Marc-François Mignot-Mahon (Galileo Global Education) : « Nous voulons être numéro un sur le continent »
Des récents partenariats noués à la redéfinition du contenu des programmes, le dirigeant détaille sa méthode pour prendre la concurrence de vitesse.
Galileo Global Education collectionne les actionnaires. Après Téthys Invest en avril, c’est Bpifrance qui, à la fin du mois de mai, a accepté d’investir dans le numéro deux mondial de l’enseignement supérieur.
Ces tours de table consécutifs n’ont qu’un seul objectif, permettre au groupe propriétaire de l’ISM Dakar de passer rapidement devant son rival, l’américain Laureate Education. Pour y parvenir, Marc-François Mignot-Mahon veut accélérer la présence de Galileo sur le continent. Accompagné par Kamil Senhaji, fraîchement arrivé de JCDecaux pour piloter le développement Afrique, il a exposé sa stratégie à JA.
Jeune Afrique : Vous venez de faire entrer Bpifrance dans votre capital et sous-entendez que cet acteur facilitera les relations avec les États et donc les investissements. Bpifrance vous ouvre-t-il des portes sur le continent africain ?
Marc-François Mignot-Mahon : Nous espérons évidemment que Bpifrance nous ouvrira des portes. Les interlocuteurs institutionnels que nous rencontrons discutent volontiers avec quelqu’un qui a l’État à son capital. C’est un gage de confiance parce que cela implique un certain nombre de codes de gouvernance, de fonctionnement.
Vous définissez Galileo Global Education comme un industriel de l’éducation. En quoi ce secteur est-il une industrie ?
Industriel, c’est le mot le plus noble que nous pouvons employer. Cela veut dire que nous sommes des gens du métier. Par définition, l’industriel est un artisan à une échelle plus importante. Nous ne sommes ni un groupe financier ni des banquiers d’affaires.
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Nous représentons une proposition de valeur, une volonté de faire un peu bouger les lignes par la diversité des territoires géographiques et la variété des contenus pédagogiques, souvent sous l’angle de la pluridisciplinarité, proposés à nos étudiants. L’humanité a mis 6 500 ans à atteindre 200 millions d’étudiants et, en une génération, ce nombre doit doubler. Nous ne serons jamais assez d’acteurs, tant du côté public que du côté privé ou semi-privé, pour faire face à ce défi.
Nous ne faisons pas la même chose que nos compétiteurs européens qui amènent leurs marques en Afrique et imposent un modèle
Quelle est votre différence avec un réseau comme Honoris United Universities, contrôlé par le britannique Actis, par exemple ?
Je n’ai pas dit que nous étions les seuls à faire cela. Je dis que nous ne faisons pas la même chose que nos compétiteurs européens qui amènent leurs marques en Afrique et imposent un modèle. Nous préférons mettre en réseau l’ISM Dakar avec nos autres écoles de commerce pour que les unes profitent des autres.
Et quand un jeune Occidental veut aller au Sénégal, il ne va pas retrouver des professeurs qu’il connaît, mais plutôt des professeurs, enseignants-chercheurs et doctorants sénégalais avec leurs spécificités. Et vice-versa pour un Sénégalais qui veut se déplacer à l’étranger.
Plus spécifiquement, quelle est votre stratégie pour l’Afrique ?
Nous voulons être numéro un sur le continent. Au-delà des cinq grands vaisseaux amiraux que nous voulons implanter sous la bannière ISM ou sous une forme différente (par exemple via l’acquisition de nouvelles écoles), nous allons déployer partout sur le continent une éducation hybride en créant des centres d’apprentissage dans toutes les villes moyennes pour développer une offre locale. Le rachat du groupe Studi, qui est le leader de la formation en ligne en France, va dans ce sens.
Les contenus, dont certains sont diplômants, existent déjà. Et les dispositifs législatifs en Afrique de l’Ouest sont assez proches pour qu’une grande partie de ce qui concerne la gestion, la finance, la comptabilité ou le droit soit réutilisable. Nous allons donc créer dans les mois à venir, à partir de ce savoir-faire, des studios de production de contenus en Afrique pour fournir dans la partie francophone une offre d’e-learning massive en misant sur des centres d’apprentissage dans les villes moyennes.
