RDC – Ebola : un vaccin miracle ?

Confrontée à deux nouvelles flambées du virus, la RD Congo utilise un antidote élaboré lors de l’épidémie ouest-africaine. Et ceux qui l’ont reçu ont été épargnés.

Traitement du personnel de santé à Mbandaka, 
en juin 2018. © Sven Torfinn/PANOS-REA

Traitement du personnel de santé à Mbandaka, en juin 2018. © Sven Torfinn/PANOS-REA

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Publié le 12 août 2018 Lecture : 5 minutes.

L’impitoyable virus Ebola a-t-il enfin trouvé son antidote ? Depuis sa découverte, en 1976, cette fièvre hémorragique a frappé à dix reprises en RD Congo, dont deux flambées ces quatre derniers mois. Pour la première fois, le pays a riposté avec des campagnes de vaccination. Il ne s’est toutefois pas agi de déployer des agents de santé, grosses seringues à la main, à travers tout le pays pour injecter des doses préventives à des enfants apeurés, comme ce fut le cas pour la poliomyélite ou la rougeole il y a une trentaine d’années. Le vaccin contre Ebola nommé Recombinant vesicular stomatitis virus-Zaïre Ebola virus (rVSV-Zebov) en est encore à sa phase expérimentale. « Il n’est pas encore homologué, explique-t-on à l’OMS. Mais il demeure une alternative viable et s’est avéré suffisamment sûr et efficace pour être utilisé. »

Une homologation qui pourrait encore prendre « quelques années ». « Mais le vaccin nous est tout de même donné à titre compassionnel, pour nous permettre de sauver des vies en danger », ajoute Guillaume Ngoie Mwamba. Ce médecin, directeur du Programme élargi de vaccination (PEV), met en place les structures de base – personnel compris – et assure la coordination dans le cadre de la lutte contre le virus sur le terrain.

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Lorsque la première flambée s’est confirmée, le 8 mai 2018, dans l’Équateur, dans le nord-ouest du pays, le danger de propagation dans d’autres régions, voire dans des pays voisins, est apparu très élevé. Des cas sont alors signalés dans deux villages, Bikoro et Iboko, au même moment, et le virus menace d’emblée Mbandaka, un grand centre urbain qui échange régulièrement via le fleuve Congo avec la capitale Kinshasa, agglomération de plus de 12 millions d’habitants.

Nous avons trouvé une population désespérée

À Itipo, bourgade perdue dans la forêt tropicale et épicentre de l’épidémie, c’est l’effroi. « Nous y avons trouvé une population désespérée. Ebola venait de toucher des personnes de référence de la cité : l’infirmier titulaire du centre de santé du village n’a pas survécu », raconte Billy Sivahera Muyisa, chef de mission de l’Alima (Alliance for the International Medical Action), déployée sur place.

Déjà présente en RD Congo depuis quelques années, cette ONG médicale humanitaire a renforcé son équipe locale grâce à des experts venus de Guinée. En concertation avec l’OMS, qui lui apporte un appui logistique et technique dans cette épreuve, Kinshasa opte alors, très rapidement, pour le recours au rVSV-Zebov. Objectif : couper la chaîne de transmission.

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Génétiquement modifié

Les premiers tests de grande ampleur de ce vaccin, réalisés en Guinée en 2015, s’étaient avérés satisfaisants. À l’époque, l’Afrique de l’Ouest est foudroyée par le virus : plus de 11 000 morts depuis 2013. Le recours, bien que tardif, au rVSV-Zebov permet de stopper l’épidémie. Sur les 4 123 volontaires vaccinés immédiatement après avoir été en contact avec les personnes infectées, aucun cas de condamnation n’est alors détecté.

Entre-temps, dès la fin du mois de janvier 2016, en marge du Forum économique mondial de Davos, la superpuissante Gavi, l’Alliance du vaccin, mise en place en 2000 par la Fondation Bill-et-Melinda-Gates, approche Merck & Co, laboratoire pharmaceutique américain producteur du rVSV-Zebov. Un contrat d’achat anticipé est alors conclu : Gavi s’engage à verser 5 millions de dollars (4,3 millions d’euros) au laboratoire pour l’aider à poursuivre le développement du vaccin.

