Mondial 2022 : le Qatar soigne son empreinte écologique
À défaut de réels espoirs sportifs, le Qatar compte, à l’exemple de la Russie, faire du prochain Mondial une vitrine pour soigner son image. En mettant notamment l’accent sur l’éco-compatibilité. Reportage.
Chaleur accablante, travailleurs exploités et culture footballistique inexistante : sitôt annoncée, en 2010, l’attribution de l’organisation de la Coupe du monde 2022 au Qatar a suscité des critiques acerbes.
La volonté de ce richissime et minuscule pays d’accueillir un événement planétaire passait pour un caprice de cheikh dépensier. Pis : une aberration économique, sportive, humanitaire et écologique.
Tous les stades et centres d’entraînement à moins de deux heures
Sur ce dernier point, les communicants du Supreme Committee for Delivery & Legacy – l’instance qatarie chargée de l’organisation de l’événement – ont un argument tout trouvé : la superficie du pays. Moins de 12 000 km², environ la taille de la Gambie.
Les autorités ont aussi prévu l’ouverture de trois lignes de métro et de 37 stations d’ici à 2020
Les déplacements en avion entre deux villes n’ont donc pas lieu d’être. Dans le même temps, équipes, staffs, supporters et journalistes ont l’assurance de pouvoir rejoindre en moins de deux heures tous les stades et centres d’entraînement (voir la carte en bas d’article).
Pour compléter la panoplie d’une Coupe du monde « verte » dans un pays où chaque citoyen possède au moins une voiture, généralement très consommatrice, les autorités ont aussi prévu l’ouverture de trois lignes de métro et de 37 stations d’ici à 2020. Elles pourront transporter 600 000 passagers par jour.
Le tracé est conçu pour permettre aux supporters d’assister à deux rencontres par jour et de rejoindre n’importe quel stade en moins d’une heure à partir de l’aéroport Hamad. Les divers musées, malls et parcs d’attractions de l’émirat seront aussi desservis par le rail. Les organisateurs comptent sur cette occasion pour promouvoir le Qatar comme destination touristique en soi.
Températures minimales en journée autour de 25 °C
Les autorités ont également prévu un tramway, en cours de construction. Et elles ne comptent pas s’arrêter à la Coupe du monde : quelque 60 stations supplémentaires de métro doivent voir le jour d’ici à 2026. Une révolution copernicienne dans l’émirat, où l’usage des transports en commun est inconnu – sauf pour les cohortes d’ouvriers des innombrables chantiers.
Un détail et non des moindres, pour ceux qui se soucient de la planète – ou simplement du confort des spectateurs : le tournoi 2022 sera le premier à se dérouler en hiver (du 21 novembre au 18 décembre). Concept tout relatif dans la région puisque les températures minimales en journée tournent autour de 25 °C durant cette saison.
Le Qatar assure que l’empreinte carbone de son Mondial sera limitée
Mais les climatiseurs individuels – un par siège – que les détracteurs de la candidature qatarie se plaisaient à imaginer dans les stades ne seront pas de mise. Le Supreme Committee for Delivery & Legacy jure que les architectes ont prévu des structures innovantes, permettant à l’air frais de circuler harmonieusement et naturellement. Le Qatar assure ainsi que l’empreinte carbone de son Mondial sera limitée.
Une culture foot récente et pas très populaire
Le pays en a conscience : sa culture foot est récente et fragile, malgré les investissements tous azimuts du fonds qatari QSI. Les clubs locaux, dont les effectifs sont constitués de joueurs moyens et de stars sur le déclin venues chercher une dernière pige « tranquille » et rémunératrice au soleil, n’attirent pas les foules. Au point que les présidents de club n’hésitent pas à payer les spectateurs pour animer les gradins…
Dans ce contexte, est-il bien raisonnable de faire sortir de terre pas moins de 7 stades d’une capacité de 40 000 à 80 000 personnes, qui auront toutes les peines du monde à se remplir après l’événement planétaire ? L’Afrique du Sud, autrement plus peuplée que le Qatar, éprouve bien des difficultés à rentabiliser les stades de la Coupe du monde 2010.
Les stades des Jeux olympiques de 2004 à Athènes tombent peu à peu en ruine faute de trouver un emploi après l’événement.
L’émirat a donc imaginé pour répondre à ce défi plusieurs solutions, dont des stades modulables, ou des reconversions en centres éducatifs et shopping malls. « Des parties entières des stades pourront être démontées et expédiées à des pays en voie de développement », assure la vidéo promotionnelle du projet.
Conditions de travail critiquées et manque de main d’oeuvre
Autour des stades, de véritables quartiers vont sortir de terre, où l’on trouvera centres sportifs et médicaux, écoles et supermarchés.
Un système d’organisation de travail chaotique, non professionnel, non réfléchi et vraiment dangereux
Huit stades sont ainsi prévus – le minimum requis par la Fifa –, dont sept doivent entièrement sortir de terre et un seul est d’ores et déjà rénové. Ce dernier, le stade international Khalifa, accueillera aussi, en 2019, les Championnats du monde d’athlétisme.
Tant de chantiers, actifs nuit et jour, ont besoin de bras. Et c’est là que le bât blesse pour le Qatar, fréquemment accusé par les ONG de négliger la sécurité de ses travailleurs, pour la plupart originaires du sous-continent indien. Le chantier du stade Khalifa a été épinglé dans l’enquête de la médecin légiste Veronica Hamilton-Deeley, qui dépeint un système d’organisation « chaotique, non professionnel, non réfléchi et vraiment dangereux ».
Le Qatar a réponse à tout
Le Supreme Committee, de son côté, met en avant ses « standards de protection des ouvriers » constamment mis à jour, en coordination avec des ONG aussi regardantes que Human Rights Watch et Amnesty International. Parmi les mesures promues, la mise en place d’un numéro de téléphone qui permet aux ouvriers de dénoncer anonymement les manquements à ces standards.
Progrès réels ou communication maîtrisée, une chose est sûre : le Qatar a réponse à tout.
Le ciment de la discorde
L’embargo saoudien a-t-il ralenti la préparation du Qatar pour le Mondial 2022 ? Les chantiers n’auraient connu « aucune interruption », répondent les communicants du Supreme Committee for Delivery & Legacy.
Les grands groupes du BTP qui y travaillent auraient immédiatement fait marcher leurs sources alternatives d’approvisionnement en matériaux. L’organisation assure même qu’in fine le ciment chinois importé par bateau coûterait moins cher que le ciment saoudien, qui arrivait par la route avant le blocus.
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