Notre métier, c’est d’optimiser les moyens de production, être à l’écoute et réfléchir aux outils dont l’école a besoin pour se développer
Mais les étudiants pourront aussi suivre des cours magistraux et des cours de soutien, passer des examens, échanger physiquement avec d’autres apprenants dans ces centres, qui seront suffisamment grands pour pouvoir achever ces missions.
Galileo a racheté l’ISM Dakar en 2017. Vous étiez alors en concurrence avec cinq investisseurs, dont Emerging Capital Partners (ECP). Pourquoi Amadou Diaw, son fondateur, vous a-t-il choisi ?
Parce qu’il a fait le choix d’un industriel. Amadou le dit d’ailleurs lui-même. Il comprend ce que nous faisons, alors qu’il n’est pas sûr de comprendre ce que font les financiers. Il savait que nous n’allions pas changer les programmes ou licencier les professeurs les plus âgés parce qu’ils sont trop chers. Notre métier, c’est d’optimiser les moyens de production, être à l’écoute et réfléchir aux outils dont l’école a besoin pour se développer.
Nous apportons aussi des experts dans tous les domaines, des standards et des méthodologies cadrées
Un an après, qu’est-ce qui a changé à l’ISM Dakar ?
Nous avons 30 % d’élèves en plus et avons agrandi les locaux de 40 % en faisant des acquisitions ou en louant. Nous avons mis en place un outil de gestion de la relation client, des systèmes d’analyse financière et de comptabilité…
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Tout cela n’existait pas avant ?
C’était embryonnaire. Nous faisons cela avec toutes les écoles que nous rachetons. Amadou reconnaît lui-même que son modèle avait atteint ses limites et qu’il avait besoin de capitaux extérieurs. Nous apportons aussi des experts dans tous les domaines, des standards et des méthodologies cadrées.
Quels sont les projets futurs pour cette école ?
Nous avons sous la marque ISM amené Digital Campus, qui est l’un des plus gros réseaux français et européens d’acquisition de compétences digitales dans nombre de domaines, à la fois en marketing, mais aussi en création de site web et d’application numérique. Et cette marque va travailler avec l’ISM pour développer des cursus qui seront faits par les Africains et enseignés en Afrique, mais avec l’expertise de Galileo. Nous ferons gagner beaucoup de temps à l’ISM pour devenir un acteur crédible. Nous allons aussi développer des doubles diplômes avec nos écoles françaises.
Qu’en est-il du projet ISM Design ?
Il est en gestation, et cela va prendre du temps. Le design n’est pas forcément une voie à laquelle pensent les élèves du continent aujourd’hui. Les familles et les parents ne sont pas encore prêts.
L’Afrique du Nord est-elle une priorité ?
Tout le continent est une priorité. Si on parle de l’Afrique du Nord, nous regardons plus spécifiquement le Maroc. Aujourd’hui, c’est plus complexe d’aller en Algérie ou en Tunisie.
Qu’est-ce qui vous bloque, précisément ?
En Tunisie, il faut avoir 50 % du capital détenus par un entrepreneur local. Nous voulons bien avoir des associés, mais nous devons être majoritaires pour pouvoir prendre des décisions et éviter des négociations avec de trop nombreux interlocuteurs.
La zone anglophone vous intéresse-t-elle également ?
Nous ne faisons pas de différence entre anglophone et francophone. Si l’on suit les prévisions de l’ONU, la population va doubler d’ici à 2050. Lagos sera la plus grande ville du monde en 2100, avec 88 millions d’habitants. Il serait donc surprenant de laisser de côté un pays comme le Nigeria.
Formation continue, pas une priorité
Pour Galileo, développer la formation continue n’est pas une priorité. Marc-François Mignot-Mahon juge le potentiel du secteur encore trop limité pour un modèle rentable au regard de la taille de l’économie formelle et de la maturité des entreprises dans ce domaine.
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