Angola : Abel Chivukuvuku, le troisième homme
Ancien cadre de l’Unita, Abel Chivukuvuku a fondé une coalition pour en finir avec la domination des ex-groupes armés. Son objectif : fédérer l’opposition pour les élections locales de 2020.
Du haut de son mètre quatre-vingt-dix, Abel Chivukuvuku, 60 ans, reçoit dans le bureau rempli de livres de sa villa luandaise. Grand lecteur, cet ambitieux a su propulser une coalition d’indépendants et de petits partis au rang de troisième force du pays, derrière le Mouvement populaire pour la libération de l’Angola (MPLA, au pouvoir) et son adversaire historique, l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita).
La Grande convergence pour le salut de l’Angola – Coalition électorale (Casa-Ce) a fait élire l’an dernier seize députés aux élections générales (le double de son score de 2012).
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Né à Luvemba dans la province ovimbundu de Huambo (Plateau central), éduqué par une mission évangélique, Abel Epalanga Chivukuvuku rejoint, à 17 ans, le leader de l’Unita, Jonas Savimbi, comme la plupart des jeunes de la région. La guerre civile entre les principaux groupes indépendantistes éclate un an plus tard, en 1975.
Le monde avait changé, mais l’Unita était restée un ghetto ethnique et culturel
D’abord officier de contrôle aérien, il rejoint en 1979, la cellule de communication internationale, établie à Kinshasa. Lorsque Mobutu expulse l’Unita, qu’il accuse d’avoir fomenté un coup d’État, Chivukuvuku devient envoyé spécial de Savimbi auprès des chefs d’État et sillonne les capitales occidentales. La guerre froide est une période faste pour le mouvement, soutenu par l’Ouest dans sa lutte contre le MPLA, appuyé par l’Est.
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Ghetto ethnique et culturel
Lorsque la paix se profile, Chivukuvuku rejoint Luanda pour participer à la Commission conjointe chargée d’organiser les élections de 1992. L’Unita perd dans les urnes et reprend les armes. Blessé lors de combats dans la capitale, il est fait prisonnier par le MPLA et torturé.
En 1994, après les accords de Lusaka, il retrouve le maquis et Jonas Savimbi. De plus en plus paranoïaque, ce dernier se méfie de ce quadra bien formé resté longtemps auprès de l’ennemi. Nommé président du groupe parlementaire de l’Unita sous le gouvernement d’union et de réconciliation nationales en 1997, Chivukuvuku prend ses distances.
Cinq ans plus tard, Savimbi meurt dans une attaque du MPLA menée grâce aux renseignements… américains. Le bloc soviétique s’est écroulé, l’apartheid a fait place à la nation Arc-en-Ciel, les luttes idéologiques se sont noyées dans le pétrole… « Le monde avait changé, mais l’Unita était restée un ghetto ethnique et culturel », regrette-t-il.
Député, chargé par le nouveau président de l’Unita, Isaías Samakuva, de la campagne électorale de 2004, il rompt peu à peu avec le mouvement, jugeant que le pays s’enfonce dans un bipartisme malsain. Mais Isaías Samakuva rappelle que Chivukuvuku, candidat à l’élection interne, a échoué à prendre la tête du parti. L’intéressé, lui, estime que sa carrière a été bloquée. En 2012, il rend sa carte et fonde la Casa-Ce.
L’une de ses plus belles prises est une figure historique du MPLA, l’amiral André Mendes de Carvalho, dit Miau, député et numéro deux de la coalition. Cet assemblage fragile résiste pour l’instant aux guerres d’ego. Son prochain challenge : convaincre l’Unita, comme le reste de l’opposition, de faire front commun lors des premières élections locales, en 2020. « Nous sommes à l’origine de cette initiative », répond un député de l’Unita, comme pour rappeler que Chivukuvuku n’a pas le monopole des bonnes idées.
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