Côte d’Ivoire : et Simone Gbagbo ralluma la flamme

La libération, le 8 août dernier, de l’ancienne Première Dame, Simone Gbagbo, pose autant de questions qu’elle ne résout d’équations.

L’ancienne première dame à son arrivée dans la résidence familiale des Gbagbo, à Abidjan, le 8 août. © ISSAM ZEJLY – TRUTHBIRD MÉDIAS

L’ancienne première dame à son arrivée dans la résidence familiale des Gbagbo, à Abidjan, le 8 août. © ISSAM ZEJLY – TRUTHBIRD MÉDIAS

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Publié le 13 août 2018 Lecture : 3 minutes.

Ils l’attendaient depuis si longtemps que certains n’ont pas voulu y croire. Mais oui, c’est bien elle qui descend du 4×4 sable de la gendarmerie ivoirienne, ce mercredi 8 août, à 12 h 30, saluant dans un joyeux désordre les centaines de partisans venus l’accueillir dans la résidence familiale des Gbagbo, à Abidjan. Elle est émue, c’est évident, mais son sourire est empreint d’une pudeur que ses proches connaissent.

Après sept ans d’incarcération, d’abord en résidence surveillée à Odienné, puis à l’école de gendarmerie, au cœur de la capitale économique, voilà Simone Gbagbo de retour parmi les siens. Amnistiée deux jours auparavant par Alassane Ouattara, celui-là même qu’elle surnommait « le chef des bandits » pendant la crise.

Militants, militantes, levez-vous. On est partis, on est partis et on ne s’arrêtera pas

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Sous l’auvent de la maison, quand on lui « demande les nouvelles », l’ex-Première dame ne peut s’empêcher de prononcer un discours mobilisateur et déterminé : « La refondation a commencé. Aujourd’hui, toutes les choses sont nouvelles. Militants, militantes, levez-vous. On est partis, on est partis et on ne s’arrêtera pas », lance-t-elle. À 69 ans, on ne se refait pas.

Passé le soulagement et les scènes de joie, son retour pose autant de questions qu’il ne résout d’équations. Comment va-t-elle se comporter ? Quel rôle jouera-t-elle ? Quelles sont ses ambitions ? Après quelques jours passés dans cette résidence habitée aujourd’hui par son beau-fils Michel et où elle a retrouvé sa chambre, Simone devrait quitter Abidjan pour quelques jours ou une semaine. Où ira-t-elle ? Sans doute dans son village de Moossou, confient ses proches.

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Vieilles ambitions

À son retour, « elle jouera le même rôle politique qu’avant », affirme son ami Innocent Akohi. Deuxième vice-présidente du FPI derrière Aboudramane Sangaré et Laurent Gbagbo, réélu président le 3 août, Simone va donc reprendre sa place entre ces deux hommes, avec lesquelles elle a fondé le parti en 1982. C’est déjà aux côtés de Sangaré, « le gardien du temple », auquel elle a tenu à rendre un hommage appuyé le jour de son retour, qu’elle avait maintenu le FPI en vie au milieu des années 1980, lors de l’exil en France de Laurent, qui n’était pas encore son mari.

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Pendant tout ce temps, celui du militantisme contre Félix Houphouët-Boigny, puis dans l’exercice et la défense du pouvoir, Simone a aimé la politique, quitte à en épouser les excès. Difficile aujourd’hui de l’imaginer renoncer aux ambitions qui ont toujours été les siennes. Sa détention ne l’a pas empêchée de placer ses pions au sein du FPI – certains viennent d’ailleurs d’intégrer ses instances. Pourrait-elle envisager de se présenter à la prochaine élection présidentielle ?

Une opportunité inespérée pour le FPI

« Pour le moment, ce n’est pas d’actualité. Il y a des étapes à respecter. Elle ne fera rien sans l’accord de la direction du parti, donc de Laurent Gbagbo et de Sangaré. Et puis, comment l’envisager alors que nous espérons tous que Laurent sorte avant 2020 ? » répond un intime. Le 1er octobre, les juges de la Cour pénale internationale (CPI) décideront s’ils acceptent d’examiner la demande d’acquittement déposée par la défense de l’ex-président. Dans les chancelleries occidentales, l’idée d’une libération courant 2019 n’est plus exclue.

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Par ailleurs, la CPI demande toujours que Simone soit transférée à La Haye, malgré le refus du gouvernement ivoirien et l’opposition des avocats de l’intéressée. Ces menaces ne risquent-elles pas de limiter le champ d’action de l’ex-Première Dame ?

Pour le FPI, son retour, comme celui de dizaines de ses cadres historiques dont les ex-ministres Assoa Adou, Lida Kouassi ou Hubert Oulaye, est en tout cas une opportunité inespérée de redynamiser un parti en perte de vitesse depuis la fin du régime Gbagbo. Chez les militants croisés le 8 août, quelque chose s’est indéniablement libéré. « La peur a reculé, et c’est peut-être le plus important », conclut l’un d’eux, arborant avec fierté son tee-shirt à l’effigie de sa championne, Simone.

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