Tunisie – Ghazi Jeribi : balance ou képi, il faut choisir

Depuis le 6 juin, Ghazi Jeribi cumule les fonctions de ministre tunisien de la Justice et de l’Intérieur. Une double casquette qui fait désordre.

Depuis le 6 juin, Ghazi Jeribi cumule les fonctions de ministre de la Justice et de l’Intérieur. © Ons Abid pour JA.

Depuis le 6 juin, Ghazi Jeribi cumule les fonctions de ministre de la Justice et de l’Intérieur. © Ons Abid pour JA.

Publié le 16 juillet 2018 Lecture : 3 minutes.

Les critiques redoublent de vigueur depuis l’attaque terroriste de Ghardimaou. Le dimanche 8 juillet, à la frontière tuniso-algérienne, six agents de la Garde nationale périssent dans une attaque qui rappelle à la Tunisie la survivance du terrorisme sur le territoire.

Quelques heures s’écoulent avant que n’apparaisse Ghazi Jeribi à la télévision. Il promet une lutte sans merci contre les terroristes : « Nous les poursuivrons jusque dans leurs trous et nous vengerons nos martyrs ! » Est-ce le représentant de la police ou celui des magistrats qui parle ? Tollé sur les réseaux sociaux, où l’on peut lire que « la vengeance est d’un autre temps. Il s’agit de sécurité et du respect de la Constitution d’un État de droit démocratique ».

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Un intérim qui dure

Ce sont les limites de la double casquette de Jeribi. Depuis le 6 juin, le ministre de la Justice assure en parallèle l’intérim à l’Intérieur, après l’éviction de Lotfi Brahem. Initialement, le chef du gouvernement, Youssef Chahed, voulait s’épargner un remaniement qui l’aurait contraint à solliciter de nouveau la confiance d’une Assemblée des représentants du peuple (ARP) où de nombreux groupes parlementaires lui sont hostiles. Depuis, le provisoire dure.

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Est-il possible de gérer simultanément les volets sécuritaire et judiciaire sans risque de défaillances ? Jeribi a-t‑il eu les yeux plus gros que le ventre ? Son prédécesseur, Lotfi Brahem, avait été évincé après la mort de 84 clandestins dans le naufrage de leur embarcation au large de Kerkennah. Certains font même un lien direct entre l’attaque de Ghardimaou et la refonte de l’appareil sécuritaire par Jeribi.

En un mois, le ministre a en effet nommé 300 cadres. Il a beau expliquer qu’il n’a fait que pourvoir des postes vacants, il peine à convaincre. Car l’attaque a lieu au démarrage de la saison touristique, dans une zone frontalière sensible que s’apprêtent à traverser quelque 2 millions de touristes algériens attendus en Tunisie.

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Entorse à la Constitution

« Il y a toujours eu des bavures sans que le ministre de l’Intérieur soit limogé, balaie l’avocat Mehdi Bouaouaja. Le départ de Brahem est une décision politique demandée par un parti. Mais pourquoi Youssef Chahed n’a-t‑il pas pris cette responsabilité puisque la loi lui confère des prérogatives sécuritaires ? »

Au-delà de la charge de travail du ministre de la Justice, qui doit assainir un secteur aussi corrompu que sclérosé, se pose une question de principe. La Constitution consacre dans son préambule le « principe de la séparation des pouvoirs et de leur équilibre ». Et le cas Jeribi constitue une entorse caractérisée à cette règle.

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« Le cumul de ces deux qualités, fût-ce par intérim, crée une ambiguïté qui doit être levée », recommande Mohamed Salah Ben Aïssa, prédécesseur de Jeribi à la Justice. Car si la Constitution consacre l’indépendance des juges, le code de procédure pénale fait du ministre de la Justice le chef du parquet. Ce qui peut créer des situations de conflit d’intérêts.

« Quand, après une instruction ouverte sur ordre du parquet, c’est‑à-dire du procureur de la République, les juges d’instruction émettent une commission rogatoire pour que la police judiciaire, placée sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, procède à une enquête, cela compromet la sérénité du traitement d’une affaire », décrypte Mohamed Salah Ben Aïssa.

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