Le match de la semaine : Mongi Harbaoui face à Ons Hattab en Tunisie

Tous les deux affirment être la voix légitime de Nidaa Tounes. La cacophonie entre Mongi Harbaoui, député de la formation, et Ons Hattab, porte-parole du mouvement, est un signe de plus de la crise qui déchire ce parti.

 © Jeune Afrique

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CRETOIS Jules

Publié le 25 juillet 2018 Lecture : 3 minutes.

C’est par un selfie qu’il a tenu à rappeler son influence et son entregent. Ce 11 juillet, Mongi Harbaoui, député de Nidaa Tounes, capture son sourire dans la cour ensoleillée du palais de Carthage, siège de la présidence tunisienne. Manière de rappeler son autorité alors que, ce même jour, onze membres du comité politique de son parti ont élu l’une de leurs députées, Ons Hattab, porte-parole du mouvement. Depuis près de deux ans pourtant, ce rôle échoit à Harbaoui. La crise que traverse Nidaa est désormais patente : le mouvement a deux voix, dont chacune s’estime légitime.

« Si l’on s’en tient aux statuts, c’est Hattab la ­porte-parole », assure le député Taieb Medni. Au siège du parti présidentiel, la question agace. « Il n’y a pas d’autre porte-parole que Mongi », nous répond sur un ton ferme une chargée de communication. L’affrontement ne saurait pourtant être réduit à une argutie juridique. D’abord, les styles diffèrent. Harbaoui est beaucoup plus offensif que sa rivale. Ses piques visent Sihem Bensedrine, présidente de l’Instance Vérité et Dignité (IVD), l’une des principales institutions de la transition. Mais certaines de ses publications sur Facebook sont moins directes. Elles sont même sibyllines, histoire de faire monter la sauce.

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Ons Hattab, elle, est l’incarnation de la discipline. Après quelques interventions médiatiques jugées prometteuses, ses camarades l’ont élue pour redorer le blason d’un parti victime de multiples couacs de communication. Ainsi, dans la foulée des élections municipales, en mai, Fouad Bouslama, que de nombreux médias présentaient comme le porte-parole de Nidaa Tounes, prétendait, en évoquant la candidate islamiste à la mairie de Tunis – élue entre-temps –, qu’une femme n’avait pas les compétences pour gérer une capitale. « Comment de tels discours peuvent-ils émaner de nos rangs et viser des islamistes, qui, eux, présentent des candidates ? » s’était alors étonnée la députée nidaouie Sana Salhi dans nos colonnes.

Ce serait pour mettre fin à ces bévues que onze membres du comité politique disent s’être réunis, du 9 au 11 juillet… pour la première fois depuis plus d’un an. « On ne pouvait plus laisser le parti dans cet état », plaide Hattab. Relancer une dynamique militante exige, estiment certains, qu’un congrès soit organisé rapidement. Ceux qui ont élu Hattab ont arrêté une date, les 29 et 30 septembre. Mais l’autre bord s’y oppose, au motif que la commission de préparation n’a pas encore été installée. « Nous n’avons aucune date de congrès », assure le « canal officiel » d’un parti désormais coupé en deux. Deux voix. Deux voies. Car qui dit congrès, dit direction.

Forces équivalentes

Or c’est bien de pouvoir dont il est question ici. Harbaoui est un proche de Hafedh Caïd Essebsi, le fils du président et, par ailleurs, coordinateur général de Nidaa. Dans un communiqué orné du logo du mouvement, il a critiqué l’élection de Ons Hattab, jugée sans valeur.

Dorénavant, au sein du parti, qui ne dispose pas pour le moment de secrétaire général, les différentes instances se toisent : le bureau national accuse le comité politique de n’être qu’une minorité aux méthodes contestables, quand ce dernier prétend incarner l’ADN du parti. Chaque camp, dont les forces semblent équivalentes, en appelle à l’unité et à l’efficacité. « Nous devons tendre la main aux déçus, qui se sont présentés sur des listes indépendantes aux municipales alors qu’ils partagent notre projet », suggère Taieb Medni. Mais Nidaa est-il encore en mesure de séduire des partenaires ? Redoutable machine électorale il y a encore quatre ans, le parti fait désormais figure de formation politique la plus brouillonne de Tunisie.

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