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De son côté, le laboratoire accepte de mettre à disposition 300 000 doses de rVSV-Zebov, prêtes à être utilisées pour des vastes essais cliniques ou à être expédiées d’urgence dans les zones touchées. Les deux partenaires n’attendaient plus qu’une nouvelle flambée de la fièvre hémorragique pour déployer leur dispositif. C’est ainsi qu’un total de 7 560 doses du vaccin anti-Ebola de Merck ont été immédiatement expédiées en RD Congo pour combattre la flambée dans l’ex-province de l’Équateur. Et ce « gratuitement », précise-t-on à l’OMS.

Fabriqué par des chercheurs de l’Agence de la santé publique du Canada (PHAC), ce rVSV-Zebov est « constitué d’un virus animal causant des syndromes de type grippal chez les humains, décrit Billy Sivahera Muyisa. Ce dernier a été génétiquement modifié pour contenir une protéine du virus Ebola Zaïre de sorte qu’il soit capable de provoquer une réponse immunitaire contre la fièvre hémorragique. »

Consentement éclairé

Pour l’administrer, l’OMS a formé des agents de santé locaux du PEV, soutenus par Médecins sans frontières Suisse et une trentaine d’experts guinéens. « À Bikoro, Iboko et Mbandaka, nous avons lancé une campagne de vaccination en ceinture : nous avons ciblé les personnes en contact direct avec les malades, personnel médical compris, ainsi que leur entourage », explique Ngoie Mwamba. Au total, 3 481 personnes ont été vaccinées dans cette partie du pays.

« Chacune d’elles a signé un formulaire de consentement éclairé », souligne le docteur Hilaire Manzibe, directeur de l’hôpital de Wangata, à Mbandaka. Et, si « quelques réactions bénignes – fièvre, fébrilité et douleur localisée – ont été constatées, aucune n’a été contaminée », assure le médecin, qui a lui-même été vacciné. Le rVSV-Zebov a ainsi contribué à endiguer l’épidémie.

Entre le 8 mai et le 23 juillet, Ebola aura quand même tué 33 personnes. Durant la même période, « 54 cas ont été rapportés, dont 38 confirmés et 16 probables, soit un taux de létalité de 61 % », précise un expert du ministère congolais de la Santé.

Le vaccin de Merck est un complément à nos méthodes traditionnelles de riposte contre Ebola

Après un bref répit, l’épidémie s’est déclarée à l’extrême est du pays, dans le Nord-Kivu (lire ci-contre), déjà en proie à l’activisme des groupes armés nationaux et étrangers. Même si son génome n’est pas lié à celui du virus qui a frappé l’Équateur, les autorités sanitaires ont décidé de lancer, à partir du 8 août, une nouvelle « vaccination en ceinture » au rVSV-Zebov.

Mais le vaccin seul ne peut rien contre Ebola. « Il n’est qu’une des composantes de la lutte, aux côtés des molécules thérapeutiques, de la prise en charge et de la surveillance active des cas, de la coordination des acteurs… », insiste Sivahera, dont l’ONG installe des « chambres d’urgence bio-sécurisée » dans les villages touchés.

« Le vaccin de Merck est un complément à nos méthodes traditionnelles de riposte contre Ebola : fournir du matériel de protection pour le personnel médical et éduquer la population pour qu’elle adopte des bonnes pratiques, notamment en enterrant de façon sécurisée ses morts », confirme le professeur Jean-Jacques Muyembe, coordinateur de l’Institut national de recherche biomédicale (INRB). Ce dernier faisait partie de l’équipe des premiers chercheurs qui s’étaient rendus sur le terrain lors de la première apparition d’Ebola, sous-type Zaïre, à Yambuku. Quarante-deux ans plus tard, il se bat toujours contre le virus.

Beni réclame ses doses

Dans le territoire de Beni, où l’épidémie Ebola a été déclarée le 1er août, le premier lot de 3 200 doses de rVSV-Zebov a été expédié. Mais la société civile locale réclame une « vaccination collective et non sélective ». « Nous devons être prudents et nous en tenir strictement au protocole, qui ne nous autorise pas encore à vacciner toute la population », répond Guillaume Ngoie Mwamba, médecin directeur du Programme élargi de vaccination (PEV).

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