RDC : opération reconquête pour Jean-Pierre Bemba
À la faveur de son acquittement par la CPI, l’ancien chef de guerre doit enfin rentrer en RDC. Objectif : la présidentielle, prévue le 23 décembre.
« En dix ans, que l’on soit dehors ou enfermé dans une prison, personne ne reste le même. Mais j’ai été surpris de retrouver Jean-Pierre Bemba avec le même grand sens de l’humour. » C’est un visiteur du soir qui raconte ses retrouvailles avec l’ancien chef de guerre congolais, acquitté début juin, à la surprise générale, des chefs d’accusation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale (CPI).
« Il a cependant pris beaucoup de recul », assure ce proche de la famille du leader du Mouvement de libération du Congo (MLC). Une sérénité que le « chairman » doit, en grande partie, à son épouse Liliane, très croyante. « En l’absence de Bemba, elle a assumé avec responsabilité le rôle du père et de la mère auprès de leurs cinq enfants », poursuit notre interlocuteur. Aurait-elle aussi assagi son mari ? De l’avis de nombre d’observateurs, c’est un « Jean-Pierre Bemba nouveau » qui s’apprête à briguer, pour la deuxième fois, la magistrature suprême en RD Congo.
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« Sa seule préoccupation, aujourd’hui, est de proposer au peuple un pacte de responsabilité notamment pour mettre fin à cette dichotomie persistante entre un pays potentiellement riche et une population extrêmement pauvre », commente Jean-Jacques Mbungani, en charge de la diplomatie du parti.
À Bruxelles, où il séjourne depuis sa libération conditionnelle, Bemba a confirmé son arrivée, le 1er août, à Kinshasa. Il se rendra le 4 août à Gemena, dans le nord-ouest du pays, où a été inhumé son père pendant sa détention. Son parti mobilise les Kinois pour l’accueillir. Mais le leader du MLC, qui est resté très populaire dans l’agglomération et dans la partie occidentale du pays, veut éviter tout triomphalisme.
Si Kabila espère conclure un deal avec lui, il se met le doigt dans l’œil
La capitale congolaise, il l’a quittée il y a onze ans, à l’issue des combats entre ses troupes et celles du président Joseph Kabila, épilogue du second tour de la présidentielle de 2006. Bemba laisse entendre que ce passé est derrière lui. Le ton mesuré, il s’abstient désormais de froisser son rival. Il ne pense pas moins à sa revanche. « Si Kabila espère conclure un deal avec lui, il se met le doigt dans l’œil », prévient un ancien ministre proche de Bemba.
Toujours est-il que les autorités congolaises se sont montrées particulièrement attentives aux sollicitations de l’opposant depuis sa sortie de prison. Un passeport diplomatique lui a été promptement délivré, en sa qualité de sénateur élu en 2007, et Kinshasa ne s’oppose pas au retour de ce poids lourd dans l’arène politique.
Tractations
Mais s’il n’a pas prévu de meeting populaire, Bemba compte bien profiter de son court séjour pour approcher d’autres leaders de l’opposition. Objectif : entamer des négociations en vue d’une candidature commune pour le scrutin, à un seul tour, prévu le 23 décembre. « Nous avons des contacts permanents avec l’Union pour la nation congolaise (UNC), de Vital Kamerhe », assure Fidèle Babala, secrétaire général adjoint du MLC.
Et si ces tractations aboutissent, Bemba pourrait ainsi compter sur l’électorat de Kamerhe dans l’Est. Dans cette moitié du pays, les années de rébellion du MLC, entre 1998 et 2003, n’ont toutefois pas laissé que des bons souvenirs.
« Mais tout le monde déposera d’abord sa candidature d’ici le 8 août [date limite pour la réception des dossiers à la Commission électorale nationale indépendante (Ceni)]. Ensuite, on verra qui est le plus à même de gagner face au candidat de l’actuelle majorité, et les autres devront se retirer pour le soutenir », se projette déjà le bras droit de Bemba, confiant quant aux « qualités de rassembleur » de son leader.
Tout pardonner
Le MLC, qui évolue aux côtés de l’Union des démocrates mobutistes (Udemo) au sein d’un même groupe parlementaire, espère aussi obtenir, très rapidement, le ralliement du chef de ce parti allié, l’ancien vice-Premier ministre Nzanga Mobutu. En 2006, ce dernier, arrivé quatrième au premier tour de la présidentielle, avait appelé à voter pour Kabila.
Les discussions s’annoncent cependant compliquées avec l’opposant en exil Moïse Katumbi, qui, jusqu’à peu, semblait reprendre le leadership de l’opposition après le décès, à Bruxelles, de l’emblématique Étienne Tshisekedi. Candidat déclaré à la présidentielle à venir, malgré ses ennuis politico-judiciaires, le dernier gouverneur du Katanga s’est aujourd’hui entouré de quelques anciens lieutenants de Bemba.
Parmi eux : Olivier Kamitatu, son directeur de cabinet et porte-parole, soupçonné par le MLC d’avoir témoigné à charge contre son ancien patron devant la CPI. Ce que l’intéressé conteste. Le « Bemba nouveau », lui, prône « l’unité de l’opposition ». Sera-t-il prêt à tout pardonner ?
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