Hôtellerie : Onomo profite d’une levée de fonds pour grandir

Le groupe veut doubler sa taille d’ici à 2020 sur le segment des trois-étoiles, délaissé par les chaînes internationales mais convoité par d’autres sociétés africaines.

L’hôtel Onomo à Bamako, architecture réalisée par Arnaud Goujon. © Clement Tardif

L’hôtel Onomo à Bamako, architecture réalisée par Arnaud Goujon. © Clement Tardif

Rémy Darras © Francois Grivelet pour JA

Publié le 17 juillet 2018 Lecture : 4 minutes.

Julien Ruggieri, directeur général d’Onomo (16 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2017), est un homme serein. À la fin de novembre 2017, le groupe d’hôtellerie trois étoiles détenu depuis 2012 par Batipart, holding de la famille Ruggieri, 85e fortune de France, bouclait une levée de fonds de 106 millions d’euros auprès du britannique CDC et du français CIC Capital (filiale du Crédit mutuel). De quoi lui assurer les moyens nécessaires à une expansion à long terme.

Le 8 juin, il signait l’acquisition de la chaîne marocaine Cantor. Six établissements (dont quatre en construction) qui passeront sous le contrôle d’Onomo et qui s’ajouteront à ses deux établissements de Rabat.

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Avec l’Afrique du Sud, le Maroc est devenu l’autre place forte de l’enseigne, d’où elle peut désormais envisager de tisser un réseau dans les villes secondaires, de concentrer toutes ses fonctions opérationnelles et de former ses personnels. Cela faisait en réalité dix-huit mois que le dirigeant et ses équipes, installés depuis 2015 à Casablanca, planchaient sur le projet.

1 120 chambres en construction

Contrairement aux autres opérations qu’il a réalisées jusqu’ici, le groupe ne démarre pas de zéro, n’intervient pas en opérateur-investisseur, ne possède pas le foncier. Ce qui a demandé un effort capitalistique moindre. Car M. Ruggieri, dont la famille a déjà engagé 150 millions d’euros dans le développement de l’entreprise, souhaite mettre le nouveau capital obtenu au profit de la construction d’établissements en Afrique subsaharienne.

90 % de nos projets sont sécurisés, assure M. Ruggieri

Alors que la première pierre de son établissement de Douala était posée le 25 avril en vue d’une inauguration en avril 2019 pour la CAN, deux autres projets sont déjà prévus au cameroun, à Kribi et à Yaoundé. Le groupe a également ouvert en mai un établissement à Kigali, tandis qu’un autre est en construction à Kampala et qu’il rénove un ex-Ibis à Maputo. Viendront après : Pointe-Noire, Brazzaville et Port-Gentil. Onomo regarde aussi l’Éthiopie, le Kenya, Djibouti, la Tanzanie…

À ce rythme, la chaîne semble en bonne voie pour atteindre la barre de la vingtaine de réceptifs qu’elle s’est fixée à l’horizon 2020. « On a 1 600 chambres en opération, 1 120 en construction, 90 % de nos projets sont sécurisés », assure M. Ruggieri, qui fixe le ticket d’investissement à 15 mil­lions d’euros par projet, financés à 50 % par le groupe. Objectif : s’imposer sur un terrain encore peu convoité.

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Chaînes africaines

En dehors d’établissements indépendants de petite taille au confort parfois aléatoire, l’hôtellerie économique fait souvent défaut. « Il manque des établissements de catégorie internationale dans de nombreuses villes, et l’hôtellerie quatre étoiles reste hors de portée pour beaucoup de clients africains », rappelle l’expert en hôtellerie Philippe Doizelet, associé au sein du cabinet Horwath.

Onomo a d’autant plus d’appétit que « le marché est délaissé par les grandes chaînes internationales qui ont des coûts de gestion trop lourds pour être rentables avec moins de 150 chambres », indique Philippe Colleu, fondateur d’Onomo, qui se refuse cependant à tout commentaire sur la stratégie du groupe dont il fut le président jusqu’en 2014.

La nuitée dans la nouvelle génération d’établissements de la chaîne vaut en moyenne 60	000 F CFA. © Anthony Grote

La nuitée dans la nouvelle génération d’établissements de la chaîne vaut en moyenne 60 000 F CFA. © Anthony Grote

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Mais M. Ruggieri sait qu’il ne faut pas attendre pour imposer sa marque. Bien que pionnier, Onomo n’est pas le seul acteur à défricher le secteur. Il doit affronter des chaînes elles aussi nées sur le continent comme les Yaas et Seen, développés par le groupe Mangalis de l’homme d’affaires sénégalais Yerim Sow (trois hôtels ouverts, dix autres en construction), les établissements Azalaï du Malien Mossadeck Bally, les futurs établissements de CityBlue, né au Rwanda et ayant dix-neuf hôtels en développement sur le continent.

Augmenter la taille des hôtels a permis d’absorber le coût du foncier

Sans compter la chaîne Kama, lancée par Philippe Colleu, qui ouvrira deux hôtels d’ici à la fin de l’année à Mbacké (Sénégal) et à Yamoussoukro et travaille sur des implantations dans des villes portuaires. « D’Azalai à Mangalis en passant par Ibis, on a tous des projets aux mêmes endroits », note Ruggieri.

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Montée en gamme

Pour rester leader sur l’économique, Onomo devra pouvoir mieux absorber les coûts d’un foncier onéreux. Jeu de l’offre et de la demande, normes de plus en plus contraignantes… Le coût de construction par chambre, qui s’élevait à quelque 55 000 euros il y a peu, atteint aujourd’hui des prix variant entre 80 000 et 90 000 euros.

En conséquence, Onomo a dû revoir peu à peu son produit, organisé à l’origine comme un caravansérail autour d’une cour carrée intérieure, trop gourmand en espace dans les centres-villes. « À Lomé, Conakry et Durban, l’architecture a changé, on cherche à optimiser le produit. La taille moyenne des hôtels est passée de 105 chambres comme à Dakar et Abidjan à 140 modules, comprenant parfois des suites. Augmenter la taille des hôtels a permis d’absorber le coût du foncier », confie Julien Ruggieri. Mais proposer des prix abordables reste un défi.

Les nuitées des premiers Onomo, qui affichaient un tarif de 39 000 F CFA (59 euros), en valent maintenant 60 000. La nouvelle génération d’Onomo, avec piscines ou salles de fitness, signe ainsi une montée en gamme. « Son positionnement est plus haut de gamme en Afrique du Sud que dans le reste de leur parc, il y a un enjeu de cohérence de l’offre », souligne Philippe Doizelet. Pointant une industrie très consommatrice de capitaux, Julien Ruggieri ne ferme pas la porte au développement de franchises et de contrats de gestion pour étendre sa marque.

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