Électricité au Nigeria : des banques inquiètes pour leurs créances

Chez les banquiers nigérians, l’évolution de l’état de santé du secteur de l’électricité tourne à l’obsession.

Sièges de United Bank for Africa Ltd et de Wema Bank Plc, à Lagos. © George Osodi/Bloomberg via Getty Images

Sièges de United Bank for Africa Ltd et de Wema Bank Plc, à Lagos. © George Osodi/Bloomberg via Getty Images

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Publié le 15 juillet 2018 Lecture : 2 minutes.

Lignes électriques à haute tension sur le site d’Egbin, près de Lagos, le 4 décembre 2015. © Akintunde Akinleye/REUTERS
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Électricité : le Nigeria face à l’échec de la privatisation du secteur

Le secteur de l’électricité est au bord du gouffre au Nigeria. Un état des lieux inquiétant, cinq ans après une grande réforme de privatisation que l’État n’a pas su accompagner.

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Et ces derniers mois, les nouvelles ne sont pas bonnes du tout. Parce qu’ils ne sont que partiellement payés par les sociétés de distribution, les producteurs d’électricité cumulent, selon Joy Ogaji, secrétaire exécutive de l’Association des compagnies productrices d’électricité, une dette de 1 000 milliards de nairas (2,36 milliards d’euros), dont 70 % sont dus à leurs fournisseurs de gaz.

De fait, plusieurs grandes banques du pays craignent qu’une partie des crédits octroyés au secteur ne soit pas remboursée. Le montant des financements accordés en 2014, un an après la privatisation, était estimé à 5 milliards de dollars par les analystes CSL Stockbrokers, une filiale du groupe financier FCMB. En février 2017, un rapport de United Capital chiffrait l’exposition des principales banques à 1,7 milliard de dollars. Fidelity Bank et UBA figurent, selon Omotola Abimbola, analyste au sein du département recherche d’Ecobank, en tête des établissements cumulant le plus de risques avec respectivement 11,8 % et 10 % de leurs portefeuilles de prêts consacrés au secteur de l’électricité. Viennent ensuite, parmi les plus exposés, Union Bank (9 %), Diamond Bank (7 %) et FCMB (6,5 %).

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Dégradation de la gouvernance du secteur

« Toutes les banques ne sont pas affectées. Certaines, comme Guaranty Trust Bank et Stanbic IBTC, ont préservé leurs portefeuilles des créances en difficultés du secteur de l’électricité », nuance Jubril Kareem, directeur de la recherche énergétique du groupe Ecobank. L’exposition des banques au secteur de l’électricité reste globalement limitée, autour de 5 % de leurs portefeuilles. « On est loin des niveaux d’engagement pris en faveur du secteur des hydrocarbures (35-45 %) au moment de la chute des cours pétroliers au tournant de la décennie », ajoute Omotola Abimbola.

Le plus inquiétant est que les banques exposées ne disposent pas toujours de solides garanties sur ces dettes

Pour les banques exposées, le plus inquiétant est qu’elles ne disposent pas toujours de solides garanties sur ces dettes et qu’elles vont devoir faire d’importantes provisions. « C’est lié à diverses raisons, comme la dévaluation du naira et le non-achèvement de certains projets pris comme collatéraux », explique Laureen Kouassi-Olsson, responsable du secteur financier pour la société d’investissement Améthis. « Les risques sont d’autant plus grands qu’ils se concentrent sur un petit nombre de clients », constate Yoann Lhonneur, directeur associé de Devlhon Consulting. Les observateurs font en outre état d’une dégradation de la gouvernance du secteur qui a coïncidé avec le limogeage de Lamido Sanusi à la tête de la Banque centrale.

Entorses aux règles en vigueur

Une analyse confirmée par les récentes mises en garde de la Nigeria Deposit Insurance Corporation, l’un des organes de régulation du secteur bancaire, qui pointe la faiblesse des contrôles internes et la multiplication des entorses aux règles en vigueur. Face au risque encouru par les établissements dans le secteur de l’électricité, la Banque centrale avait annoncé l’an dernier le déblocage d’une garantie de 701 milliards de nairas pour les dettes courant sur une période allant de janvier 2017 à décembre 2018. Si aucune amélioration n’est attendue à moyen terme, les banques peuvent au moins se réjouir de l’évolution positive des secteurs agricole et pétrolier, eux aussi très présents dans leurs portefeuilles de créances.

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