Littérature : exil et ecstasy dans « Génie et Paul » de Natasha Soobramanien

Anglaise d’origine mauricienne, Natasha Soobramanien publie un premier roman, « Génie et Paul », où le chagrin propre aux déracinés influe sur le destin des personnages.

L’écrivaine Natasha Soobramanien, à Paris. © MANTOVANI/Gallimard

L’écrivaine Natasha Soobramanien, à Paris. © MANTOVANI/Gallimard

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Publié le 21 juillet 2018 Lecture : 2 minutes.

Pour son premier roman, Genie et Paul, Natasha Soobramanien, née à Londres de parents mauriciens, a pris pour point de départ Paul et Virginie, de Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre. Une édition du classique de la littérature française du XVIIIe siècle, qui se déroule dans l’île Maurice, traverse les vies de Genie et Paul, frère et sœur nés de pères différents.

Dans cette mise en abyme, si amour il y a entre les deux personnages, ce n’est pas au sens romantique du livre de Bernardin de Saint-Pierre. La relation entre Genie et Paul, fusionnelle, est aussi tourmentée que leur histoire familiale, marquée par l’exil de l’île Maurice pour Londres et la recomposition de la famille, qui fragilise d’autant plus l’enracinement en Grande-Bretagne.

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Cyclone et frère disparu

Le jour où le cyclone Kalunde a causé de sévères dégâts matériels sur l’île de Rodrigues en 2003, Genie se réveille à quelques milliers de kilomètres de là, dans un hôpital londonien.

Paul a développé un sagren, mot créole qui caractérise le chagrin propre aux déracinés

La jeune femme de 26 ans, originaire de l’île Maurice, est sauve, mais son frère, Paul, avec qui elle était sortie dans un club, a disparu. Elle part sur ses traces en interrogeant ses proches, qui lui révèlent des pans de son histoire et reconstituent une personnalité marquée par cet arrachement à la terre natale dont il ne s’est jamais remis. Paul a développé un sagren, mot créole qui caractérise le chagrin propre aux déracinés.

Drogues

Ecstasy et autres drogues accompagnent ses pulsions autodestructrices, dans lesquelles il entraîne tous ceux qui l’entourent. Genie, abandonnée inconsciente par son frère, est une victime de plus de la longue liste des dommages collatéraux du spleen et de la fuite en avant perpétuelle de Paul.

Le jeu de piste donne à découvrir à travers les destins contrastés de Genie et Paul le flottement des acculturés

L’enquête au présent de Genie lui fait découvrir différents moments du passé ayant marqué le destin de Paul. Tout d’abord personnage en creux, lors d’une première partie qui prend le point de vue de Genie, Paul apparaît, évanescent, à travers les histoires de ses proches, pour prendre corps dans la deuxième partie, avant que les deux ne se mêlent dans la troisième et dernière partie.

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Le jeu de piste donne à découvrir à travers les destins contrastés de Genie et Paul le flottement des acculturés. C’est une histoire de chair et d’atmosphère, où s’affirme la plume subtile de Natasha Soobramanien, traduite de l’anglais par la romancière mauricienne Nathacha Appanah.

Extrait

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« Rodrigues était l’île sœur de l’île Maurice et Paul était son île frère : lointain, complètement isolé et pourtant connecté et dépendant d’elle, comme Rodrigues de Maurice. Elle réalisa tout à coup qu’elle avait pensé cela toute sa vie : elle était soi-disant la petite sœur, la plus jeune, la moins intelligente. Mais elle savait, et Paul aussi le savait, qu’elle était la plus forte. Est-ce parce qu’elle était la cadette ? Paul avait été seul pendant les cinq premières années de sa vie. Son arrivée a dû changer son monde. Genie n’avait jamais connu un tel bouleversement et ne connaîtrait jamais la solitude qu’il avait connue avant sa naissance. »

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