient le 2e prix de la meilleure thèse de doctorat réalisée en cotutelle entre des universités française et tunisienne. Aujourd’hui, il est directeur adjoint des classes préparatoires d’entrée aux grandes écoles à l’université Ouaga II. Le responsable de l’ENIT envisage par ailleurs des partenariats de doubles diplômes avec les meilleures écoles du continent, à l’image de ceux noués par son établissement avec des écoles européennes reconnues (École des ponts ParisTech, INP Grenoble et Toulouse, Polytech Nantes). L’ouverture à l’Afrique, Hatem Zenzri la conçoit dans les deux sens : faire bénéficier les Africains d’un enseignement d’excellence mais aussi encourager les étudiants tunisiens à découvrir les potentialités du continent. « L’école a été créée il y a cinquante ans pour former les ingénieurs qui ont construit les infrastructures de notre pays. Aujourd’hui, nos diplômés doivent aller en Afrique, là où se feront les grands projets de demain ! », s’enthousiasme le directeur.
Humilité
Pour l’instant, les implantations industrielles tunisiennes en Afrique restent rares. En partie à cause d’une différence culturelle. « Les managers tunisiens se comportent comme des Européens quand ils arrivent chez nous. Ils veulent signer les contrats et repartir. Ils manquent d’humilité », regrettait Diop Mbareck, membre du Conseil national du patronat sénégalais, lors du Forum économique africain qui s’est déroulé en avril dernier à Tunis. Hatem Zenzri en a conscience et exhorte ses étudiants à « être plus ouverts, à ne pas céder aux clichés sur l’Afrique », à ne pas garder les yeux rivés de l’autre côté de la Méditerranée. Pour lui, l’exemple à suivre est celui de Lilas SAH qui construit une usine de produits hygiéniques en Côte d’Ivoire : « L’Afrique francophone de l’Ouest est la zone dont le modèle ressemble le plus au nôtre. C’est là qu’il faut commencer pour proposer les compétences de nos ingénieurs. »
Les managers tunisiens se comportent comme des Européens quand ils arrivent chez nous. »
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Hatem Zenzri ne croit pas à la fuite des cerveaux.
Pour cela, le savoir-faire ne suffit pas, il faut le faire-savoir. Les cours de langue et de communication se sont développés. Dans la filière génie industriel, 20 % de la formation concerne les enseignements tournant autour du management, de l’entrepreneuriat et de l’innovation. Des cours durant lesquels l’accent est mis sur la capacité à s’adapter selon les contraintes culturelles, logistiques, etc. Surtout, Hatem Zenzri tient à ce que ses élèves aient du temps disponible pour s’investir dans des associations, des clubs. Le mercredi après-midi est donc exclusivement consacré à ces activités. Ce n’est pas un hasard si la branche tunisienne de l’IASTE, association internationale étudiante qui organise des stages à l’étranger pour les étudiants en science ou en ingénierie, a choisi l’ENIT pour installer ses locaux.
Des expériences à l’étranger qui ne riment plus forcément avec Occident. Hatem Zenzri ne croit pas à la fuite des cerveaux. « Les étudiants pensent d’abord à un bon poste. Les grands groupes sont implantés partout aujourd’hui. » Comprendre qu’un « bon poste » peut se trouver dans le bureau nigérian d’une grande entreprise plutôt qu’au siège européen d’une PME !
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